Corruption routière ou « Samp » : Un mal trop profitable pour disparaître - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Société | Par Eva | Publié le 10/11/2025 09:11:15

Corruption routière ou « Samp » : Un mal trop profitable pour disparaître

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Le Général Birame Diop, chef du Haut-commandement de la Gendarmerie nationale, a récemment réagi aux allégations de corruption routière entre Kaolack, Mbour, Ziguinchor et Goudomp, promettant une enquête interne et un renforcement des contrôles. Une réponse qui, sur le papier, semble ferme. Pourtant, à y regarder de plus près, ces déclarations relèvent davantage de l’effet d’annonce que d’une réelle volonté de s’attaquer à un fléau systémique, ancien et généralisé. Derrière les mots rassurants se cache une stratégie bien rodée : calmer l’opinion publique sans remuer les fondements d’un système où la corruption est devenue une norme.

La corruption routière, ou « Samp », n’est pas une découverte. Elle est un secret de Polichinelle, une pratique si ancrée qu’elle en est presque institutionnalisée. Les 4 000 FCFA exigés des usagers entre Ziguinchor et Goudomp ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Depuis des années, rapports et témoignages se multiplient, dénonçant l’omniprésence de ces pratiques, surtout chez les forces de l’ordre. Selon une étude d’Afrobarometer, 75 % des Sénégalais estiment que la corruption a augmenté, et 77 % jugent « plutôt mal » ou « très mal » les performances du gouvernement dans ce domaine. Pourtant, chaque fois que le scandale éclate, la réponse est la même : une enquête interne, des « investigations approfondies », et la promesse de sanctions qui, dans les faits, peinent à tomber.

L’histoire se répète. En 2017, une note interne de la gendarmerie révélait l’ampleur nationale de la corruption routière. Résultat ? Sur 18 renvois prononcés cette année-là, aucun ne concernait des faits de corruption. En 2024, l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) a mené 234 enquêtes administratives, mais le nombre de sanctions effectives reste flou, et les cas avérés de corruption routière sont rarement rendus publics. Pire, les rares fois où des officiers sont suspendus ou sanctionnés, c’est souvent sous la pression médiatique, comme en témoigne la suspension d’un général en 2023 pour des soupçons de corruption au ministère de l’Intérieur. Les enquêtes internes, confiées à une institution qui juge ses propres membres, manquent cruellement de transparence et d’indépendance. Comment croire que cette fois sera différente ?

Le Général Birame Diop évoque des « investigations qui pourraient se prolonger dans le temps ». Une formule creuse, qui sonne comme une excuse pour gagner du temps, voire pour étouffer l’affaire. Quand on sait que la corruption routière est un phénomène documenté, connu, et dénoncé depuis des années, pourquoi attendre des mois, voire des années, pour agir ? La réponse est simple : parce que ces annonces ne visent pas à résoudre le problème, mais à le faire oublier. La preuve ? Malgré les promesses de « tolérance zéro », les pratiques persistent, et les usagers continuent de payer pour éviter des amendes ou des tracas administratifs.

À l’échelle du continent, quelques pays ont su prendre des mesures radicales. Le Rwanda, souvent cité en exemple, a mis en place des mécanismes de contrôle externes et des sanctions exemplaires, réduisant significativement la petite corruption. À l’inverse, au Sénégal, la lutte contre la corruption reste lettre morte, faute de volonté politique et de mécanismes indépendants. Les Seychelles, Maurice ou le Cap-Vert ont amélioré leurs scores en matière de transparence, tandis que le Sénégal stagne, voire régresse. La différence ? Ces pays ont osé briser l’omerta et impliquer la société civile, les médias et la justice dans la lutte contre la corruption.

Les déclarations du Général Birame Diop et du ministère des Forces armées ne sont que des rustines sur un navire qui prend l’eau. Tant que les enquêtes resteront internes, que les sanctions seront rares et discrètes, et que les autorités continueront de jouer la montre, rien ne changera. La corruption routière n’est pas un problème technique, mais politique. Elle prospère parce qu’elle arrange, parce qu’elle rapporte, et parce que ceux qui devraient la combattre en sont souvent les premiers bénéficiaires. Les annonces récentes ne sont qu’un leurre, une tentative de sauver les apparences sans toucher aux privilèges.

La vraie question n’est pas de savoir si le « Samp » va disparaître, mais quand les Sénégalais cesseront de se contenter de belles paroles. Car tant que l’impunité régnera, les 4 000 FCFA de Ziguinchor à Goudomp ne seront qu’un détail parmi d’autres dans un système où la corruption est devenue une taxe informelle, acceptée et organisée. La balle est désormais dans le camp des citoyens : accepteront-ils encore longtemps de payer le prix de l’inaction ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Moussa Fall.
Mis en ligne : 10/11/2025

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