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Lors d’une récente intervention sur iRadio, Abdou Mbow, porte-parole de l’Alliance pour la République (APR), a tenu à rassurer sur la santé de son parti. Entre affirmations d’unité, renouvellement des structures et invitation aux anciens membres à revenir, le discours semble rodé. Pourtant, derrière cette communication lissée se dessine une réalité moins reluisante : celle d’un parti en quête désespérée de légitimité, prêt à miser sur des figures du passé pour masquer son essoufflement. L’appel aux anciens membres, présenté comme une main tendue, ressemble davantage à un aveu d’échec qu’à une stratégie de renouveau.
En effet, quand un parti politique en vient à solliciter le retour de ceux qui l’ont quitté, c’est souvent le signe d’une carence en cadres nouveaux et en projet mobilisateur. Une manœuvre politique risquée, dont l’histoire récente, au Sénégal comme ailleurs, montre qu’elle mène rarement à la renaissance espérée.
Le Sénégal, souvent cité en exemple pour sa stabilité démocratique, n’échappe pas à la crise de confiance qui frappe les formations politiques historiques. Depuis des années, les partis dits « traditionnels », PS, PDS, et aujourd’hui l’APR, peinent à se renouveler. Les militants s’éloignent, les cadres s’essoufflent, et les départs se multiplient, souvent suivis de créations de nouveaux mouvements. Le PDS, jadis parti phare de l’opposition puis du pouvoir, en est l’illustration parfaite : après avoir dominé la scène politique, il s’est fragmenté, miné par les crises internes et les départs de figures majeures. Aujourd’hui, c’est au tour de l’APR de donner l’impression de reproduire les mêmes erreurs.
Le parti, qui a longtemps surfé sur l’héritage de Macky Sall, semble aujourd’hui en mal de leadership et d’idées nouvelles. Dans ce contexte, l’invitation lancée aux anciens membres sonne comme un aveu : l’APR a du mal à attirer de nouveaux talents et à fidéliser ses troupes. Les observateurs s’accordent à dire que la plupart des partis sénégalais souffrent d’un manque criant de différenciation idéologique et d’une base militante affaiblie. Dans un tel environnement, les appels au retour des anciens ne sont souvent que des rustines sur une coque fissurée.
Abdou Mbow présente le renouvellement des structures et l’ouverture aux anciens comme une dynamique positive. Pourtant, cette stratégie soulève plusieurs questions. D’abord, pourquoi un parti en bonne santé aurait-il besoin de rappeler des membres partis, parfois dans des conditions houleuses ? Ensuite, comment croire à un vrai renouveau quand on mise sur des visages déjà connus, souvent associés à des échecs ou à des divisions passées ? L’histoire politique récente regorge d’exemples où le retour de cadres partis a non seulement échoué à redynamiser un parti, mais a aussi exacerbé les tensions internes.
Au Sénégal, le PDS a tenté à plusieurs reprises de réintégrer des dissidents, sans succès durable. Pire, ces retours ont souvent été suivis de nouvelles scissions, comme en témoignent les départs de Souleymane Ndéné Ndiaye ou d’Abdoul Mbaye, tous deux anciens Premiers ministres, qui ont finalement créé leurs propres mouvements. En France, le RPR (devenu Les Républicains) a connu un sort similaire : les retours de figures historiques, comme celui de Nicolas Sarkozy après son retrait temporaire, n’ont pas empêché la chute électorale du parti, miné par des divisions persistantes et un manque de projet clair.
L’APR, en imitant cette stratégie, prend le risque de répéter les mêmes erreurs. Plutôt que de former une nouvelle génération de dirigeants ou de clarifier sa vision pour l’avenir, le parti semble préférer le confort des visages connus. Une approche qui, à terme, ne peut que renforcer l’idée d’un parti tourné vers le passé, incapable de s’adapter aux attentes d’une société en mutation.
Quand un parti doit rappeler ses anciens, c’est qu’il n’a pas su créer les conditions pour retenir ses cadres ou en former de nouveaux. Cela révèle une faille dans sa gestion interne et dans sa capacité à inspirer. Les militants et les électeurs ne sont pas dupes : ils savent reconnaître un parti en difficulté quand ils en voient un. Les retours de figures du passé sont rarement synonymes d’innovation. Au contraire, ils cristallisent souvent les vieux clivages et empêchent l’émergence de nouvelles idées. En Afrique du Sud, l’ANC a payé cher son incapacité à se renouveler, perdant sa majorité absolue pour la première fois en 2024, en partie à cause de son attachement à des figures controversées comme Jacob Zuma. L’APR, en agissant de même, pourrait bien subir le même sort.
Comment convaincre les Sénégalais que l’APR est un parti d’avenir si son seul argument est de revenir en arrière ? Les électeurs, surtout les jeunes, aspirent à des projets neufs et à des dirigeants crédibles. Or, en misant sur des retours, l’APR envoie un signal clair : elle manque cruellement de relève. Les anciens membres qui reviennent le font souvent avec leurs propres agendas, leurs réseaux, et leurs rancunes. Leur réintégration peut raviver les conflits plutôt que de les apaiser, comme l’a montré l’expérience du PDS, où les retours ont souvent été suivis de nouvelles crises.
L’appel aux anciens membres de l’APR n’est pas une preuve de force, mais bien le symptôme d’un parti en perte de vitesse. Plutôt que de chercher à colmater les brèches avec des solutions de facilité, l’APR ferait mieux de s’attaquer aux vrais problèmes : manque de démocratie interne, absence de renouvellement générationnel, et projet politique flou.
Les Sénégalais méritent mieux qu’un parti qui se contente de recycler ses anciennes gloires. Ils attendent des idées, de la transparence, et une vraie vision pour l’avenir. Si l’APR veut survivre, elle doit cesser de regarder dans le rétroviseur et oser enfin se réinventer. Sinon, elle risque de rejoindre la longue liste des formations politiques africaines qui, faute d’avoir su évoluer, ont fini par disparaître dans l’indifférence générale. L’APR doit comprendre une chose simple : on ne construit pas l’avenir en ressuscitant le passé.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Ramatoulaye C.
Mis en ligne : 25/11/2025
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