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Un article récent de Walf Quotidien affirme que la situation juridique d’Ousmane Sonko, Premier ministre sénégalais et leader du Pastef, se clarifie en sa faveur : sa condamnation pour diffamation aurait été effacée par la loi d’amnistie, et son éligibilité ne serait plus en doute. Pourtant, l’annonce de ses congés en pleine période de tensions politiques et de débats sur sa légitimité interroge. Derrière les arguments juridiques et les déclarations rassurantes de son entourage, se dessine une réalité plus troublante : celle d’un dirigeant dont l’attitude semble refléter une certitude d’impunité, au mépris des attentes citoyennes et des responsabilités inhérentes à sa fonction.
Ousmane Sonko, figure controversée de la vie politique sénégalaise, incarne depuis des années une opposition radicale avant de devenir Premier ministre. Son parcours est marqué par des condamnations judiciaires, des mobilisations populaires, et une loi d’amnistie adoptée en mars 2024, qui a effacé rétroactivement les infractions à caractère politique commises entre 2021 et 2024. Cette loi, critiquée pour son caractère expéditif et son manque de transparence, a permis sa réintégration sur les listes électorales et son maintien au cœur du pouvoir.
Pourtant, les questions sur sa légitimité persistent, alimentées par des procédures judiciaires complexes et des débats sur l’interprétation de la loi. Dans ce contexte, l’annonce de ses congés à partir du 6 novembre 2025, alors que le pays traverse une période de crise sociale et économique, a suscité des réactions vives, notamment celle du journaliste Adama Gaye, qui s’est interrogé sur l’opportunité d’un tel éloignement en pleine année politique.
L’article de Walf Quotidien insiste sur la confiance affichée par Sonko et son entourage quant à son éligibilité, s’appuyant sur des sources judiciaires et des avocats pour affirmer que la loi d’amnistie a « définitivement clos le débat ». Pourtant, cette assurance contraste avec la réalité d’un pays en proie à des défis majeurs : crise économique, tensions sociales, et une opinion publique divisée. Prendre des congés à un moment où le Sénégal fait face à des enjeux cruciaux comme la maladie de la vallée du Rift, la vie chère, ou les déguerpissements de marchands envoie un signal ambigu. Pour beaucoup, cette décision reflète une forme de détachement, voire de mépris pour les urgences nationales, et renforce l’idée d’un pouvoir qui s’accorde des privilèges alors que la population souffre.
Un Premier ministre est avant tout un gestionnaire de crise. En France, par exemple, le chef du gouvernement est attendu au poste en période de tension, et son absence peut être perçue comme une défaillance. Au Sénégal, où les attentes envers les dirigeants sont fortes, l’absence de Sonko pour des raisons personnelles ou partisanes (il préparerait un meeting politique) est mal perçue. Les citoyens attendent des réponses, pas des congés.
La loi d’amnistie de 2024, adoptée dans un contexte politique tendu, a été critiquée par la société civile et des organisations internationales comme Human Rights Watch, qui y voient une porte ouverte à l’impunité. Elle a permis à Sonko d’échapper aux conséquences de sa condamnation, mais elle reste contestée, notamment parce qu’elle a été utilisée pour protéger des responsables politiques plutôt que pour apaiser les tensions sociales. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs invalidé en avril 2025 une loi interprétative visant à restreindre son champ d’application, soulignant son caractère inconstitutionnel et rétroactif.
Les congés de Sonko coïncident avec la préparation d’un grand rassemblement du Pastef, le « Téra Meeting » du 8 novembre. Cette stratégie de mobilisation, alors que des rumeurs de démission circulaient, montre une volonté de maintenir son influence politique, quitte à négliger ses devoirs de Premier ministre. Les réactions sur les réseaux sociaux et dans la presse reflètent un sentiment d’abandon : « Depuis quand le chef du gouvernement prend-il des congés en novembre ? », s’interroge Adama Gaye, résumant l’incompréhension de nombreux Sénégalais.
Dans les démocraties stables, un Premier ministre en période de crise se doit d’être présent. En Belgique ou en France, une absence prolongée ou mal justifiée peut entraîner une crise de confiance, voire une remise en cause de la légitimité du gouvernement. Au Sénégal, où les institutions sont encore fragiles, une telle attitude risque d’aggraver la défiance envers les dirigeants.
Ousmane Sonko incarne aujourd’hui un paradoxe : celui d’un Premier ministre dont la légitimité juridique est défendue par des arguments techniques, mais dont la crédibilité politique est fragilisée par des choix perçus comme égoïstes. Prendre des congés en pleine crise, alors que sa propre éligibilité reste sujette à débat, envoie un message dangereux : celui d’un pouvoir qui se croit au-dessus des règles et des attentes citoyennes.
La loi d’amnistie, les manœuvres judiciaires, et maintenant ces congés, dessinent le portrait d’un dirigeant plus préoccupé par sa survie politique que par le bien commun. Le Sénégal mérite mieux qu’un Premier ministre à géométrie variable, dont l’engagement semble fluctuant au gré des opportunités. La vraie question n’est pas de savoir si Sonko est éligible, mais s’il est à la hauteur des responsabilités que son poste impose. Pour l’instant, la réponse semble négative.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Ousmane Fall.
Mis en ligne : 18/11/2025
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