Soixante ans après les indépendances, le débat sur la souveraineté des pays africains francophones fait rage. Pourtant, la langue française reste un puissant outil de communication et de culture. Peut-on, alors, concilier souverainisme et africanité tout en conservant la langue française comme levier d’intégration sous-régionale ?
Le débat sur le souverainisme en Afrique francophone est plus vif que jamais. De nombreux dirigeants africains souhaitent rompre définitivement avec l’influence française.
Cette volonté s’exprime par une réappropriation des ressources, une indépendance économique et militaire accrue, et un rejet des anciennes puissances coloniales. Pourtant, une question cruciale se pose : est-il possible d’atteindre cette souveraineté sans une intégration régionale solide ? Et quel rôle peut jouer la langue française dans ce processus ?
La langue française est souvent perçue comme l’héritage encombrant de la colonisation. Cependant, comme le disait Léopold Sédar Senghor, « dans les décombres de la colonisation, nous avons ramassé cet outil merveilleux ». Aujourd’hui, cette langue reste le lien principal entre de nombreux pays africains, notamment au Sahel, une région marquée par des défis sécuritaires et politiques. Plutôt que de la voir comme un symbole de domination, pourquoi ne pas l’utiliser comme levier de réaffirmation de notre africanité ?
La francophonie ne se limite pas à une simple communauté linguistique. Elle incarne une plateforme d’échanges, de solidarité, et de coopération entre pays partageant cette langue. Au Sahel, par exemple, des pays tels que le Sénégal, le Mali, le Niger et le Burkina Faso utilisent tous le français pour communiquer entre eux, malgré la diversité des langues locales. Cela montre bien que, même si le français est issu de la colonisation, il joue un rôle essentiel dans l’intégration régionale.
Dans une Afrique marquée par des centaines de langues et de cultures diverses, la langue française permet d’assurer une cohésion, notamment entre les États. Elle est l’outil de communication commun qui unit des pays ayant des intérêts économiques, politiques et sécuritaires similaires. De plus, le français facilite la coopération sur des questions transnationales, telles que la lutte contre le terrorisme au Sahel ou la gestion des crises migratoires. Ignorer cet atout serait une erreur stratégique.
Cependant, la quête de souveraineté ne peut se résumer à une simple réappropriation des ressources naturelles ou à un rejet des anciennes puissances coloniales. Le véritable défi réside dans la réaffirmation de notre identité africaine. Cette réaffirmation doit passer par la valorisation de notre culture commune et diversifiée, que Senghor qualifiait d’« africanité ».
L’africanité, c’est cet ensemble de valeurs partagées par les peuples d’Afrique noire, qui dépasse les frontières étatiques. Elle se manifeste dans nos coutumes, nos croyances, nos pratiques sociales. Mais elle peut également se traduire par l’utilisation du français comme vecteur de diffusion de ces valeurs à travers le continent. En effet, plutôt que de rejeter cette langue, il serait plus judicieux de l’adopter comme outil de promotion de notre richesse culturelle. Le français peut ainsi devenir un instrument au service de notre africanité.
L’intégration régionale est la clé pour faire face aux défis contemporains, que ce soit en matière de sécurité, d’économie ou de politique. Et pour que cette intégration soit effective, il est impératif de renforcer les liens culturels entre les pays. La langue française peut jouer un rôle déterminant dans cette dynamique.
Plutôt que de se limiter à des discours panafricanistes qui prônent la rupture avec l’ancienne puissance coloniale, il serait plus constructif de faire du français un levier de coopération et de développement. Cette langue, partagée par des millions d’Africains, peut être un outil de dialogue, d’échanges économiques et de collaboration régionale. Elle est également un instrument pour promouvoir la paix et la stabilité, notamment au Sahel, où les conflits sont nombreux et où la communication est essentielle.
Il est crucial que les pays africains francophones réinventent leur rapport à la langue française. Plutôt que de la considérer comme un fardeau, ils doivent la transformer en outil de développement et d’intégration. Plusieurs actions peuvent être entreprises pour y parvenir.
La quête de souveraineté des pays africains francophones ne doit pas passer par un rejet total de la langue française. Au contraire, cette langue peut être un levier d’intégration sous-régionale et un outil de réaffirmation de notre africanité. Les défis actuels auxquels sont confrontés ces pays, notamment au Sahel, nécessitent une approche concertée et cohérente. La langue française, bien qu’issue de la colonisation, peut jouer un rôle clé dans cette démarche. Pour un avenir africain souverain et prospère, il est temps de repenser la francophonie sous un nouveau jour, celui de la coopération et de la culture partagée.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Rahime Pipita
Mis en ligne : 01/11/2024
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