Massacres, blocus et chaos : Le JNIM, grand gagnant de la crise malienne - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 09/10/2025 07:10:15

Massacres, blocus et chaos : Le JNIM, grand gagnant de la crise malienne

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Ce 6 octobre 2025, le Mali s’enfonce un peu plus dans le chaos. Les jihadistes du JNIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), liés à al-Qaïda, multiplient les attaques dans les régions de Sikasso et Tombouctou, tandis que l’armée malienne et ses supplétifs dozos exécutent sommairement au moins 28 civils à Kamona-Pont, dans la région de Ségou.

Enlèvements, camion-citerne incendiés, blocus du carburant, négociations avortées : chaque jour apporte son lot de violences et d’échecs. Pourtant, dans cette spirale de terreur, un acteur sort renforcé : le JNIM. Car à force de bavures, d’incompétence et de mépris pour les populations, l’État malien offre au groupe jihadiste un terreau idéal pour recruter, s’étendre et asphyxier le pays. L’analyse des événements récents révèle une vérité cruelle : le JNIM prospère grâce aux erreurs de Bamako.

Depuis des années, le centre et l’ouest du Mali sont le théâtre d’un conflit asymétrique où les civils paient le prix fort. Le JNIM, coalition de groupes jihadistes créée en 2017, a su exploiter les failles de l’État pour s’imposer comme une force incontournable. Selon l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (GI-TOC), entre janvier 2024 et mars 2025, les forces maliennes et leurs alliés russes ont tué près de 1 500 civils, soit cinq fois plus que le JNIM lui-même. Ces exactions systématiques, loin d’affaiblir les jihadistes, alimentent leur propagande et leur recrutement. « Le JNIM essaye de délégitimiser les autorités maliennes en mettant en lumière les atrocités commises par l’armée et ses alliés », explique Nina Wilén, experte à l’institut Egmont. Pendant ce temps, le groupe étend son emprise, passant du centre du Mali à l’ouest, menaçant désormais le Sénégal et la Mauritanie.

À Kamona-Pont, 28 corps ont été enterrés après une opération menée par l’armée et les dozos. D’autres sources évoquent 35 à 37 morts. Ces massacres, loin d’être des cas isolés, s’inscrivent dans une stratégie de terreur qui pousse les populations vers les bras du JNIM. « La violence extrême des forces de l’État a suscité la colère des populations, favorisant le recrutement du groupe », confirme la BBC. Les villageois, pris entre le marteau jihadiste et l’enclume militaire, n’ont plus confiance en l’État. Pour eux, le JNIM se présente en protecteur face à une armée qui les considère comme des complices de terroristes. Les dozos, milices communautaires instrumentalisées par Bamako, aggravent encore la situation : leurs exactions contre les Peuls, Bozos ou Bambaras attisent les tensions intercommunautaires et renforcent la légitimité des jihadistes.

Depuis septembre 2025, le JNIM a instauré un blocus sur les routes stratégiques, notamment Bamako-Ségou et Bamako-Kayes, asphyxiant l’économie malienne. Les camions-citernes sont incendiés, le carburant se raréfie, et les prix explosent (jusqu’à 2 000 FCFA le litre dans certaines zones). « Cette stratégie vise à isoler Bamako de sa principale voie d’approvisionnement », souligne le Timbuktu Institute. Résultat : la capitale étouffe, les coupures d’électricité se multiplient, et l’État, incapable de sécuriser les axes vitaux, perd pied. Le JNIM, lui, contrôle désormais les flux économiques et vend le carburant au marché noir, finançant ainsi sa guerre.

Les tentatives de dialogue avec le JNIM, menées par des notables sous l’égide des services de renseignement, échouent systématiquement. Pourquoi ? Parce que le groupe exige une reconnaissance officielle de Bamako, que la junte refuse de lui accorder. « Les djihadistes ont exigé une demande officielle des autorités pour discuter de la levée du blocus », rapportent des sources locales. Pendant ce temps, les enlèvements se multiplient (président du Conseil régional de Ségou, anciens députés, employés de l’Office du Niger), montrant l’audace grandissante du groupe. Les négociations locales, sans cadre politique clair, ne sont que des rustines sur un système à bout de souffle.

Chaque exaction commise par les militaires ou les dozos renforce la base sociale des jihadistes. Les populations, victimes de violences arbitraires, voient en eux une alternative à un État prédateur.

En ciblant les convois de carburant, le JNIM frappe là où ça fait mal. La pénurie paralyse l’économie, affaiblit l’État et montre l’incapacité de Bamako à protéger ses citoyens.

Le JNIM ne se contente plus d’attaques armées. Il impose des taxes, contrôle les routes, et se pose en autorité de facto, érodant la légitimité du gouvernement. « En asphyxiant les poumons économiques du pays, le JNIM contraint les forces armées à se disperser et affaiblit l’État », analyse Jeune Afrique.

Le retrait du G5 Sahel, la rupture avec la CEDEAO et les tensions avec l’Algérie laissent le champ libre aux jihadistes. Sans coopération régionale, le Mali est un colosse aux pieds d’argile.

La situation malienne rappelle d’autres conflits où les bavures de l’armée ont alimenté l’insurrection. En Irak, les exactions des forces pro-gouvernementales ont renforcé Daech. En Algérie, la répression aveugle des années 1990 a nourri le GIA. Aujourd’hui, le Mali répète les mêmes erreurs, avec les mêmes conséquences : un jihadisme enraciné, une population exsangue, et un État en déliquescence.

Le JNIM n’est pas invincible, mais tant que l’État malien persistera dans la répression aveugle, les négociations de façade et le déni de réalité, le groupe continuera de prospérer. Les bavures de l’armée, le blocus économique et l’absence de vision politique transforment le Mali en terrain fertile pour le terrorisme. Il est temps de cesser de nourrir l’ennemi.

La question qui doit hanter Bamako est simple : jusqu’où ira-t-on dans l’auto-destruction ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Boubacar Diallo.
Mis en ligne : 09/10/2025

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