Macky Sall et l’art de se dédouaner : Dette publique sous-estimée - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Economie | Par Eva | Publié le 03/10/2025 08:10:00

Macky Sall et l’art de se dédouaner : Dette publique sous-estimée

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La récente polémique autour de la « dette cachée » du Sénégal, relancée par les déclarations de l’ancien président Macky Sall et les réponses du ministre de l’Économie Abdourahmane Sarr, révèle un malaise profond dans la gestion des finances publiques. Alors que Macky Sall qualifie ces accusations d’« absurdes », son successeur admet l’existence de paiements « omis » dans les rapports officiels, mais connus du Trésor. Une contradiction qui interroge : comment une dette peut-elle à la fois être invisible et inévitable ?

Derrière les mots rassurants sur sa « soutenabilité », se cache une réalité bien plus troublante : celle d’un système où l’opacité prime sur la rigueur, et où les citoyens paient le prix d’une gestion financière défaillante. Cette affaire n’est pas un simple différend technique, mais le symptôme d’un manque criant de transparence et de responsabilité.

Au Sénégal, comme dans tout État de droit, la dette publique est censée être traçable, contrôlée par des institutions comme la Cour suprême, la BCEAO et le FMI. Pourtant, le ministre Sarr a reconnu que certains décaissements, effectués à l’étranger, ont échappé aux circuits classiques. Pire, ces opérations, bien que non comptabilisées, engagent bel et bien le pays. Comment en est-on arrivé là ? La réponse tient en un mot : l’opacité. Sous couvert de complexité administrative, des sommes ont été engagées sans laisser de trace dans les livres, tout en grevant le budget national. Cette pratique, loin d’être anodine, soulève une question fondamentale : si des paiements peuvent être « omis », qui en a tiré profit, et à quel prix pour les Sénégalais ?

L’argument selon lequel la dette reste « soutenable » ne doit pas servir d’alibi. Une dette transparente est la pierre angulaire d’une économie saine. Quand elle devient fantôme, c’est la confiance dans les institutions qui s’effrite. Le FMI, censé jouer les gendarmes, est désormais sommé de s’expliquer. Comment a-t-il pu valider des données erronées pendant des années ? Son silence passé pose question : est-il complice d’un système défaillant, ou simplement victime de manipulations ?

Les déclarations du ministre Sarr sont édifiantes. Elles confirment que des fonds ont circulé en dehors des canaux officiels, sans que les mécanismes de contrôle ne jouent leur rôle. Deux hypothèses s’imposent : soit ces institutions ont failli à leur mission, soit elles ont fermé les yeux. Dans les deux cas, le résultat est le même : une dette qui pèse sur les finances publiques sans que les citoyens, premiers concernés, en soient informés.

Cette opacité n’est pas sans conséquence. Une dette « soutenable » aujourd’hui peut cacher un endettement irresponsable hier. Les marchés financiers, souvent indulgents envers les États tant que les remboursements sont assurés, pourraient bien se montrer moins cléments à l’avenir. Quand la transparence fait défaut, le risque de dérapage est réel. D’autres pays africains, comme le Mozambique ou la République du Congo, ont payé cher leur manque de rigueur, s’endettant lourdement pour des projets opaques ou des détournements. Le Sénégal, souvent cité en exemple pour sa stabilité, ne peut se permettre de suivre cette voie.

Le FMI, dont le rôle est précisément d’éviter de telles dérives, se retrouve dans une position inconfortable. Son incapacité à détecter ces anomalies plus tôt interroge. Est-ce un échec de sa part, ou le signe que ses mécanismes de surveillance sont facilement contournables ? La réponse à cette question déterminera sa crédibilité future.

Premier argument : l’opacité profite toujours à quelques-uns. Quand des paiements sont « omis », c’est rarement par négligence. Les bénéficiaires de ces transactions, qu’il s’agisse de créanciers étrangers, d’intermédiaires ou de réseaux clientélistes, ont tout intérêt à ce que ces flux restent dans l’ombre. Pendant ce temps, ce sont les contribuables sénégalais qui assument le fardeau, via des impôts ou des coupes budgétaires dans les services publics.

Deuxième argument : une dette « soutenable » n’est pas une dette acceptable. Le fait que le Sénégal puisse encore honorer ses engagements ne doit pas masquer le problème de fond. Une gestion financière saine exige que chaque centime soit justifié et traçable. Sinon, on ouvre la porte à tous les abus. Les exemples ne manquent pas en Afrique : des dettes contractées dans l’opacité ont souvent servi à enrichir des élites plutôt qu’à développer le pays.

Troisième argument : le FMI ne peut plus se contenter de jouer les arbitres. S’il veut retrouver sa légitimité, il doit exiger des comptes clairs et des sanctions en cas de manquement. Sinon, il deviendra complice d’un système où l’impunité règne.

Le Sénégal n’est pas le premier pays à faire face à un scandale de dette cachée. En 2016, le Mozambique a révélé 1,4 milliard de dollars de dettes non déclarées, plongeant le pays dans une crise économique et politique. Plus près de nous, la République du Congo a vu sa dette exploser en raison de contrats opaques avec des entreprises étrangères. Dans les deux cas, les conséquences ont été désastreuses : austérité forcée, perte de confiance des investisseurs, et surtout, un appauvrissement des populations.

Ces exemples doivent servir de leçon. Une dette non maîtrisée, surtout quand elle est gérée dans l’opacité, devient une bombe à retardement. Le Sénégal, souvent présenté comme un modèle de stabilité en Afrique de l’Ouest, ne peut se permettre de reproduire ces erreurs.

La dette fantôme du Sénégal n’est pas une simple anomalie comptable. C’est le signe d’un système où la transparence est sacrifiée sur l’autel des intérêts particuliers. Les déclarations du ministre Sarr, loin de rassurer, confirment que des failles majeures existent dans la gestion des finances publiques.

Les autorités doivent publier un audit indépendant sur ces paiements « omis », identifier les responsables, et mettre en place des garde-fous pour éviter que l’histoire ne se répète. Le FMI, de son côté, doit faire preuve de fermeté : sans sanctions claires, les dérives continueront.

Aux citoyens sénégalais de rester vigilants. Une dette cachée aujourd’hui peut devenir un fardeau insupportable demain. Exigeons des comptes, maintenant. Car la transparence n’est pas une option : c’est une condition sine qua non pour un avenir économique stable et juste.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : François Diouf.
Mis en ligne : 03/10/2025

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