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L’actualité sénégalaise met en lumière une situation inédite : pour la première fois, le pays compte deux Premières Dames, Absa Faye et Marie Khone Faye, et aucune des deux n’a choisi de créer une fondation officielle. Si leurs gestes sociaux sont réels, ils restent discrets, épars et sans structure. Ce choix, présenté par certains comme une marque de sobriété, me semble au contraire problématique : sans fondation, ces Premières Dames courent le risque de s’effacer du paysage social, réduites à des figures décoratives sans impact durable.
Traditionnellement, les Premières Dames jouent un rôle central dans l’action sociale. Au Sénégal, l’exemple de Viviane Wade et de sa Fondation Agir pour l’Éducation et la Santé reste encore gravé dans les mémoires.
Lors des inondations ou de la tragédie du Joola, sa fondation avait agi avec une réactivité exemplaire, mobilisant partenaires et soutiens sans attendre les lourdeurs de l’administration. Plus largement en Afrique, de nombreuses Premières Dames ont marqué leur époque à travers des initiatives structurées qui associaient visibilité, efficacité et mobilisation internationale.
L’absence de fondation chez Absa Faye et Marie Khone Faye est présentée comme une volonté de prudence, voire une rupture assumée avec les pratiques critiquées par le passé. Mais derrière cet argument se cache une faiblesse majeure : comment organiser efficacement l’action sociale sans structure ? Comment attirer des soutiens solides, nationaux et internationaux, lorsque tout repose sur des interventions ponctuelles et informelles ? Les bonnes volontés ne suffisent pas. Une Première Dame sans fondation, c’est une Première Dame sans levier.
Dans un pays où les besoins sociaux sont immenses, santé, éducation, urgence humanitaire, la visibilité et l’organisation des actions sociales sont capitales. Faute de structure, les initiatives des épouses du président risquent de passer inaperçues ou d’être jugées insignifiantes. Là où une fondation pourrait incarner un engagement fort, leur silence institutionnel envoie un signal négatif : celui d’un désengagement des Premières Dames vis-à-vis des causes sociales. Le danger est réel de les voir cantonnées à un rôle purement symbolique, déconnecté des attentes populaires.
Au Bénin, Chantal de Souza Yayi avait également réussi à associer son image à des projets éducatifs et sanitaires durables. Même sur le plan international, les épouses de dirigeants savent que la fondation n’est pas seulement un outil d’action, mais aussi un instrument d’influence et de diplomatie douce. En renonçant à cette voie, Absa Faye et Marie Khone Faye s’écartent d’un modèle qui a pourtant fait ses preuves. Que retiendra-t-on de leur passage si aucune trace institutionnelle ne demeure ?
En l’absence de fondation, leurs actions dépendent des dons individuels et des initiatives isolées. Cette fragilité prive les Premières Dames d’une autonomie indispensable et les empêche de construire une légitimité propre. Pire encore, cela donne l’image d’un pouvoir peu soucieux d’innover dans l’action sociale, alors même que la pauvreté et les inégalités s’aggravent.
La sobriété politique ne doit pas se transformer en invisibilité sociale. En refusant d’institutionnaliser leurs actions, Absa Faye et Marie Khone Faye prennent le risque de laisser une empreinte faible, voire nulle, dans l’histoire sociale du Sénégal. Or, une Première Dame doit laisser des traces, au-delà des gestes ponctuels. Pour ne pas être perçues comme de simples figurantes du pouvoir, elles gagneraient à franchir le pas de la structuration, en créant une fondation crédible, transparente et adaptée aux exigences d’aujourd’hui.
Le Sénégal mérite des Premières Dames visibles, organisées et efficaces. Sans cela, leur rôle restera anecdotique, et leur époque se résumera à une sobriété qui, loin d’être une vertu, deviendra une absence.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Fatoumata Barrow.
Mis en ligne : 29/08/2025
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