L’affaire qui secoue actuellement l’opinion publique sénégalaise est aussi choquante que révélatrice. Mame Cheikh Fall, plus connu sous le nom de « Borom Mizane », a été arrêté puis déféré au tribunal de grande instance de Dakar pour viol sur mineure, détournement de mineur et grossesse non désirée. D’après les éléments de l’enquête, ce tradipraticien aurait abusé d’une adolescente de 17 ans souffrant de troubles psychiques, alors venue le consulter. Ce drame ne peut être réduit à un fait divers : il traduit les dérives inquiétantes d’une société trop souvent à la merci de pseudo-praticiens sans foi ni loi.
Dans un pays où l’accès à la santé mentale reste marginal et parfois tabou, beaucoup de familles en détresse se tournent vers des figures religieuses ou spirituelles, espérant y trouver des solutions. C’est dans ce contexte de vulnérabilité que des individus comme Mame Cheikh Fall prospèrent, jouant sur la souffrance des autres pour asseoir leur autorité. L’adolescente, envoyée consulter pour sa mère, aurait été abusée sous couvert de soins spirituels, selon les faits rapportés. Une grossesse de 24 semaines et un traumatisme profond en sont les conséquences.
Le danger ne vient pas seulement de l’acte criminel en lui-même qui est d’une gravité extrême, mais aussi du système de croyances qui permet à ces individus d’échapper à tout contrôle. Ils ne sont ni médecins, ni thérapeutes formés, mais bénéficient d’un crédit quasi aveugle de la part de certaines franges de la population. Leur légitimité repose sur une construction sociale, parfois entretenue par les réseaux sociaux, où ils se positionnent comme des « sauveurs » face aux maux invisibles du quotidien.
Une relation de pouvoir déséquilibrée : Comment une jeune fille souffrante peut-elle se défendre face à un adulte présenté comme détenteur de « pouvoirs » ? Le consentement ne peut exister dans un tel cadre.
Une absence criante de contrôle : Il n’existe à ce jour aucun mécanisme national fiable pour réguler ou encadrer les pratiques des tradipraticiens.
Une éducation lacunaire : Trop souvent, les familles manquent de repères scientifiques ou psychologiques pour différencier les soins valables des pratiques charlatanesques.
Ailleurs en Afrique de l’Ouest, des situations similaires émergent. Au Nigeria, plusieurs figures religieuses ont été traduites en justice pour abus sexuels, camouflés sous des rites de « délivrance ». Le point commun reste toujours le même : des personnes en position de faiblesse, face à des individus qui exploitent leur ignorance et leur foi.
L’affaire « Borom Mizane » ne doit pas être traitée comme une simple déviance individuelle, mais comme un symptôme grave d’un mal social plus profond. Il est impératif d’éduquer nos filles, nos sœurs, nos mères mais aussi nos garçons à la pensée critique, à la prudence, et au respect de leur intégrité. Il faut également que l’État encadre sérieusement les pratiques traditionnelles, pour éviter que d’autres ne sombrent dans les mêmes pièges.
Il ne s’agit pas de condamner la tradition, mais de la protéger des imposteurs. Car un peuple éclairé est un peuple libre. Et pour que plus jamais une adolescente ne paie de sa dignité les illusions vendues par des profiteurs, il faut parler, dénoncer, et surtout, éduquer.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Cheikh Modou.
Mis en ligne : 07/07/2025
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