Dans un entretien accordé à Xalaat TV, Bassirou Kébé, Directeur général de la Société Nationale des HLM, a exprimé son désaccord avec l’appel à la réconciliation nationale lancé par le président Bassirou Diomaye Faye. Estimant ce terme inapproprié dans un contexte où justice n’a pas encore été rendue, M. Kébé appelle à faire toute la lumière sur les violences politiques qui ont secoué le Sénégal entre 2021 et 2024. La réconciliation, dans ce cas précis, ressemble davantage à une manœuvre politique qu’à une véritable volonté de réparation.
Entre 2021 et 2024, le Sénégal a connu une série d’épisodes tragiques marqués par une répression brutale de manifestants. Le chiffre est glaçant : au moins 80 morts, en majorité des jeunes. Alors que le nouveau régime parle d’apaisement et de dialogue, les familles endeuillées n’ont toujours ni réponses, ni justice.
En parallèle, des figures politiques de l’ancien régime, pointées du doigt pour leur rôle présumé dans ces violences ou des actes de corruption, continuent de jouir d’une liberté totale, parfois même de tribunes médiatiques prestigieuses.
Il faut s’interroger sur la véritable signification de cette « réconciliation nationale » qu’on nous présente comme un impératif moral. En réalité, cette notion, si elle n’est pas précédée d’une démarche judiciaire rigoureuse, devient un écran de fumée. Dans de nombreux pays, des appels similaires à la réconciliation ont servi à faire table rase du passé et à empêcher toute quête de justice. En Afrique du Sud, après l’Apartheid, la Commission Vérité et Réconciliation n’a été acceptée que parce qu’elle exigeait d’abord la vérité. Au Rwanda, la réconciliation a été possible après des procès et une justice rendue, même partiellement.
Dans le cas du Sénégal, parler aujourd’hui de réconciliation nationale sans avoir identifié les responsabilités, sans enquêtes approfondies, sans procès équitables, c’est ignorer la douleur des victimes. Pire encore, c’est perpétuer une culture d’impunité.
Bassirou Kébé a raison de rappeler qu’il ne s’agit pas de vengeance, mais de mémoire. Loin d’être un obstacle à la paix, la justice est au contraire la condition sine qua non d’un vivre-ensemble durable. Comment construire un futur commun sur les ruines du silence ? Peut-on bâtir une société démocratique sans vérité ? La réconciliation ne peut pas être un synonyme de renoncement.
Ce serait une erreur politique grave pour les autorités issues du Pastef de faire de la paix sociale un prétexte pour éviter les confrontations nécessaires avec le passé. Le ministère de la Justice, à travers le procureur, doit montrer sa capacité à être indépendant, ferme et impartial.
L’histoire récente du Burkina Faso offre un parallèle édifiant. Après la chute de Blaise Compaoré, les appels à la réconciliation ont tenté de minimiser les responsabilités dans les crimes du régime. Résultat : une population frustrée, un retour de l’instabilité et une défiance généralisée envers les institutions. Le Sénégal ne doit pas suivre ce chemin.
La réconciliation nationale ne doit pas être un mot creux que les politiciens manipulent au gré de leurs intérêts. Elle doit être le fruit d’un processus de vérité, de justice et de reconnaissance des souffrances endurées. Le peuple sénégalais mérite mieux qu’un pardon bâclé. Il mérite la vérité. Il mérite la justice. Pas de réconciliation sans comptes à rendre.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Sokhna Awa.
Mis en ligne : 23/07/2025
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