Le 16 juillet 2025, l’Agence nationale des Affaires maritimes (Anam), en collaboration avec des ingénieurs sud-coréens, a présenté un ambitieux projet d’infrastructures visant la modernisation de Gorée. Il s’agit notamment de l’acquisition de deux chaloupes hybrides, de la construction d’un quai long de 115 mètres et d’une gare maritime, pour un coût estimé à 25,5 milliards de francs CFA.
Un projet que les autorités locales saluent, y voyant une avancée majeure. Mais cette modernisation de Gorée suscite de sérieuses interrogations, notamment sur son impact patrimonial, environnemental et mémoriel.
Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1978, l’île de Gorée n’est pas une destination ordinaire. Elle incarne un pan douloureux de l’histoire de l’humanité, en tant que symbole de la traite négrière. Son charme repose sur sa simplicité, ses ruelles étroites, ses bâtisses historiques et une atmosphère de recueillement. Or, la modernisation de Gorée risque d’altérer cet équilibre fragile entre mémoire et fréquentation.
Le projet prévoit l’arrivée de bateaux ultramodernes dotés de 350 places, d’espaces VIP et de sièges économiques, ainsi que d’une gare maritime aux standards internationaux. Ces infrastructures, si elles promettent sécurité et confort, menacent toutefois de transformer Gorée en simple terminal touristique, vidée de son âme. La modernisation de Gorée, telle qu’elle est pensée aujourd’hui, ressemble davantage à une opération de marketing qu’à une démarche de préservation du patrimoine.
Les autorités mettent en avant des arguments techniques et économiques, mais elles passent sous silence les risques environnementaux liés aux travaux : artificialisation du littoral, perturbation de l’écosystème marin, pressions accrues sur les ressources locales. La modernisation de Gorée semble ici dictée par des considérations commerciales, sans réelle consultation des populations ni respect du site historique.
Des exemples ailleurs dans le monde, comme Stone Town à Zanzibar ou la vieille ville de Luang Prabang au Laos, montrent que la modernisation d’un site patrimonial peut se faire dans le respect de son identité. Cela suppose une approche sobre, réfléchie et inclusive. Dans le cas de Gorée, il serait plus judicieux d’investir dans la restauration du patrimoine existant, le soutien au tourisme culturel et la mise en valeur des chaloupes traditionnelles.
La modernisation de Gorée ne doit pas devenir synonyme de dénaturation. Ce lieu de mémoire ne peut être transformé en zone d’embarquement impersonnelle, sans perdre sa signification historique. Le Sénégal a la responsabilité de concilier progrès et respect, développement et dignité. Il est encore opportun de revoir ce projet afin qu’il serve réellement Gorée, ses habitants et sa mémoire.
Refusons une modernisation de Gorée qui sacrifie l’essentiel : son identité.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Moussa Traoré.
Mis en ligne : 25/07/2025
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