« Smart 2029 » : Le retour du passé, un recyclage politique dangereux - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 20/11/2025 12:11:00

« Smart 2029 » : Le retour du passé, un recyclage politique dangereux

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Le lancement du mouvement « Smart 2029 » par les partisans de l’ancien président Macky Sall, officiellement annoncé ces derniers jours, marque une nouvelle étape dans la vie politique sénégalaise. Ce mouvement, présenté comme une « dynamique de reconquête et de mobilisation », vise à préparer le retour en force de Macky Sall sur la scène nationale en 2029, après sa défaite électorale de mars 2024. Si ses promoteurs insistent sur son caractère « inclusif » et « transversal », cette initiative soulève des questions fondamentales sur la vitalité de la démocratie sénégalaise et le respect de l’alternance politique.

À l’heure où de nombreux pays africains peinent à tourner la page des dirigeants qui s’accrochent au pouvoir, le Sénégal, souvent cité en exemple, semble lui aussi tenté par le recyclage politique. Un tel projet est-il le signe d’une démocratie mature, ou au contraire, le symptôme d’un système politique en panne de renouveau ?

Macky Sall a dirigé le Sénégal pendant douze ans (2012-2024), laissant derrière lui un héritage contrasté. Si son mandat a été marqué par des avancées en matière d’infrastructures et de croissance économique, il a aussi été émaillé de controverses majeures : gestion opaque de la dette publique (avec la révélation récente d’une « dette cachée » de près de 7 milliards de dollars entre 2019 et 2024), répression des oppositions, et crises sociales répétées. Son second mandat, en particulier, a été marqué par un durcissement du régime, des arrestations d’opposants, et des tensions politiques qui ont culminé avec le report controversé de l’élection présidentielle de 2024. La défaite de son camp en mars dernier avait semblé acter la fin d’une ère, mais le mouvement « Smart 2029 » révèle une volonté tenace de revenir en première ligne, au mépris de la volonté populaire exprimée dans les urnes.

Le mouvement « Smart 2029 » s’inscrit dans une tendance lourde en Afrique : celle des dirigeants qui, après avoir exercé le pouvoir, tentent de revenir par la petite porte, souvent en instrumentalisant des réseaux de fidèles et des structures parallèles. Macky Sall n’est pas le premier à emprunter cette voie. Alpha Condé en Guinée et Pierre Nkurunziza au Burundi ont, avant lui, tenté de contourner les règles démocratiques pour prolonger leur influence, avec des conséquences désastreuses pour la stabilité de leurs pays. Ces exemples montrent que le refus de l’alternance ne fait qu’alimenter les tensions, polariser les sociétés, et affaiblir les institutions.

Au Sénégal, le risque est réel : en mobilisant d’anciens cadres du HCCT, des responsables de l’APR et des militants acquis à sa cause, Macky Sall pourrait bien attiser les divisions plutôt que de fédérer. L’opposition, déjà très critique, perçoit cette manœuvre comme une tentative de verrouillage du pouvoir et une menace pour la jeune démocratie sénégalaise. Le caractère « inclusif » affiché par « Smart 2029 » sonne faux lorsque l’on sait que ses principaux animateurs sont des figures issues de l’ancien système, souvent accusées de clientélisme et de gestion opaque des ressources publiques.

Macky Sall a déjà exercé deux mandats et son bilan est loin de faire consensus. Relancer une machine politique pour 2029, c’est ignorer les raisons de sa défaite en 2024 : lassitude, demande de renouveau, et rejet d’un système perçu comme verrouillé. Le Sénégal, pays souvent cité pour sa stabilité démocratique, pourrait perdre ce statut si l’on donne l’impression que le pouvoir se négocie en coulisses plutôt qu’il ne se mérite par les urnes.

Le mouvement mise sur la nostalgie et la personnalité de Macky Sall, mais peine à proposer un projet concret pour l’avenir. Les défis du pays (chômage des jeunes, endettement, souveraineté économique) nécessitent des réponses innovantes, pas un retour en arrière. Or, « Smart 2029 » semble avant tout conçu pour maintenir une élite politique en place, au détriment d’une nouvelle génération.

L’opposition, déjà mobilisée contre l’héritage de Macky Sall, ne manquera pas de dénoncer cette initiative comme une manœuvre antidémocratique. Les tensions politiques récentes (arrestations d’activistes, accusations de « dette cachée », boycott du dialogue national) montrent que le pays a besoin d’apaisement, pas de nouvelles batailles de succession.

Dans une région où plusieurs dirigeants ont été évincés par des coups d’État ou des mobilisations populaires (Guinée, Mali, Burkina Faso), le Sénégal doit rester un modèle de transition pacifique. Un retour de Macky Sall en 2029 enverrait un signal désastreux : celui que les règles démocratiques sont négociables, et que le pouvoir se conserve par tous les moyens.

L’histoire récente de l’Afrique regorge d’exemples de dirigeants qui ont tenté de revenir après une défaite ou un départ forcé. Alpha Condé en Guinée a été renversé par un putsch après avoir forcé un troisième mandat ; Pierre Nkurunziza au Burundi a plongé son pays dans une crise sanglante en refusant de quitter le pouvoir. Ces cas montrent que le refus de l’alternance conduit inévitablement à l’instabilité. Le Sénégal, qui a su éviter ces écueils par le passé, doit rester vigilant.

Le mouvement « Smart 2029 » pose une question simple : le Sénégal veut-il tourner la page du passé, ou risquer de replonger dans les travers d’un système politique sclérosé ? L’alternance n’est pas une option, mais une nécessité pour toute démocratie saine. Plutôt que de miser sur le retour d’un homme, le pays gagnerait à se concentrer sur l’émergence de nouvelles forces politiques, capables de répondre aux attentes des Sénégalais.

Le vrai défi pour 2029 n’est pas de « reconquérir » le pouvoir, mais de le renouveler. Macky Sall a eu sa chance ; il faut laisser la place à une nouvelle génération. La vitalité démocratique du Sénégal en dépend.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Eve Sagna.
Mis en ligne : 20/11/2025

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