Le drame d’une jeunesse livrée à elle-même : Thiès sous tension - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Société | Par Eva | Publié le 14/10/2025 02:10:15

Le drame d’une jeunesse livrée à elle-même : Thiès sous tension

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L’arrestation récente de huit jeunes, dont deux filles et deux mineurs, surpris en train de consommer du chanvre indien et de l’ecstasy dans un appartement loué à Thiès, n’est que la partie émergée de l’iceberg. Ce fait divers, rapporté comme une simple actualité judiciaire, révèle en réalité une crise sociale bien plus profonde : celle d’une jeunesse abandonnée, sans emploi, sans loisirs, et livrée à elle-même.

Le vrai problème, ce n’est pas la drogue, mais l’absence totale de perspectives pour les jeunes. Quand une société ne propose ni travail ni activités constructives, elle ne peut s’étonner de voir ses enfants sombrer dans la délinquance et les addictions.

À Thiès, comme dans le reste du Sénégal, le chômage des jeunes atteint des niveaux alarmants. Selon les dernières données de l’ANSD, le taux de chômage chez les 15-24 ans frôle les 24 %, et près de 35 % des jeunes ne sont ni en emploi, ni en éducation, ni en formation. Dans un tel contexte, l’ennui, le désespoir et la recherche d’évasion deviennent le terreau fertile de la consommation de drogues. Les jeunes, privés d’opportunités, se tournent vers des substances illicites pour fuir une réalité sociale étouffante. L’appartement loué par ces huit jeunes n’était pas un repaire de criminels, mais un refuge pour une génération à l’abandon.

L’article se contente de décrire l’arrestation et la condamnation des jeunes, comme si la répression suffisait à régler le problème. Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes : au Sénégal, 40 % des consultations à l’hôpital psychiatrique de Thiaroye concernent des troubles liés à la dépendance, principalement chez les 16-30 ans. La consommation de drogues n’est pas un choix, mais une conséquence directe du manque d’alternatives. Quand les portes de l’emploi et de l’éducation restent fermées, quand les infrastructures de loisirs brillent par leur absence, la rue et les substances psychoactives deviennent les seuls exutoires.

En Europe, la consommation de drogues chez les adolescents est souvent liée à l’anxiété, à la dépression et à l’isolement social. Au Sénégal, ces mêmes maux sont aggravés par un chômage endémique et une précarité généralisée. Les jeunes ne consomment pas par plaisir, mais par désespoir. La répression policière, aussi nécessaire soit-elle, ne fera que déplacer le problème si rien n’est fait pour offrir des solutions durables.

Avec un taux de chômage des jeunes à 24 % et des centaines de milliers de nouveaux arrivants sur le marché du travail chaque année, le Sénégal est assis sur une poudre keg. Les programmes d’insertion professionnelle existent, mais ils restent insuffisants et mal adaptés. Les 450 milliards de francs CFA annoncés pour l’employabilité des jeunes sont une goutte d’eau dans un océan de besoins.

Les centres culturels, sportifs et éducatifs manquent cruellement. Les jeunes, livrés à eux-mêmes, trouvent dans la drogue un substitut aux activités structurantes qui leur font défaut.

Condamner ces jeunes à un mois de prison ferme, comme l’a requis le procureur, ne résoudra rien. Sans accompagnement social, sans formation, sans emploi, ils retomberont dans le même cycle de désœuvrement et de dépendance.

En Europe, face à la hausse de la consommation de drogues chez les jeunes, les politiques publiques misent sur la prévention, l’éducation et l’intégration professionnelle. Au Maroc, la toxicomanie est reconnue comme une crise sociale structurelle, nécessitant des réponses globales et non uniquement sécuritaires. Pourquoi le Sénégal persiste-t-il dans une approche purement répressive, alors que l’expérience montre son inefficacité ?

La drogue n’est pas la cause, mais le symptôme d’une société qui a failli à sa mission envers sa jeunesse. Plutôt que de criminaliser ces jeunes, il est urgent de leur offrir des alternatives : emplois, formations, espaces de loisirs et d’expression. Le vrai scandale n’est pas leur consommation de chanvre ou d’ecstasy, mais l’incurie des pouvoirs publics qui les a poussés dans cette impasse.

Il faut cesser de traiter les conséquences pour s’attaquer aux causes. Investir massivement dans l’emploi des jeunes, développer des infrastructures de loisirs accessibles, et repenser les politiques de prévention : voici les vraies solutions. Sinon, Thiès ne sera qu’un exemple parmi d’autres d’une jeunesse sacrifiée sur l’autel de l’indifférence collective.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Pape Tidiane.
Mis en ligne : 14/10/2025

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