Récemment, Cheikh Thioro Mbacké, vice-président de l’Assemblée nationale et cadre influent du parti Pastef, a lancé un appel ferme au président de la République et au Premier ministre : il faut réserver les postes clés de l’État aux militants du Pastef, au nom de la légitimité populaire et du prix payé pour porter le projet politique. Ce discours, relayé lors de l’émission En VERITE sur RSI, plaide pour une gouvernance presque exclusive confiée aux membres du parti.
Si cette revendication peut sembler légitime dans une démocratie, elle soulève en réalité des risques sérieux que nous devons examiner avec vigilance.
Le contexte politique sénégalais, marqué par la coalition au pouvoir regroupant plusieurs forces politiques, a toujours reposé sur un équilibre fragile entre alliés. La demande explicite du Pastef pour s’imposer sur les postes clés, quitte à s’éloigner des alliés, fragilise cet équilibre. Or, le succès d’une gouvernance ne dépend pas uniquement de la légitimité électorale, mais surtout de la compétence, de la diversité des talents, et de la capacité à fédérer au-delà des intérêts partisans.
L’argument selon lequel ceux qui ont « payé le prix fort » méritent prioritairement les responsabilités, sous-entendant que l’engagement militant doit primer sur les qualifications, ouvre la porte à un clientélisme dangereux. Confier des responsabilités majeures sur la seule base de la loyauté politique est une pratique qui, historiquement, a conduit à des échecs de gouvernance, à la stagnation administrative et à la perte de confiance des citoyens.
On peut rappeler que dans de nombreux pays africains, le favoritisme dans les nominations a souvent entraîné une gestion publique inefficace, nourrissant la corruption et ralentissant le développement. Le Nigeria des années 1990, par exemple, a connu un tel phénomène où la prédominance des réseaux d’allégeance a freiné les réformes essentielles. Plus récemment, plusieurs pays d’Amérique latine ont souffert d’une politisation excessive de leurs administrations, au détriment de la qualité de service public.
Au Sénégal, une telle approche risque de marginaliser des cadres compétents issus d’autres partis ou de la société civile, dont les expertises sont pourtant nécessaires pour relever les défis complexes auxquels le pays fait face. Le développement durable, la lutte contre la pauvreté, l’amélioration des infrastructures et la gestion des crises exigent des compétences techniques solides et un leadership inclusif. Réduire l’accès aux postes stratégiques à une question d’appartenance partisane compromet ces objectifs.
En outre, exclure les alliés de la coalition au pouvoir au profit exclusif des militants Pastef risque d’accroître les tensions politiques et d’affaiblir la cohésion nationale. Une gouvernance saine doit conjuguer légitimité électorale et efficacité, en mettant en avant le mérite, la transparence et l’intérêt général, et non la simple récompense politique.
Face à ce constat, il faut que les autorités sénégalaises résistent à la tentation du clientélisme partisan. Le pouvoir d’État doit être exercé par les meilleurs, indépendamment de leur appartenance politique. Cela ne signifie pas ignorer le mérite des militants du Pastef, mais refuser que la fidélité remplace la compétence dans la gestion publique.
Pour le Sénégal, en pleine phase de construction de son avenir, le risque est trop grand de confier des responsabilités clés uniquement sur la base de la loyauté partisane. Une gouvernance efficace, inclusive et transparente est la seule voie possible pour répondre aux attentes des citoyens et assurer un véritable changement.
Loin de renforcer le parti au pouvoir, la nomination systématique des militants du Pastefà des postes clés menacerait la stabilité, la performance de l’État et, in fine, le progrès du Sénégal. Il est impératif que les dirigeants privilégient le talent et la compétence, au-delà des affinités politiques. Le pays mérite mieux qu’un système où le pouvoir se réserve aux « ayants droit » de la victoire électorale. Ce serait une trahison des ambitions de changement qui ont porté Pastef au devant de la scène.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Sokhna Mai.
Mis en ligne : 21/07/2025
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