Face aux attaques d’une rare violence verbale d’Ousmane Sonko contre la société civile, qualifiée de « fumiers », Alioune Tine a choisi l’humour, puis la lucidité. Dans une interview accordée à L’Observateur, le président du think tank Afrika Jom Center a répondu avec hauteur, tout en renvoyant Sonko à ses propres contradictions. Cette posture n’est pas seulement indigne de sa fonction, elle trahit une volonté de museler les contre-pouvoirs et de fragiliser la démocratie.
La société civile sénégalaise a toujours joué un rôle central dans la consolidation démocratique du pays. De la RADDHO à Y’en a Marre, en passant par le Forum civil ou Afrika Jom Center, ces structures ont porté des combats décisifs pour les libertés, les droits humains et la transparence. Mais depuis l’accession de Sonko à la primature, un climat délétère s’installe : l’opposition politique est diabolisée, les journalistes sont accusés de collusion, et désormais, c’est la société civile qui est désignée à la vindicte populaire.
L’attaque verbale de Sonko est plus qu’une simple maladresse. Elle s’inscrit dans une stratégie inquiétante : décrédibiliser tous les acteurs non-alignés avec le pouvoir. En traitant de « fumiers » des figures comme Alioune Tine, Ousmane Sonko ne vise pas un homme, mais une tradition sénégalaise de veille citoyenne. C’est une tentative de délégitimation qui rappelle, hélas, les pratiques autoritaires que Sonko prétendait jadis combattre.
Mais ce qui dérange le plus, c’est la tentative de réduire les ONG à leur financement. En suggérant que les financements étrangers seraient une forme de dépendance toxique, Sonko instrumentalise un discours souverainiste creux. Car la réalité est toute autre : les grandes ONG internationales sont souvent soumises à des règles de transparence plus strictes que celles imposées à nos propres institutions publiques. Et contrairement aux allégations du Premier ministre, beaucoup d’ONG comme Afrika Jom Center fonctionnent sur la base de ressources internes ou de revenus de consultance.
Ignorance ou mauvaise foi ? Suggérer que les ONG sénégalaises sont des marionnettes de l’étranger, c’est méconnaître leur fonctionnement. Les audits, les chartes d’éthique, les sources multiples de financement rendent ce discours risible et dangereux.
Alioune Tine, une cible révélatrice. En s’attaquant à une personnalité respectée et pondérée comme Alioune Tine, Sonko révèle une intolérance aux critiques, même les plus constructives.
Rappel de la mission citoyenne. La société civile existe non pas pour flatter le pouvoir mais pour en surveiller les dérives. Cette fonction est essentielle, surtout dans un contexte où l’État montre des signes de repli autoritaire.
Dans d’autres contextes africains, on a vu les mêmes méthodes : Paul Kagame au Rwanda, Idriss Déby au Tchad, ou encore récemment, des régimes militaires qui ont suspendu les ONG critiques sous prétexte de financements étrangers. Le Sénégal ne peut se permettre d’entrer dans ce cercle. Ce serait un recul démocratique majeur.
Les propos d’Ousmane Sonko sont inacceptables, indignes d’un Premier ministre. Ils visent à effrayer, à intimider, à réduire au silence ceux qui osent parler au nom de l’intérêt général. Mais la société civile sénégalaise, forte de décennies de combat, ne se laissera ni acheter ni faire taire. Au lieu de stigmatiser, le Premier ministre ferait mieux de dialoguer. Car c’est dans le débat, non dans l’invective, que se construit une démocratie forte.
Ne laissons pas le pouvoir affaiblir les contre-pouvoirs. Une démocratie sans critique est une dictature en devenir. Merci à Alioune Tine pour sa dignité et son humour, qui éclairent les ténèbres d’une parole politique devenue agressive, rancunière, et menaçante.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Moustapha Diouf.
Mis en ligne : 19/07/2025
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