Fadilou Keïta : L’art de la polémique stérile - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 09/12/2025 12:12:00

Fadilou Keïta : L’art de la polémique stérile

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L’actualité politique sénégalaise est, une fois de plus, agitée par les déclarations de Fadilou Keïta, directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). À la suite de la nomination d’Aminata Touré par le président Bassirou Diomaye Faye pour restructurer la coalition présidentielle, Keïta a cru bon de « rétablir certaines vérités », invoquant le rapport de l’Inspection générale d’État (IGE) et la nécessité pour Mimi Touré de « faire face à la justice avec dignité ».

Si le débat public mérite rigueur et transparence, les interventions de Fadilou Keïta relèvent davantage de la frustration personnelle et de la stratégie politique que d’un véritable souci pour l’intérêt général. Son attitude, loin d’éclairer, ne fait qu’alimenter une polémique stérile, révélant un agenda caché et un manque de respect flagrant pour les institutions.

Fadilou Keïta n’est pas un inconnu sur la scène politique sénégalaise. Proche d’Ousmane Sonko et membre influent du Pastef, il a longtemps nourri l’ambition de briguer la mairie de Kaolack, un poste qu’il convoite ouvertement depuis des années. Ses déclarations récentes contre Aminata Touré interviennent dans un contexte de tensions internes au sein de la coalition au pouvoir, où la nomination de Mimi Touré a été perçue comme un affront par certains cercles du Pastef, qui y voient une marginalisation de leurs figures historiques. Keïta, dont les aspirations locales ont jusqu’ici été déçues, semble utiliser cette tribune pour régler des comptes et se positionner comme le défenseur d’une certaine moralité publique, alors même que son propre parcours est loin d’être exempt de zones d’ombre.

Le rapport de l’IGE, brandi comme une arme par Keïta, est un document complexe, dont la publication et l’interprétation font débat. Si ce rapport épingle effectivement Aminata Touré pour sa gestion du CESE, il concerne aussi d’autres personnalités politiques, dont Idrissa Seck, et sa validité est contestée par certains observateurs, qui y voient un outil de règlement de comptes politiques. Par ailleurs, la décision de confier à Mimi Touré la restructuration de la coalition présidentielle s’inscrit dans une logique de réconciliation et de stabilisation, après des mois de divisions au sommet de l’État.

Fadilou Keïta accuse Aminata Touré d’avoir « conduit les affaires ABRÉ et Karim Wade » et d’être donc indigne de sa nouvelle fonction. Pourtant, il oublie de rappeler que Mimi Touré a aussi été une figure de proue dans la lutte contre la corruption sous Macky Sall, portant des dossiers sensibles comme celui de Hissène Habré ou de Karim Wade avec une rigueur saluée par ses pairs et ses détracteurs. Son argumentaire, qui se veut moralisateur, sonne faux quand on sait que Keïta lui-même a été impliqué dans des controverses, notamment autour de la gestion de la CDC et de ses déclarations musclées contre d’autres acteurs politiques.

Son intervention publique contre une décision présidentielle n’est pas anodine : elle saper l’autorité de l’État et affaiblir la cohésion nationale, surtout dans un contexte où le Sénégal a plus que jamais besoin d’unité et de stabilité. En remettant en cause la légitimité d’une nomination présidentielle, Keïta joue un jeu dangereux, qui risque d’exacerber les tensions au sein d’une coalition déjà fragilisée.

Contester publiquement une décision présidentielle, surtout de manière aussi frontale, revient à saper l’autorité de l’État. Dans une démocratie, les désaccords se règlent par le dialogue et les mécanismes institutionnels, non par des déclarations médiatisées qui jettent de l’huile sur le feu. Keïta, en agissant ainsi, montre un mépris certain pour la hiérarchie des pouvoirs et pour la nécessité de préserver l’unité nationale.

Comme l’a souligné Khalifa Wade, il est temps pour Keïta d’accepter les choix démocratiques et de cesser de semer la division. La politique ne se réduit pas à une lutte de personnes ou de clans ; elle doit servir l’intérêt général. En refusant de reconnaître la légitimité de la nomination d’Aminata Touré, Keïta révèle une vision étroite et partiale de la gouvernance, où ses intérêts personnels priment sur ceux de la nation.

Dans d’autres démocraties africaines, les figures politiques qui ont su dépasser leurs frustrations personnelles pour servir l’intérêt général sont celles qui ont marqué l’histoire. Au Ghana, au Botswana ou en Afrique du Sud, les leaders ont souvent privilégié la stabilité et le dialogue à la polémique stérile. Le Sénégal, souvent cité en exemple pour sa maturité démocratique, mérite mieux que des querelles de personnes qui distraient l’attention des vrais enjeux : la dette publique, la relance économique, la justice sociale.

Fadilou Keïta aurait tout à gagner à adopter une posture plus constructive. Au lieu de nourrir les divisions, il pourrait contribuer à apaiser les tensions et à proposer des solutions pour les défis auxquels le pays est confronté. Ses attaques contre Aminata Touré, fondées sur des arguments sélectifs et partiaux, ne font qu’affaiblir la crédibilité de son propre camp et nuisent à l’image du Sénégal.

La vraie question n’est pas de savoir si Mimi Touré a « les mains propres », mais si Fadilou Keïta cherche vraiment la vérité ou simplement à satisfaire ses ambitions personnelles. À l’heure où le Sénégal a besoin de rassemblement, ses déclarations sonnent comme un aveu d’impuissance et de frustration. Il est temps pour lui de dépasser la polémique et d’œuvrer pour un débat politique apaisé, respectueux des institutions et tourné vers l’avenir.

La démocratie sénégalaise est assez solide pour supporter les critiques, mais elle mérite mieux que des polémiques stériles. À Keïta de choisir : sera-t-il un acteur de la division ou un bâtisseur de l’unité ? Le peuple sénégalais attend une réponse.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Moussa Kane.
Mis en ligne : 09/12/2025

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