Paul Biya ajuste ses pions : Remaniement militaire au Cameroun - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 23/07/2025 09:07:15

Paul Biya ajuste ses pions : Remaniement militaire au Cameroun

À quelques mois de l’élection présidentielle prévue en octobre, le président Paul Biya a opéré un vaste remaniement à la tête de la hiérarchie militaire au Cameroun. Cette décision stratégique intervient deux jours seulement après l’annonce de sa candidature à un huitième mandat. Derrière cette série de nominations se dessine une manœuvre politique claire : Paul Biya cherche à s’assurer du soutien total de l’armée, non pas pour garantir la sécurité nationale, mais pour consolider un pouvoir personnel déjà usé par plus de 40 ans de règne.

Arrivé au pouvoir en 1982, Paul Biya est aujourd’hui l’un des plus anciens chefs d’État au monde. Si son long règne a été jalonné de périodes de stabilité, il est aussi marqué par une gouvernance autoritaire, la répression de l’opposition, une absence d’alternance démocratique et une centralisation du pouvoir.

Ces dernières années, les tensions sociales et politiques se sont accentuées, notamment avec la crise anglophone dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, la contestation de plus en plus vive de la jeunesse et une fatigue palpable de la population face à un régime jugé dépassé.

C’est dans ce contexte de défiance que le remaniement militaire au Cameroun intervient, permettant à Paul Biya de renforcer son emprise sur l’armée, instrument clé dans la préservation de son pouvoir.

Le changement brusque et large des chefs d’état-major dans presque toutes les branches militaires ne peut être interprété comme une simple mesure de réorganisation. Il s’agit d’une opération de sécurisation du pouvoir. Promouvoir huit généraux de brigade, repositionner le coordinateur du redoutable Bataillon d’intervention rapide (BIR), et nommer un nouveau conseiller militaire spécial du président, ce n’est pas anodin.

Le BIR, en particulier, a souvent été utilisé comme bras armé du régime contre les mouvements de protestation. En mettant à sa tête un loyaliste nouvellement promu, Paul Biya envoie un signal clair : il se prépare à toute contestation, et l’armée sera à ses côtés pour faire taire les voix dissidentes.

Ce type de manipulation de l’institution militaire n’est pas sans précédent. En Guinée, Alpha Condé avait lui aussi remanié les hauts gradés de l’armée avant de briguer un troisième mandat contesté. En Tchad, Idriss Déby a longtemps usé de la même stratégie, s’appuyant sur un cercle restreint de militaires fidèles pour asseoir son autorité. Ces comparaisons soulignent une réalité inquiétante : le recours à l’armée comme bouclier politique est un signe de faiblesse démocratique.

Ce remaniement militaire au Cameroun, loin de répondre aux besoins de défense nationale ou de modernisation, révèle une instrumentalisation dangereuse des forces armées. Il ne s’agit pas ici d’un renforcement de la sécurité du pays, mais bien de celle d’un président en perte de légitimité, qui redoute le verdict des urnes.

Les Camerounais méritent mieux qu’une démocratie suspendue aux décisions d’un homme et à la loyauté de ses généraux. Le contrôle de l’armée par le politique est une pente glissante qui met en péril l’État de droit et prépare le terrain à une répression brutale de toute opposition.

Il appartient au peuple camerounais, mais aussi à la communauté internationale, d’ouvrir les yeux sur cette tentative de verrouillage politique. La militarisation du pouvoir ne peut être la réponse à la quête de démocratie. Le Cameroun a besoin d’alternance, de réformes profondes et d’un renouveau politique. Paul Biya ne peut pas continuer à diriger ce pays en s’appuyant sur les armes plutôt que sur la volonté populaire.

L’histoire montre que les régimes qui manipulent l’armée pour se maintenir finissent par sombrer dans l’isolement, la violence ou l’effondrement. Il faut en finir avec cette stratégie de survie politique qui sacrifie l’intérêt national sur l’autel de l’ambition personnelle. Le Cameroun mérite un avenir construit sur la démocratie, pas sur la peur.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Clarice Pascal.
Mis en ligne : 23/07/2025

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