La visite du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye à Cotonou a été saluée comme un geste fort pour renforcer les liens entre le Sénégal et le Bénin. Les déclarations chaleureuses, les accolades protocolaires et les discours sur la solidarité régionale ont abondé. Pourtant, derrière cette façade diplomatique séduisante se cache une réalité bien moins reluisante : celle d’une coopération africaine trop souvent limitée à des effets d’annonce, sans résultats concrets sur les véritables enjeux régionaux.
Depuis plusieurs années, l’Afrique de l’Ouest est confrontée à des défis d’une gravité inédite : montée du terrorisme, crises institutionnelles au sein de la CEDEAO et de l’UEMOA, retrait de certains pays de l’organisation sous-régionale, sanctions mal perçues par les populations… Dans ce contexte instable, les chefs d’État multiplient les sommets et les rencontres bilatérales censés incarner une volonté commune de réforme et de solidarité. Mais ces élans restent le plus souvent sans suite concrète.
Lors de leur tête-à-tête, Diomaye Faye et Patrice Talon ont abordé la situation sécuritaire et les réformes de la CEDEAO et de l’UEMOA. Des déclarations, certes nécessaires, mais qui ne constituent en rien des avancées concrètes. Le président sénégalais parle de la nécessité de “faire mieux” sur le plan des échanges commerciaux et évoque une solidarité face au terrorisme. Mais quelles actions précises ont été proposées ? Où sont les engagements fermes et les calendriers de mise en œuvre ?
Premièrement, les discours de solidarité face au terrorisme semblent déconnectés de la réalité des populations frontalières qui continuent de subir les assauts djihadistes. Le Bénin, en particulier dans sa zone nord, paie un lourd tribut à l’insécurité. Où sont les forces conjointes ? Où sont les initiatives coordonnées sur le terrain ?
Deuxièmement, la crise au sein de l’UEMOA, illustrée récemment par l’éviction du ministre burkinabè à Lomé, démontre une profonde fracture politique entre les États membres. Le simple fait d’évoquer des “initiatives de bons offices” sans proposer de mécanismes concrets de médiation ne peut masquer l’inefficacité des institutions ouest-africaines.
Troisièmement, les appels à la réforme de la CEDEAO se répètent depuis des années. Déjà en 2023, Patrice Talon plaidait pour une transformation en profondeur. Il n’a pas été écouté. Et aujourd’hui encore, les promesses de réforme sont renouvelées sans perspectives claires de réalisation.
Il suffit d’observer les trajectoires d’autres organisations régionales pour comprendre l’écart criant entre les ambitions et la mise en œuvre en Afrique de l’Ouest. À titre de comparaison, l’Union africaine, malgré ses limites, a su activer des mécanismes de réponse rapide (AMISOM en Somalie, sanctions contre les putschistes) que la CEDEAO peine à reproduire de manière cohérente. De plus, alors que les alliances militaires régionales comme l’AES se consolident autour d’une logique de rupture, la CEDEAO reste engluée dans une logique de punition, sans réelle main tendue vers la réintégration.
Contrairement à l’Union européenne, qui a su tirer parti de ses crises pour renforcer sa structure (comme après le Brexit), la CEDEAO semble stagner, voire reculer. Le départ annoncé du Mali, du Burkina et du Niger de l’organisation est un signal d’alarme. Pourtant, aucune stratégie crédible de refondation n’a émergé.
La visite de Diomaye Faye à Cotonou illustre une fois de plus le décalage entre les discours diplomatiques et la réalité politique. Les mots fraternels et les promesses de réforme sont devenus des mantras récurrents, sans que des résultats probants ne les accompagnent.
À force de répéter les mêmes formules sans passer à l’action, les dirigeants ouest-africains risquent de discréditer les institutions qu’ils prétendent vouloir sauver. Il faut sortir de cette hypocrisie et de poser enfin des actes concrets à la hauteur des enjeux régionaux.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 22/07/2025
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