Depuis quelques temps, une vague de critiques s’abat sur Youssou Ndour, suite aux prises de position de certains journalistes du Groupe Futurs Médias (GFM). Un article cherche à dissocier l’homme public du fonctionnement quotidien de ses médias en rappelant qu’il n’est ni directeur de publication, ni rédacteur en chef, ni impliqué dans les décisions éditoriales. Pourtant, il est important de dire les choses avec clarté : Youssou Ndour, en tant que fondateur, figure emblématique et visage du GFM, ne peut échapper à sa responsabilité morale.
Youssou Ndour n’est pas un entrepreneur comme les autres. Son image dépasse de loin le monde artistique ; il est une voix influente dans la sphère publique, politique et culturelle sénégalaise. Lorsqu’il fonde un groupe de presse, il ne s’agit pas d’une simple création d’entreprise, mais d’un acte hautement symbolique, qui engage sa personne et sa vision.
Dans un pays où les médias jouent un rôle central dans l’orientation de l’opinion publique, toute dérive dans un organe aussi influent que le GFM ne peut être analysée sans interroger la posture du fondateur.
L’article insiste sur l’indépendance des rédactions, comparant GFM à d’autres organes de presse. Or, cette autonomie, bien que souhaitable dans l’idéal, ne garantit pas une absence d’influence implicite. Dans une rédaction, la ligne éditoriale n’est jamais flottante : elle est orientée, modelée et validée selon des intérêts parfois stratégiques. Et dans le cas du GFM, on ne peut ignorer que l’ombre du fondateur plane sur les choix des journalistes, ne serait-ce que par loyauté, alignement idéologique ou crainte de froisser un patron influent, même distant.
Même s’il n’intervient pas dans le contenu quotidien, Youssou Ndour reste le fondateur, l’actionnaire principal et l’ambassadeur symbolique du GFM. Il ne peut donc rester silencieux lorsque certaines prises de position de ses chroniqueurs sont jugées partisanes, voire tendancieuses. Dans un contexte tendu où les médias peuvent exacerber les divisions sociales et politiques, il a le devoir moral de se prononcer, de recadrer publiquement si nécessaire, et d’assurer que les principes déontologiques soient rigoureusement respectés. Le silence, ici, n’est pas une preuve de neutralité, mais une forme d’indifférence.
Dans d’autres contextes, les grandes figures publiques à la tête de médias sont régulièrement appelées à rendre des comptes. Rupert Murdoch a dû s’expliquer devant le Parlement britannique après le scandale des écoutes téléphoniques du News of the World, même s’il n’avait pas ordonné directement les actes. En France, Vincent Bolloré est fréquemment pointé du doigt pour l’orientation des chaînes qu’il contrôle. Ces cas illustrent bien que la figure de proue d’un groupe médiatique ne peut être absoute des dérives sous couvert d’indépendance rédactionnelle.
Le public sénégalais n’est pas dupe. Il sait faire la différence entre un fondateur désengagé et un fondateur responsable. Ce qu’on attend de Youssou Ndour, ce n’est pas de dicter la ligne éditoriale du GFM, mais de veiller à ce que cette ligne reste fidèle aux valeurs démocratiques, éthiques et culturelles qu’il incarne depuis des décennies. L’argument de la non-ingérence ne suffit plus.
Vouloir blanchir Youssou Ndour de toute critique parce qu’il ne dirige pas directement les rédactions du GFM est une stratégie défensive trop commode. Son rôle symbolique, son influence naturelle et sa stature imposent une responsabilité morale forte. Il faut qu’il la prenne pleinement, au lieu de s’en retrancher. La liberté de la presse ne doit jamais être une excuse pour l’abandon du devoir moral.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Mamy B. Faye.
Mis en ligne : 16/07/2025
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