Quand l’afro-fusion perd son âme : Burna Boy, entre succès et trahison - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - People | Par Eva | Publié le 20/07/2025 04:07:30

Quand l’afro-fusion perd son âme : Burna Boy, entre succès et trahison

Burna Boy, superstar nigériane, revient avec un nouvel album, No Sign of Weakness, salué comme un pont entre les cultures grâce à sa fusion d’afrobeats et d’influences internationales. Mais derrière les feux des projecteurs et les collaborations prestigieuses, se profile une dérive inquiétante : la dilution de l’authenticité culturelle au profit d’un succès commercial mondialisé.

Depuis une décennie, la musique africaine, notamment l’afrobeat, connaît un engouement mondial. Des artistes comme Wizkid, Tems ou Burna Boy remplissent les stades internationaux et collaborent avec les géants de la musique occidentale. Burna Boy, avec son statut d’« African Giant », est l’un des fers de lance de cette globalisation musicale. Cependant, cette reconnaissance mondiale s’accompagne d’un glissement : la musique africaine se transforme peu à peu en produit aseptisé, conçu pour plaire au marché global plutôt qu’enrichir ses racines culturelles.

L’album No Sign of Weakness illustre parfaitement cette dynamique. Burna Boy y enchaîne les clins d’œil à la culture club britannique, samplant Soul II Soul, s’inspirant de classiques house et invitant des artistes comme Travis Scott, Mick Jagger ou Stromae. Il affirme vouloir créer des ponts culturels, mais ces ponts ressemblent parfois davantage à des routes à sens unique : les influences africaines sont filtrées, retravaillées, intégrées dans des formats occidentaux pour devenir consommables par un public global.

La déclaration de Burna Boy à Billboard « montrer que la musique est un langage universel » peut sembler noble. Mais elle évacue un fait fondamental : toute musique naît d’un contexte historique, social, et culturel. En voulant tout fusionner, on finit par tout aplatir. L’afro-fusion de Burna Boy devient alors une vitrine esthétique, brillante mais dépolitisée, vidée de sa substance.

Perte d’authenticité, les rythmes traditionnels, les chants ancestraux, les paroles en langues locales sont de plus en plus remplacés par des productions lisses aux sonorités internationales.

Marchandisation de la culture, Burna Boy n’est plus un simple artiste ; il est devenu une marque, un produit à vendre sur les marchés de Los Angeles, Paris ou Tokyo, même si cela implique de sacrifier des éléments culturels profonds.

Déséquilibre des échanges, Si Burna Boy importe des éléments occidentaux dans sa musique, l’inverse se produit rarement. On ne voit pas les Rolling Stones adopter les percussions yorubas, mais Burna, lui, se plie aux riffs rock pour séduire Mick Jagger.

Exploitation symbolique, en samplant des hymnes comme Back to Life, Burna Boy utilise des symboles afro-diasporiques forts pour un usage qui devient purement décoratif, sans engagement profond.

De nombreux experts de la musique africaine, comme le chercheur nigérian Tolu Ajayi, dénoncent la « popification » de l’afrobeat. Ils pointent du doigt la pression des labels internationaux qui poussent à adapter les sons pour les radios occidentales, et appauvrissent ainsi la diversité musicale du continent. Même Fela Kuti, père de l’afrobeat, s’opposait fermement à toute récupération marchande de sa musique, qu’il voyait avant tout comme un acte politique.

Ce phénomène n’est pas propre à Burna Boy. L’Amérique latine a vu le reggaeton perdre une partie de son identité sous les assauts du marché global. En Asie, la K-pop est critiquée pour son industrialisation à outrance. Ces exemples montrent que la mondialisation musicale fonctionne rarement dans le respect des cultures d’origine : elle uniformise.

Burna Boy, en prétendant mondialiser la musique africaine, participe en réalité à un processus d’effacement progressif de sa richesse originelle. Derrière l’éclat des featurings et la fusion des genres, on assiste à une standardisation culturelle dangereuse. L’afro-fusion ne doit pas devenir une simple étiquette marketing. Il faut défendre une musique africaine fière, enracinée, libre pas une musique calibrée pour Spotify.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Aziz Faye.
Mis en ligne : 21/07/2025

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Tako
Youssou rk lay topeu
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