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Lors de la récente Assemblée générale de l’Union des Magistrats du Sénégal (UMS), le président sortant, le juge Amadou Chimère Diouf, a insisté sur l’importance d’une critique constructive de la justice, tout en alertant contre les discours politiques qui fragiliseraient l’institution. En réponse, le ministre de la Justice, Ousmane Diagne, a défendu avec prudence la justice sénégalaise, soulignant la nécessité d’éviter le discrédit tout en reconnaissant ses imperfections.
Si ces propos se veulent rassurants, ils révèlent surtout une posture gouvernementale visant à masquer des dysfonctionnements réels et persistants dans le système judiciaire du pays.
Le Sénégal, comme beaucoup de jeunes démocraties, doit constamment affirmer la crédibilité de ses institutions. La justice, en particulier, est au cœur des débats publics, entre exigences de transparence, indépendance réelle et attentes sociales légitimes. Pourtant, les critiques ne manquent pas : lenteurs, ingérences politiques, manque de moyens et d’effectivité des décisions sont des maux régulièrement dénoncés par la société civile et même par des acteurs du système lui-même. La défiance envers la justice s’installe progressivement, fragilisant la confiance nécessaire à la stabilité démocratique.
Les déclarations du ministre Ousmane Diagne, tout en paraissant mesurées, manquent cruellement de franchise et de profondeur. Reconnaître que la justice « n’est pas parfaite » sans admettre les causes profondes de ces imperfections ne suffit pas. Par exemple, les multiples affaires de lenteur judiciaire, où des dossiers s’enlisent pendant des années, sont ignorées. Les récentes enquêtes sur des interférences politiques dans certaines décisions judiciaires ou le traitement inéquitable de dossiers sensibles illustrent un malaise bien réel, loin du « pilier fondamental » que voudrait faire croire le ministre.
De plus, l’appel à éviter toute action « susceptible de fragiliser l’institution » sonne comme une mise en garde implicite contre les critiques, ce qui peut être interprété comme une volonté d’étouffer le débat plutôt que de le nourrir. Or, dans un État démocratique, la justice ne doit pas être intouchable ou protégée contre toute contestation, mais justement améliorée par une critique honnête et constructive.
D’abord, cette posture entretient une forme d’opacité. En ne traitant pas les vraies causes des dysfonctionnements, telles que le manque d’indépendance réelle des magistrats, les pressions politiques, ou encore la faiblesse des moyens logistiques, le gouvernement ne fait que retarder une réforme profonde nécessaire.
Ensuite, elle contribue à creuser le fossé entre la justice et les citoyens. Lorsqu’un ministre se contente de louanger les institutions sans reconnaître leurs défauts, il renforce le scepticisme populaire et nuit à la légitimité même de la justice.
Enfin, cette stratégie de communication apparaît comme une tentative de contrôle du discours public sur la justice, où l’État chercherait à minimiser les critiques pour préserver une image rassurante à court terme, au détriment d’une transparence indispensable.
Dans plusieurs pays africains voisins, comme le Ghana ou la Côte d’Ivoire, des réformes judiciaires plus ambitieuses ont été engagées pour renforcer l’indépendance des magistrats, améliorer la formation et moderniser les infrastructures judiciaires. Ces États ont choisi de reconnaître ouvertement les faiblesses de leurs systèmes, impliquant la société civile et les partenaires internationaux dans la recherche de solutions durables. Ce pragmatisme contraste avec l’attitude sénégalaise, davantage marquée par la préservation de l’image que par la résolution des problèmes.
La réponse d’Ousmane Diagne, bien que courtoise et mesurée, ne répond pas aux attentes légitimes des Sénégalais en matière de justice. Elle donne l’impression d’un écran de fumée destiné à dissimuler des problèmes profonds : lenteurs, ingérences, manque de moyens, et absence de transparence. Pour restaurer la confiance, il faut plus qu’un appel à la sérénité : une réforme courageuse, une communication honnête et un engagement réel à défendre une justice indépendante et accessible à tous. Sans cela, le « pilier fondamental » de notre jeune État risque de rester une façade fragile, incapable de soutenir la construction d’une démocratie véritable.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 16/08/2025
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