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Le 25 novembre 2025, au moins treize civils dont des adolescents, des vendeurs de bétail, des femmes et des petites filles ont été tués dans la région de Tombouctou par l’armée malienne et ses supplétifs russes de l’Africa Corps. Officiellement, ces opérations s’inscrivent dans la lutte contre le blocus imposé par le JNIM sur les importations de carburant. Pourtant, les images des corps calcinés, les témoignages recueillis par RFI et les rapports des ONG locales comme le CD-DPA révèlent une réalité bien plus sombre : celle d’une répression aveugle menée au nom de la sécurité, où les populations civiles deviennent les premières victimes d’une stratégie militaire défaillante et d’une alliance toxique.
Derrière le discours de la « guerre contre le terrorisme », se cache trop souvent une couverture pour des exactions inacceptables. Il est temps de questionner : jusqu’où peut-on sacrifier des vies innocentes au nom d’une sécurité qui ne se réalise jamais ?
Depuis septembre 2025, le JNIM, groupe jihadiste lié à Al-Qaïda, impose un embargo sur le carburant, asphyxiant l’économie malienne et plongeant les grandes villes, dont Bamako, dans une pénurie sans précédent. Les files d’attente interminables devant les stations-service, les prix explosifs du marché noir, et les écoles fermées en raison des difficultés de transport en sont les symptômes visibles. Face à cette crise, l’armée malienne, soutenue par l’Africa Corps (anciennement Wagner), a intensifié ses opérations pour sécuriser les convois de camions-citernes et frapper les positions jihadistes. Pourtant, les résultats sont mitigés : si quelques convois parviennent à destination sous escorte militaire, la majorité des Maliens continuent de subir les conséquences d’un blocus qui étouffe le pays.
Dans ce contexte, les opérations militaires se multiplient, mais leur bilan humain est alarmant. Selon le CD-DPA, l’armée malienne et ses alliés russes sont responsables de la majorité des exactions contre les civils dans le nord du pays, bien plus que les jihadistes eux-mêmes. Les patrouilles conjointes, les frappes de drones et les raids au sol ciblent souvent des villages entiers, transformant des bergers, des commerçants et des enfants en « dommages collatéraux » d’une guerre qui semble n’avoir ni fin ni règles.
Les treize civils tués à Tombouctou le 25 novembre ne sont pas des cas isolés. À Goundam, les corps calcinés et les mains liées d’un jeune homme exécuté à Amaghnane posent une question lancinante : comment des bergers, des vendeurs de bétail et des familles entières peuvent-ils être considérés comme des cibles légitimes ? Qui définit ces critères, et selon quels intérêts ? Les rapports de Human Rights Watch et du CD-DPA documentent une tendance inquiétante : les opérations « antiterroristes » se transforment systématiquement en répression contre les populations rurales, accusées à tort de collaborer avec les jihadistes ou simplement prises dans la ligne de mire.
L’embargo du JNIM justifie-t-il de transformer les civils en boucs émissaires ? Les convois escortés, présentés comme une réponse logistique à la pénurie, servent aussi de vitrine pour une armée en quête de légitimité. Pourtant, les frappes aériennes et les patrouilles armées aggravent la crise en coupant les populations de leurs moyens de subsistance : bétail confisqué ou abattu, boutiques incendiées, campements nomades réduits en cendres. À Nijhaltate, deux femmes et deux petites filles ont péri dans ces violences, tandis que des dizaines de familles fuient vers la Mauritanie pour échapper aux représailles. La militarisation de l’aide humanitaire et la destruction des infrastructures locales ne font qu’alimenter un cercle vicieux : privées de tout, les communautés se tournent vers les groupes armés par désespoir, offrant au JNIM un vivier de recrutement toujours plus large.
L’état-major malien revendique des succès contre le JNIM, comme la destruction d’un « dépôt de carburant terroriste » près de Sofara. Mais il garde un silence assourdissant sur les victimes civiles. Pourquoi cette opacité, sinon pour dissimuler l’échec d’une stratégie purement militaire ? Les images des corps sans défense et les témoignages des rescapés, relayés par RFI et les ONG, contrastent cruellement avec les communiqués triomphalistes des autorités. Quand un adolescent et des petites filles deviennent des « dommages collatéraux », jusqu’où ira-t-on au nom de la sécurité ?
Cette situation rappelle les méthodes employées par Wagner en Centrafrique et en Syrie, où les mercenaires russes ont été accusés de crimes de guerre et de ciblage systématique des civils. Selon l’ONG ACLED, 70 % des opérations de Wagner sans présence des forces étatiques visaient directement des populations non combattantes. Au Mali, où l’Africa Corps agit main dans la main avec l’armée, le bilan est tout aussi accablant : tortures, exécutions sommaires, et villages entiers réduits en cendres. La continuité entre Wagner et l’Africa Corps est frappante : seul le nom a changé, pas les pratiques.
Depuis 2021, les juntes au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger misent sur la force brute pour éradiquer le jihadisme. Pourtant, les attaques du JNIM ont doublé en 2025, et son emprise territoriale ne cesse de s’étendre. La répression aveugle ne fait qu’attiser la radicalisation et saper la confiance des populations dans l’État.
Malgré les signalements répétés à la Cour pénale internationale (CPI) et les condamnations des organisations de défense des droits humains, aucune enquête indépendante n’a abouti. Les responsables politiques et militaires maliens, tout comme leurs alliés russes, agissent en toute impunité, protégés par un discours de « lutte contre le terrorisme » qui leur sert de bouclier.
Alors que l’Union africaine et l’ONU condamnent les attaques contre les civils, leurs déclarations restent lettres mortes. Où sont les sanctions contre les auteurs de ces crimes ? Pourquoi la communauté internationale ferme-t-elle les yeux sur les exactions commises par ses « partenaires » dans la région ?
Derrière les chiffres, ce sont des vies brisées. Les femmes blessées de Goundam, les enfants de Nijhaltate, les bergers d’Amaghnane : chaque victime est une preuve de l’échec moral et stratégique de cette guerre.
La « guerre contre le terrorisme » au Mali est devenue un prétexte pour écraser les civils et consolider le pouvoir des juntes et de leurs alliés étrangers. Tant que la répression aveugle sera la seule réponse à la crise, le Mali s’enfoncera dans la violence et l’instabilité. Il faut exiger des comptes : une enquête internationale indépendante sur les exactions de l’armée malienne et de l’Africa Corps, la fin de l’impunité, et une stratégie qui place enfin la protection des populations au cœur de ses priorités.
La sécurité ne peut se construire sur des corps calcinés et des villages en ruines. Le Mali mérite mieux qu’une guerre sans fin où les innocents paient le prix fort. La communauté internationale doit cesser de fermer les yeux et agir avant qu’il ne soit trop tard. Les treize civils tués à Tombouctou ne doivent pas être des victimes de plus dans un conflit oublié. Leur mémoire doit servir de catalyseur pour un changement radical de cap : vers la justice, la réconciliation, et une paix durable.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 14/12/2025
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