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Dans la commune de Dakatély, le village de Yéro Nguédo est coupé du monde, relié au reste du département de Salémata par un pont de lianes, construit par ses propres habitants, aujourd’hui impraticable et dangereux.
Cette situation, récemment rapportée, n’est malheureusement pas un cas isolé. Elle révèle un système défaillant, où les populations rurales, faute d’infrastructures publiques, sont contraintes de se substituer à l’État pour des besoins vitaux : sécurité, accès aux soins, éducation, mobilité. Ce constat est une honte collective. On doit dénoncer cette négligence institutionnelle et exiger des solutions durables.
Le Sénégal, comme beaucoup de pays africains, concentre ses efforts et ses budgets sur les zones urbaines, au détriment des campagnes. Pourtant, les villages comme Yéro Nguédo sont le socle de l’économie nationale, fournissant une part importante de la production agricole et des ressources humaines. En 2025, des enfants, des femmes enceintes et des personnes âgées risquent leur vie chaque jour pour traverser un pont de fortune, surtout en saison des pluies.
Pendant ce temps, les budgets alloués aux infrastructures rurales, bien que conséquents sur le papier, peinent à se traduire en réalisations concrètes sur le terrain. Les habitants, livrés à eux-mêmes, construisent des ponts, creusent des puits, bâtissent des écoles, des initiatives louables, mais qui ne devraient pas être nécessaires dans un État digne de ce nom.
Le pont de lianes de Yéro Nguédo est le symbole d’un échec : celui de l’État à assurer ses missions fondamentales. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Dans tout le pays, des villages auto-construisent leurs écoles, leurs centres de santé, leurs systèmes d’adduction d’eau, faute de services publics accessibles. Ces solutions de fortune, souvent dangereuses, sont le résultat d’un désengagement progressif des pouvoirs publics.
En Afrique subsaharienne, seul un tiers des populations rurales vit à moins de deux kilomètres d’une route praticable en toutes saisons. Au Sénégal, malgré des projets annoncés et des budgets votés, les réalisations tardent, les retards s’accumulent, et les populations paient le prix fort : accidents, décès évitables, souffrances quotidiennes.
Les risques humains sont inacceptables. Chaque année, des centaines de Sénégalais meurent ou sont blessés sur des routes ou des ponts défectueux, des motos surchargées, ou en tentant de traverser des cours d’eau sans infrastructure sécurisée. Ces drames pourraient être évités si les promesses se traduisaient en actes. Pourtant, les solutions existent : des ponts modulaires, des routes adaptées au climat, des partenariats public-privé pour financer des infrastructures durables, comme le font déjà d’autres pays africains.
La dignité des citoyens est bafouée : aucun individu ne devrait avoir à mendier pour un pont, une route ou un accès à l’eau potable. Ces besoins sont des droits, pas des privilèges. L’inégalité territoriale est criante : alors que Dakar et les grandes villes bénéficient d’autoroutes, de TER et de réseaux modernes, les zones rurales restent enclavées, privées d’accès aux marchés, aux hôpitaux et aux écoles, aggravant la pauvreté et l’exode rural.
L’irresponsabilité budgétaire est évidente : malgré des budgets en hausse, les infrastructures rurales restent le parent pauvre des politiques publiques. L’impact économique est considérable : l’isolement des villages freine le développement local. Sans routes, les agriculteurs ne peuvent pas écouler leurs produits, les enfants ne peuvent pas aller à l’école et les malades ne peuvent pas se soigner, sacrifiant ainsi un pan entier de l’économie.
Des solutions existent ailleurs. En Côte d’Ivoire, le gouvernement a lancé un programme pour connecter 240 villages en 2025, avec un budget significatif, démontrant une volonté politique claire. À Madagascar, des ponts résilients, adaptés aux chocs climatiques, sont financés pour désenclaver les zones rurales. Au Sénégal, malgré des annonces similaires, les réalisations peinent à suivre, illustrant une inertie préoccupante.
Il faut que les autorités assument leurs responsabilités. Il faut prioriser les infrastructures rurales dans les budgets et les plans d’action, simplifier les procédures pour accélérer la construction de ponts, de routes et d’équipements publics, impliquer les communautés locales dans la planification et le suivi des projets, et sanctionner l’inaction des responsables qui ne livrent pas les projets promis.
Les habitants de Yéro Nguédo, comme ceux de milliers d’autres villages, ne demandent pas la charité. Ils réclament ce qui leur est dû : des infrastructures dignes, sécurisées et accessibles. L’État doit cesser de se cacher derrière des annonces et agir, maintenant.
Le pont de lianes de Yéro Nguédo est un cri d’alarme. Il rappelle que le développement ne peut être durable s’il laisse une partie de la population sur le bord du chemin. Le Sénégal a les moyens de faire mieux. Il a le devoir de le faire. La dignité de ses citoyens en dépend.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Jacques Badji.
Mis en ligne : 24/08/2025
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