Alternances sans rupture réelle : Le Sénégal, éternel recommencement - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 05/10/2025 03:10:16

Alternances sans rupture réelle : Le Sénégal, éternel recommencement

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Un article récent dressait un constat accablant : le Sénégal, autrefois perçu comme un modèle de stabilité et de dynamisme en Afrique de l’Ouest, semble aujourd’hui en proie à un déclin multiforme, économique, politique, culturel. L’auteur y dénonçait la médiocrité grandissante des dirigeants, l’essoufflement économique face à des voisins comme la Côte d’Ivoire ou la Guinée, et la perte de repères d’un pays qui fut jadis le berceau d’intellectuels et de visionnaires.

Depuis la Première Alternance de 2000, puis celles de 2012 et 2024, le Sénégal a changé de dirigeants, mais pas de scénario. Les promesses se succèdent, les dysfonctionnements persistent, et la démocratie sénégalaise, souvent célébrée, ressemble de plus en plus à un théâtre où les acteurs varient, mais où la pièce reste la même. Il faut le dire clairement : l’alternance politique, tant vantée, n’a pas tenu ses promesses.

L’alternance de 2000, puis celles qui ont suivi, ont été saluées comme des victoires démocratiques. Pourtant, force est de constater que ces changements n’ont pas entraîné les ruptures espérées. Le Sénégal reste confronté à des défis structurels : chômage massif, dette publique abyssale (99,67 % du PIB en 2023), gestion opaque des finances publiques, et une jeunesse désabusée, contrainte à l’exil pour survivre.

Les rapports de la Cour des comptes et les audits récents révèlent des irrégularités graves, des emprunts non justifiés, et des promesses non tenues, comme les 800 millions de francs CFA promis aux hôpitaux de Touba, jamais décaissés. Pire, les crises politiques à répétition (report de l’élection présidentielle en 2024, tensions institutionnelles) ont ébranlé la confiance dans les institutions, autrefois présentées comme des piliers de stabilité.

Chaque nouvelle équipe au pouvoir arrive avec son lot de promesses : création d’emplois, transparence, développement accéléré. Pourtant, les faits sont têtus. La croissance, bien que réelle (5,6 % en 2024), reste fragile, dépendante des hydrocarbures et des partenariats extérieurs, et bien en deçà des performances de la Côte d’Ivoire (PIB de 78,8 milliards de dollars en 2024 contre 31,1 pour le Sénégal) ou même de la Guinée, qui a récemment surclassé le Sénégal en rebasant son PIB.

Les plans ambitieux (« Vision Sénégal 2050 ») se heurtent à une réalité implacable : l’investissement public stagne, l’industrie ne décolle pas, et les services publics (santé, éducation, infrastructures) restent en lambeaux. Les dysfonctionnements, eux, traversent les régimes. Les retards de salaires dans les agences publiques, les détournements de fonds, les projets inaboutis (comme les infrastructures pour les Jeux Olympiques de la Jeunesse de 2026) sont autant de symptômes d’un système à bout de souffle.

Le clientélisme, la corruption, et l’absence de vision à long terme minent l’action publique. Les alternances n’ont pas brisé cette logique : elles l’ont perpétuée, en changeant simplement les bénéficiaires.

Pendant que le Sénégal s’enlise dans ses contradictions, ses voisins tracent leur chemin. La Côte d’Ivoire, sortie de sa crise, affiche une croissance robuste et attire les investissements. La Guinée, grâce à ses ressources minières et une gouvernance plus volontariste, a rebâti son économie et dépasse désormais le Sénégal en termes de PIB.

Même le Bénin, avec des moyens moindres, offre à ses citoyens un cadre de vie mieux entretenu et une administration plus rigoureuse. À Dakar, les places publiques se dégradent, les monuments s’effritent, et le civisme s’étiole, un contraste saisissant avec Cotonou ou Abidjan, où le volontarisme politique porte ses fruits.

Il faut cesser de se voiler la face. La démocratie sénégalaise n’est pas une exception : elle est malade de ses propres illusions. Les alternances, si elles sont nécessaires, ne suffisent pas. Il faut une refonte profonde de l’État, une lutte sans merci contre la corruption, et une exigence de résultats concrets pour les citoyens.

Les Sénégalais ne méritent pas des discours, mais des actes. Ils ne méritent pas des dirigeants qui se contentent de gérer l’héritage du passé, mais des leaders capables de bâtir l’avenir.

Le Sénégal n’est pas condamné au déclin. Mais pour éviter ce scénario, il faut rompre avec la médiocrité ambiante, exiger des comptes, et sanctionner l’inaction. Les alternances ne valent que si elles transforment réellement les vies. Sinon, elles ne sont que des leurres, et la démocratie, un décor.

Le vrai changement ne viendra ni des promesses, ni des discours, mais d’une mobilisation citoyenne sans concession. Le Sénégal a été grand. Il peut le redevenir, à condition de cesser de se mentir. La balle est dans le camp des Sénégalais : sauront-ils exiger mieux que des illusions ?

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Tabara M.
Mis en ligne : 05/10/2025

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