Trois vulnérabilités, un même échec : Ce que révèle l’affaire de Cap-Skiring - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Société | Par Maimouna | Publié le 16/12/2025 08:12:45

Trois vulnérabilités, un même échec : Ce que révèle l’affaire de Cap-Skiring

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Le 28 novembre 2025, L’Observateur rapportait l’arrestation de 18 femmes, principalement nigérianes et sierra-léonaises, dans le cadre d’un démantèlement de réseau de prostitution clandestine à Cap-Skiring. Parmi elles, une mineure et une femme séropositive, cette dernière poursuivie pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Si cette opération policière peut sembler louable, elle révèle surtout une tendance inquiétante : celle de cibler les femmes étrangères en situation de vulnérabilité, tout en occultant les vrais problèmes pauvreté, chômage, et absence de protection sociale. En stigmatisant ces migrantes, le Sénégal détourne l’attention de ses propres défaillances.

La prostitution clandestine n’est pas un phénomène nouveau au Sénégal, et encore moins à Cap-Skiring, station balnéaire prisée des touristes. Selon l’ONUDC, l’Afrique de l’Ouest est une zone majeure de trafic d’êtres humains, avec des femmes souvent attirées par de fausses promesses d’emploi avant de se retrouver exploitées. Pourtant, les réponses des autorités restent principalement répressives : arrestations, poursuites pour séjour irrégulier, et absence de carnet sanitaire. Ces mesures, bien que légitimes en apparence, ne s’attaquent pas aux racines du problème.

Au lieu de protéger ces femmes souvent victimes de trafics ou de précarité extrême, le système les criminalise. Pire, il les utilise comme boucs émissaires pour masquer l’incapacité de l’État à offrir des alternatives économiques ou sociales. La mention de la séropositivité dans les médias, par exemple, alimente la peur et la stigmatisation, plutôt que d’ouvrir un débat sur l’accès aux soins et à la prévention.

L’opération de Cap-Skiring s’inscrit dans une série d’actions policières ciblant la prostitution clandestine. Pourtant, une question persiste : pourquoi les femmes étrangères, déjà marginalisées, sont-elles les seules visées ? Les clients, souvent sénégalais ou touristes étrangers, et les réseaux qui organisent ces filières, restent largement intouchables.

Les 18 femmes interpellées seront jugées le 2 décembre pour séjour irrégulier et absence de carnet sanitaire. Mais où sont les poursuites contre les proxénètes ou les hôtels complices ? Pourquoi une mineure se retrouve-t-elle en détention plutôt que sous la protection des services sociaux ? Ces incohérences révèlent une justice sélective, où les plus vulnérables paient pour les défaillances d’un système.

La séropositive parmi les interpellées est un cas emblématique. Au lieu de lui offrir un accompagnement médical et social, elle est poursuivie pour « mise en danger d’autrui ». Cette approche punitive, plutôt que préventive, montre à quel point la santé publique est sacrifiée sur l’autel du moralisme.

Ces femmes, souvent victimes de trafics ou de promesses mensongères, sont doublement pénalisées : par leur situation économique et par la xénophobie. Le Sénégal, qui se présente comme une terre d’accueil, les criminalise au lieu de leur proposer des solutions durables.

La prostitution clandestine à Cap-Skiring est un secret de Polichinelle. Pourtant, les autorités préfèrent les coups d’éclat médiatiques, comme cette arrestation, à une lutte réelle contre les réseaux. Les clients et les trafiquants, eux, restent dans l’ombre.

La mention de la séropositivité dans les médias renforce la stigmatisation, au lieu d’aborder la question de manière responsable. Où sont les campagnes de dépistage et d’éducation ? Pourquoi ne pas généraliser l’accès aux soins pour toutes les travailleuses du sexe, plutôt que de les pousser dans la clandestinité ?

Des pays comme la Nouvelle-Zélande ont décriminalisé le travail du sexe, combinant régularisation, accès aux soins, et lutte contre les trafics. Le Sénégal, lui, préfère enfermer les femmes plutôt que de s’inspirer de ces modèles.

En Suède, le modèle « client criminalisé » a réduit la demande de prostitution tout en protégeant les travailleuses du sexe. En Nouvelle-Zélande, la décriminalisation a permis une meilleure régulation et un accès aux droits sociaux. Au Sénégal, aucune de ces approches n’est envisagée. Pire, les opérations policières comme celle de Cap-Skiring servent surtout à sauver les apparences, sans remettre en cause un système qui profite à beaucoup.

L’affaire de Cap-Skiring est révélatrice : le Sénégal préfère stigmatiser des femmes étrangères plutôt que d’affronter ses propres échecs. La pauvreté, le chômage, et l’absence de protection sociale sont les vrais moteurs de la prostitution clandestine. Au lieu de se contenter d’arrestations spectaculaires, les autorités devraient s’attaquer aux causes structurelles et offrir des alternatives aux femmes exploitées.

Pourquoi le Sénégal ne propose-t-il pas de régularisation ou d’accompagnement social à ces femmes, comme le font certains pays voisins ? Tant que cette question ne trouvera pas de réponse, les opérations comme celle de Cap-Skiring ne seront que des pansements sur une jambe de bois.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 16/12/2025

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