Un « poison » pour l'économie africaine : Notations de crédit - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Economie | Par Amy Colle Badji | Publié le 13/10/2024 05:10:30

Un « poison » pour l'économie africaine : Notations de crédit

Les notations de crédit souveraines, attribuées par des agences comme S&P, Moody’s et Fitch, influencent considérablement l’accès des pays africains aux financements internationaux. Selon une étude récente du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), ces évaluations « subjectives » pénalisent lourdement les économies africaines.

Le continent aurait ainsi perdu près de 74,5 milliards de dollars en intérêts supplémentaires et en financements non obtenus. Comment ces agences impactent-elles les économies africaines et comment y remédier ?

Le crédit est l’un des principaux leviers financiers pour le développement des pays émergents. Dans ce cadre, les notations de crédit sont supposées permettre aux investisseurs de mieux évaluer les risques associés à un pays. Cependant, dans le cas des nations africaines, ces notations deviennent souvent un obstacle plus qu’un avantage. L’étude du PNUD révèle que 95 % des révisions à la baisse concernent des économies en développement, dont une majorité en Afrique. Cela se traduit par une hausse des taux d’intérêt pour des prêts internationaux et une perte de crédibilité sur les marchés financiers.

Ce problème réside en partie dans les méthodes d’évaluation des agences de notation. Leurs systèmes de notation, souvent opaques et subjectifs, ne prennent pas en compte la réalité économique propre aux pays africains. Cela les rend vulnérables à des jugements biaisés, souvent basés sur des perceptions négatives plus que sur des faits objectifs. Raymond Gilpin, économiste en chef au PNUD, explique que ces biais coûtent au continent des milliards chaque année, alors que cet argent pourrait être investi dans des infrastructures essentielles comme la santé et l’éducation.

Les dégradations de notations de crédit ne touchent pas seulement les gouvernements, elles affectent directement les citoyens. Prenons l’exemple du Kenya : en août 2024, l’agence S&P a abaissé sa note de B à B-, poussant ainsi le pays plus loin dans le « territoire junk » (junk bonds). Cela signifie que les investisseurs considèrent désormais la dette kenyane comme très risquée, ce qui entraîne une hausse des taux d’intérêt. Pour un pays comme le Kenya, dont la dette publique atteint 78 milliards de dollars, cette dégradation implique un coût supplémentaire pour les emprunts futurs.

En conséquence, les ressources qui auraient pu servir à des investissements sociaux, comme l’éducation ou la création d’emplois, sont désormais englouties par le service de la dette. Le PNUD estime que 750 millions d’Africains vivent dans des pays qui dépensent davantage pour rembourser leurs dettes que pour financer des secteurs vitaux comme la santé et l’éducation. Ce poids financier prive les gouvernements de la capacité à répondre aux besoins fondamentaux de leur population, aggravant ainsi la pauvreté et les inégalités.

L’étude du PNUD a révélé que les agences de notation appliquent souvent des critères uniformes à des situations très différentes, sans tenir compte des spécificités de chaque pays. Ainsi, lorsqu’elles manquent d’informations précises, elles se basent sur des jugements subjectifs, ce qui peut fausser l’évaluation du risque réel. Dans 19 pays africains analysés, cette subjectivité a coûté 74,5 milliards de dollars au continent.

Ce montant représente une somme colossale qui aurait pu être utilisée pour combler les besoins en infrastructures, estimés à 93 milliards de dollars par an en Afrique. C’est aussi plus que l’aide financière totale que reçoit le continent annuellement. Ce manque à gagner prive l’Afrique des investissements nécessaires à son développement, creusant davantage l’écart avec les autres régions du monde.

Face à ce constat alarmant, il devient urgent de réformer les pratiques des agences de notation. Une première piste serait de renforcer les capacités des pays africains à produire et fournir des données fiables et transparentes sur leur économie. Le PNUD travaille déjà sur cette initiative pour aider les gouvernements africains à améliorer leur communication et leurs processus de gestion des données.

Il est également nécessaire de créer des alternatives africaines aux grandes agences internationales. La mise en place d’agences de notation locales ou régionales pourrait permettre de fournir une évaluation plus juste et contextualisée des risques financiers des pays africains. Cela offrirait également une contrebalance aux jugements parfois biaisés des agences occidentales.

Malgré les conséquences immédiates des dégradations de notation, elles offrent aussi une opportunité de réforme. Au Kenya, par exemple, le gouvernement a pris conscience de la nécessité de réexaminer sa politique budgétaire à la suite de la dégradation par S&P. Cette période pourrait ainsi devenir un moment charnière pour restructurer l’économie kenyane et renforcer sa résilience face aux chocs externes.

Il est temps pour les pays africains de reprendre le contrôle de leur destin économique. Les notations de crédit, bien qu’importantes, ne devraient pas être un frein à leur développement. Les gouvernements africains, en collaboration avec des institutions comme le PNUD, doivent travailler à créer un système financier plus équitable et mieux adapté aux réalités de chaque pays. Cela passe par une plus grande transparence, une gestion rigoureuse des données économiques et la création d’alternatives locales aux agences de notation internationales.

Les notations de crédit actuelles représentent une menace pour l’avenir économique du continent. Mais avec des réformes et une approche plus équilibrée, elles peuvent aussi devenir un levier pour une transformation positive. Il revient aux dirigeants africains de prendre cette responsabilité en main, afin de garantir un avenir prospère à leurs populations.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Rahime Pipita
Mise en ligne : 13/10/2024

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10 commentaires
Mirriam
C est dommage pour l Afrique qui paye toujours les pots cassées
Le 2024-10-14 06:54:50
Sene
Lu
Le 2024-10-14 00:11:31
Blohon
Qu'elle truc ça
Le 2024-10-13 21:29:05
Serigne Guene
Merci
Le 2024-10-13 16:48:29
Diallo de
Restons vigilants dans la l'échange du monnaie
Le 2024-10-13 13:44:59
Kante
Ils faudra mettre l'argent dans tous les secteurs
Le 2024-10-13 12:30:24
Mame bousso
Interessant il faut que nos autorités prennent leurs responsabilités
Le 2024-10-13 11:01:51
Diallo de
Toujours l'Afrique avec ces crises d'angoisse dans le pays
Le 2024-10-13 10:56:16
Ibrahima Gning
L'Afrique est le parent pauvre du monde
Le 2024-10-13 07:56:52
Papa Assane GUENE
L'Afrique doit avoir une monnaie commune
Le 2024-10-13 07:39:46

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