Interroger des fugitifs : Une folie journalistique à ne pas cautionner - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Justice | Par Eva | Publié le 13/11/2025 08:11:30

Interroger des fugitifs : Une folie journalistique à ne pas cautionner

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Dans une récente interview accordée à L’Observateur, Ousmane Kane, ancien président de la Cour d’appel de Kaolack, a exprimé des opinions qui minimisent les implications éthiques et morales de l’interview de personnes recherchées. Son discours, loin de défendre l’intégrité du journalisme, semble plutôt banaliser des actes qui pourraient compromettre la crédibilité de la profession. Je m’inscris en faux contre cette vision.

L’affaire Madiambal Diagne, visé par un mandat d’arrêt international, a récemment suscité une vive controverse après que les journalistes Maïmouna Ndour Faye et Babacar Fall aient diffusé une interview le concernant. Leur interpellation, suivie d’une remise en liberté, a relancé le débat sur le rôle des journalistes face à des individus recherchés. Kane, en prenant la parole, semble ignorer les responsabilités qui incombent aux professionnels des médias.

Kane affirme qu’aucune loi sénégalaise n’interdit aux journalistes d’interroger des personnes recherchées, tant que leur localisation est connue. Mais cette affirmation, bien que techniquement juste, occulte une réalité bien plus complexe. En effet, donner une tribune à des individus recherchés, c’est leur offrir une plateforme pour se justifier, voire pour se glorifier. Cela rappelle le cas de certains médias qui, dans le passé, ont interviewé des terroristes, leur permettant ainsi de véhiculer leurs idéologies violentes.

Kane cite des articles du Code pénal pour défendre son point de vue, mais il omet de mentionner que ces textes visent à dissuader le recel et la complicité, non pas à exonérer les journalistes de leur responsabilité éthique. En d’autres termes, ce n’est pas tant la loi qui est en jeu ici, mais la morale.

Je soutiens que la position de Kane est non seulement dangereuse, mais aussi irresponsable. En tant que journalistes, nous avons le devoir de protéger l’intégrité de notre profession. En offrant une tribune à des personnes recherchées, nous risquons de brouiller les frontières entre information et propagande. Cela rappelle les dérives de certains médias qui, au nom de la liberté d’expression, ont permis à des voix extrêmes de s’exprimer sans retenue, mettant en péril les valeurs fondamentales de notre société.

Kane évoque l’exemple de Jacques Mesrine, mais cette comparaison est fallacieuse. Mesrine était un criminel notoire, mais son interview a également suscité des débats sur la glorification de la criminalité. Cela soulève une question essentielle : à quel point sommes-nous prêts à sacrifier notre éthique pour un scoop ? La réponse devrait être claire : jamais.

Minimiser les implications éthiques de l’interview de personnes recherchées, comme le fait Kane, est un coup de poignard porté à la crédibilité du journalisme. En offrant une plateforme à des individus qui échappent à la justice, nous risquons de légitimer leurs actions et de désinformer le public. C’est un cercle vicieux qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la perception du journalisme, le réduisant à un simple outil de propagande.

Il faut rappeler que la responsabilité des journalistes ne se limite pas à la légalité de leurs actions. Les médias ont un rôle fondamental dans la formation de l’opinion publique. En permettant à des personnes recherchées de s’exprimer, nous risquons de renforcer des discours qui pourraient inciter à la violence ou à la désinformation. De plus, des études montrent que la couverture médiatique de criminels recherchés peut influencer le comportement des jeunes, les incitant à idolâtrer ces figures.

Les propos d’Ousmane Kane, loin de défendre le journalisme, ouvrent la porte à une banalisation inquiétante de la responsabilité éthique des journalistes. Il est impératif de ne pas céder à la tentation de donner une tribune à ceux qui échappent à la justice. La crédibilité de notre profession est en jeu, et nous devons agir avec discernement.

Je vous invite, chers lecteurs, à réfléchir à l’impact de nos choix médiatiques. Ne laissons pas la quête du sensationnel primer sur la vérité et l’éthique. Engageons-nous à soutenir un journalisme responsable et intègre, qui respecte les valeurs fondamentales de notre société.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Massar Diouf.
Mis en ligne : 13/11/2025

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