Dakar trahit ses valeurs : Tony Blair invité au Forum Invest In 2025 - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Société | Par Eva | Publié le 09/10/2025 08:10:30

Dakar trahit ses valeurs : Tony Blair invité au Forum Invest In 2025

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Le Collectif Palestine 221 (CP221) a récemment publié un communiqué virulent, dénonçant la participation de Tony Blair et de sa fondation au Forum d’investissement (FII) organisé au Sénégal. Ce choix, perçu comme une « profonde contradiction morale et politique », interroge : comment un pays qui préside depuis plus de quarante ans le Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien peut-il accueillir un homme dont le bilan est marqué par la guerre en Irak, le soutien à des politiques pro-israéliennes et le mépris des souffrances civiles ?

Cette décision controversée, rappelle le rôle historique du Sénégal dans la défense des droits des peuples opprimés, et questionne la cohérence d’un tel partenariat.

Depuis 1975, le Sénégal préside le Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, un engagement salué mondialement. De Léopold Sédar Senghor à Macky Sall, en passant par l’actuel gouvernement, le pays a toujours été un fervent défenseur de la cause palestinienne, cosignant des résolutions condamnant la colonisation israélienne et appelant à une solution à deux États.

En 2016, le Sénégal a même parrainé la résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’ONU, condamnant la colonisation en Cisjordanie, un geste fort qui avait provoqué la suspension temporaire de la coopération israélienne avec Dakar. Cette position constante a fait du Sénégal une voix respectée, capable de dialoguer avec tous les acteurs tout en restant fidèle à ses principes de justice et de solidarité.

Tony Blair, en revanche, incarne une tout autre histoire. Son engagement dans la guerre en Irak en 2003, fondée sur des mensonges concernant des armes de destruction massive, a causé la mort de plus d’un demi-million d’Irakiens et déstabilisé toute une région. Son rôle comme envoyé spécial pour le Moyen-Orient de 2007 à 2015 a été marqué par un bilan maigre et une méfiance généralisée, notamment auprès des Palestiniens, qui le considèrent comme complice des politiques israéliennes. Son nom est aujourd’hui associé à des échecs diplomatiques, des massacres, et une légitimité profondément contestée, au point que des voix appellent à ce qu’il soit jugé pour crimes de guerre.

Accueillir Tony Blair comme « partenaire du développement » revient à normaliser l’impunité des dirigeants responsables de crimes de guerre et à piétiner la mémoire des victimes irakiennes et palestiniennes. Le Sénégal, pays majoritairement musulman et porteur d’un héritage de résistance aux oppressions, envoie un message troublant : celui d’une possible soumission aux intérêts économiques au détriment de ses valeurs fondatrices.

Comment concilier l’héritage de Senghor, qui avait offert un passeport diplomatique à Yasser Arafat, avec l’accueil d’un homme dont les décisions ont humilié la Oumma islamique, comme l’exécution de Saddam Hussein un jour de Tabaski, et soutenu des politiques d’occupation brutale à Gaza ? Le Sénégal, qui a toujours plaidé pour une solution juste et durable fondée sur le droit international, risque de perdre sa crédibilité en légitimant un acteur dont les actions ont systématiquement ignoré ces principes.

En associant son nom à Tony Blair, le Sénégal s’expose à une perte de confiance de la part des pays arabes, africains et de sa propre société civile, historiquement engagée pour la Palestine. Des pays comme l’Algérie ou l’Afrique du Sud ont maintenu une ligne claire en faveur des droits palestiniens, refusant toute ambiguïté. Pourquoi le Sénégal ferait-il moins ?

Les familles des victimes irakiennes et palestiniennes ont le droit de voir leurs bourreaux tenus pour responsables, non célébrés comme partenaires. La présence de Blair au FII est une insulte à leur souffrance et une trahison de la solidarité africaine et musulmane.

Le Sénégal a toujours joué un rôle de médiateur crédible grâce à sa neutralité et son attachement au droit international. En s’associant à Blair, il risque de devenir complice des silences sur les violations des droits humains, notamment à Gaza, où la situation est aujourd’hui qualifiée de catastrophique.

Le Sénégal n’a pas besoin de s’allier avec des figures controversées pour attirer des investissements. D’autres partenaires, respectueux des droits humains et alignés avec les valeurs du pays, pourraient être privilégiés.

Le Sénégal se trouve à un carrefour : soit il reste fidèle à son héritage de justice et de dignité, soit il cède à la tentation des partenariats faciles, au mépris de son histoire et de ses principes. La société civile, à travers le CP221, a lancé un cri d’alerte : « Le Sénégal ne doit pas se coucher devant les puissants, il doit rester debout pour la justice et la dignité humaine. »

Il est encore temps pour le gouvernement de clarifier cette décision, de réaffirmer sans ambiguïté son soutien au peuple palestinien, et de rejeter toute compromission avec ceux qui ont bafoué les droits des peuples opprimés. Le Sénégal a toujours été du côté des victimes. Il ne doit pas, aujourd’hui, se ranger du côté des bourreaux.

Le gouvernement doit écouter la voix de son peuple et de sa société civile. Il doit annuler la participation de la Fondation Blair au FII et réaffirmer, par des actes concrets, son engagement indéfectible pour la justice, la dignité et les droits inaliénables des peuples. La crédibilité du Sénégal en dépend.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Matar Ba.
Mis en ligne : 09/10/2025

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