Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »
L’annonce récente de l’ouverture d’enquêtes judiciaires sur les violences politiques qui ont secoué le Sénégal entre 2021 et 2024 a été saluée par certains comme un pas vers la justice. Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty International/Sénégal, a appelé à une « enquête rigoureuse, indépendante et approfondie », visant « tous les niveaux de responsabilité, y compris politiques », et suggérant que l’ombre de l’ex-président Macky Sall pourrait planer sur ces événements.
Pourtant, si l’on remonte toute la chaîne des violences et des crimes commis durant cette période, il est difficile d’imaginer comment Ousmane Sonko, au regard de ses déclarations et des actes posés, pourrait échapper à la justice.
Entre 2021 et 2024, le Sénégal a connu une série de manifestations violentes, souvent réprimées dans le sang, faisant plus de 80 morts et des milliers de blessés. Ces violences ont été marquées par des affrontements entre forces de l’ordre et manifestants, souvent en soutien à Ousmane Sonko, alors figure de proue de l’opposition.
Les appels à la « vengeance » et à la « riposte » lancés par Sonko lui-même, notamment lors de la campagne électorale de 2024, ont attisé les tensions et contribué à un climat de violence généralisée. La loi d’amnistie adoptée en mars 2024, bien que controversée, avait permis la libération de nombreux opposants, dont Sonko et l’actuel président Bassirou Diomaye Faye. Aujourd’hui, l’abrogation de cette loi et l’ouverture d’enquêtes soulèvent des questions sur la sincérité de cette quête de justice.
L’article de L’Observateur met en avant la nécessité de « remonter jusqu’aux donneurs d’ordres ». Pourtant, les déclarations et actes d’Ousmane Sonko, tant avant qu’après son accession au poste de Premier ministre, révèlent une responsabilité directe dans l’escalade de la violence. En novembre 2024, il a explicitement appelé ses partisans à « venger » les agressions subies par ses militants, un discours qui a été largement condamné comme un appel à la violence. Comment peut-on, dans ces conditions, imaginer que Sonko puisse se poser en victime ou en garant de la justice ?
Les enquêtes en cours visent à établir les responsabilités, mais il est frappant de constater que les premiers convocations concernent surtout des familles de victimes et des militants, tandis que les appels à la violence de Sonko restent impunis. L’opportunité de rompre avec l’impunité, évoquée par Amnesty International, ne doit pas servir de paravent à une justice sélective.
Ousmane Sonko a, à plusieurs reprises, encouragé ses partisans à la « vengeance » et à la « riposte », contribuant ainsi à l’escalade des tensions. Ces déclarations, venues d’un leader politique, ont un poids symbolique et concret, et ne peuvent être ignorées par la justice.
Alors qu’il se présente aujourd’hui comme un défenseur de la justice, Sonko a bénéficié de l’amnistie pour des faits graves, et son parti a été impliqué dans des actes de violence et de destruction. Son engagement à « faire toute la lumière » sur les violences de 2021-2024 sonne comme une manœuvre politique, surtout quand on sait que ses propres actions ont alimenté ces violences.
Les enquêtes semblent cibler principalement l’ancien pouvoir, tandis que les responsabilités de Sonko et de ses partisans sont minimisées. Une justice équitable devrait examiner tous les acteurs, sans distinction de camp politique.
Dans d’autres contextes africains, comme au Burkina Faso ou en Côte d’Ivoire, les enquêtes sur les violences politiques ont souvent été instrumentalisées pour régler des comptes politiques. Au Sénégal, le risque est grand de voir ces enquêtes devenir un outil de vengeance politique plutôt qu’un véritable processus de réconciliation nationale.
Si la justice doit être rendue pour les victimes des violences de 2021-2024, elle doit l’être pour tous, sans exception. Ousmane Sonko, par ses déclarations et ses actes, a contribué à la dégradation du climat politique et à l’escalade de la violence. Il ne peut se soustraire à la responsabilité qui est la sienne. Une enquête indépendante et impartiale doit examiner l’ensemble des responsabilités, y compris celles de Sonko, pour éviter que cette démarche ne soit perçue comme une simple opération de communication ou de règlement de comptes. La crédibilité de la justice sénégalaise en dépend.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Babacar Bèye.
Mis en ligne : 06/10/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.





