Le Sénégal, cobaye du FMI ? : Le vrai prix des réformes libérales - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Economie | Par Eva | Publié le 20/08/2025 08:08:00

Le Sénégal, cobaye du FMI ? : Le vrai prix des réformes libérales

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Du 19 au 26 août 2025, une mission technique du Fonds monétaire international (FMI) à Dakar pour évaluer les politiques économiques et financières du Sénégal, dans le cadre de la préparation du budget 2025 et de la loi de finances 2026. Présentée comme un « accompagnement technique », cette visite soulève une question fondamentale : le Sénégal est-il en train de devenir un laboratoire pour des réformes économiques dont les coûts sociaux seront supportés par les plus vulnérables ?

Si le ministère des Finances évoque un « dialogue constructif », l’histoire des interventions du FMI en Afrique invite à une lecture plus critique.

Créé pour stabiliser les économies en difficulté, le FMI a souvent imposé des plans d’ajustement structurel (PAS) aux pays africains, sous couvert d’aide au développement. Ces réformes, basées sur le libéralisme économique, ont régulièrement conduit à des privatisations massives, à la réduction des dépenses sociales et à une dépendance accrue envers les marchés internationaux. Au Sénégal, comme ailleurs, ces politiques ont rarement tenu leurs promesses de croissance inclusive. Au contraire, elles ont souvent aggravé les inégalités et affaibli des secteurs clés comme l’agriculture et l’énergie, essentiels pour la majorité de la population.

Depuis les années 1980, les PAS ont été critiqués pour leur approche uniforme, ignorant les spécificités locales et les besoins sociaux. Les conditionnalités imposées par le FMI réduction des subventions, libéralisation des marchés, ouverture aux investisseurs étrangers ont souvent eu des effets dévastateurs sur les économies locales, sans garantir une amélioration durable du niveau de vie.

La mission du FMI à Dakar se concentrera sur l’exécution du budget 2025, la préparation de la loi de finances 2026 et l’évaluation des réformes gouvernementales. Officiellement, il s’agit de renforcer la stabilité économique. Mais dans les faits, ces missions servent souvent à imposer des réformes qui limitent la souveraineté des États et favorisent les intérêts des créanciers internationaux.

Le Sénégal, avec son économie encore fragile et dépendante de l’agriculture et des ressources naturelles, est particulièrement vulnérable à ces pressions. Les recommandations du FMI, bien que présentées comme neutres, s’inscrivent dans une logique de libéralisation forcée, dont les conséquences sont bien documentées : hausse des inégalités, précarisation des petits producteurs, et affaiblissement des services publics.

La libéralisation du secteur énergétique, souvent encouragée par le FMI, a conduit au Sénégal à une hausse des coûts de l’électricité et à une dépendance accrue aux hydrocarbures, au détriment des énergies renouvelables et des ménages modestes. Malgré une production énergétique en hausse, l’accès à une électricité abordable reste un défi pour une grande partie de la population, tandis que les multinationales en tirent profit.

Le secteur agricole, qui emploie près de 70 % de la population sénégalaise, est particulièrement menacé. Les réformes de libéralisation ont entraîné une chute de la production locale et une précarisation accrue des ruraux, incapables de concurrencer les importations subventionnées. Les études montrent que l’élimination des barrières douanières et des subventions a conduit à une contraction de l’agriculture, sans créer d’emplois compensatoires dans les secteurs industriels ou tertiaires.

Le FMI joue un rôle clé dans une mondialisation qui réduit les pays africains à des fournisseurs de matières premières, sans leur permettre de développer une industrie locale compétitive. Les pays comme le Sénégal se voient ainsi cantonnés à un rôle de producteur de ressources brutes (pétrole, gaz, produits agricoles), tandis que la valeur ajoutée est capturée par les pays industrialisés.

Les exemples ne manquent pas. En Zambie, au Rwanda ou en Côte d’Ivoire, les PAS ont creusé les inégalités et affaibli les économies locales, sans parvenir à réduire la pauvreté de manière significative. Au Sénégal, les réformes passées ont déjà conduit à une augmentation de la dette publique (80 % du PIB en 2023) et à une dépendance accrue aux marchés financiers internationaux. Pourquoi croire que cette nouvelle mission aboutira à des résultats différents ?

En Argentine ou en Équateur, des gouvernements ont choisi de résister aux diktats du FMI, avec des résultats mitigés mais souvent meilleurs que ceux des pays ayant strictement suivi ses recommandations. Ces exemples montrent qu’une alternative est possible, à condition de refuser les conditionnalités imposées de l’extérieur.

La venue du FMI au Sénégal n’est pas une simple visite technique, mais une étape de plus dans l’application de réformes dont les coûts seront supportés par les plus pauvres. Le pays ne doit pas se laisser transformer en cobaye des expériences économiques du FMI. Il faut construire un modèle de développement qui place les besoins de la population avant les intérêts des créanciers internationaux.

Le Sénégal a les moyens de refuser les recettes toutes faites et de privilégier des politiques adaptées à ses réalités. Cela passe par un dialogue national inclusif, une protection des secteurs stratégiques comme l’agriculture et l’énergie, et une coopération internationale plus équilibrée. La vraie souveraineté économique commence par le refus des conditionnalités imposées de l’extérieur.

Question finale : Le Sénégal acceptera-t-il encore longtemps de payer le prix des expériences économiques du FMI, au risque d’aggraver les inégalités et la précarité ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Danfa Papis.
Mis en ligne : 20/08/2025

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