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Le tribunal de Mbour a récemment condamné un Français de 66 ans à six mois de prison ferme pour violences conjugales sur son ex-compagne sénégalaise, enceinte et victime de coups, de vol de bijoux et de passeport. Si la condamnation est une première étape vers la justice, la légèreté de la peine interroge. En effet, comment ne pas voir dans cette décision le symptôme d’une justice à géométrie variable, où les étrangers, surtout occidentaux, bénéficieraient d’une clémence que les nationaux n’obtiennent pas toujours ?
Cette affaire, loin d’être isolée, révèle une perception tenace : au Sénégal, certains semblent plus égaux que d’autres devant la loi.
Les violences conjugales restent un fléau au Sénégal, où 27 % des femmes âgées de 15 à 49 ans déclarent en avoir été victimes. Pourtant, les condamnations restent rares, et les peines, lorsqu’elles tombent, sont souvent légères. Dans ce cas précis, l’accusé, un Français, a écopé d’une peine de six mois et d’une amende de 500 000 francs CFA, alors que les faits, violences sur une femme enceinte, vol, séquestration, auraient pu justifier une sanction bien plus lourde. La question se pose : cette clémence est-elle liée à la nationalité de l’accusé ?
Au Sénégal, l’indépendance de la justice est régulièrement remise en cause. La justice sénégalaise est perçue comme non indépendante, marquée par l’instrumentalisation politique et l’impunité des puissants. Dans un tel contexte, les affaires impliquant des étrangers, surtout des Occidentaux, sont souvent traitées avec une prudence qui frise la complaisance, de peur de nuire à l’image touristique du pays ou de froisser des intérêts économiques.
La peine prononcée dans cette affaire est d’autant plus surprenante qu’elle contraste avec le traitement réservé à des Sénégalais dans des situations comparables. Des cas de violences conjugales entre nationaux ont déjà donné lieu à des peines bien plus lourdes, surtout lorsque les preuves sont accablantes, comme ici. Le certificat médical attestant de dix jours d’incapacité temporaire de travail, les témoignages, et la vulnérabilité de la victime (enceinte, dépouillée de ses papiers) auraient dû inciter le tribunal à une sévérité exemplaire.
Pourtant, le Français a bénéficié d’une peine minimale. Cette différence de traitement alimente le sentiment d’une justice inégale, où les étrangers, perçus comme « riches » ou « influents », échapperaient à la rigueur qui s’applique aux autres. Ce deux poids, deux mesures est d’autant plus problématique qu’il renforce l’idée d’un Sénégal où certains peuvent agir en toute impunité, protégés par leur passeport ou leur statut social.
Les stéréotypes sur les « riches étrangers » jouent ici un rôle non négligeable. Au Sénégal, comme ailleurs en Afrique, les Occidentaux sont souvent perçus comme des porte-monnaie ambulants, capables de corrompre ou d’influencer les décisions judiciaires. Même si aucune preuve de corruption n’a été avancée dans cette affaire, la légèreté de la peine nourrit ces soupçons.
Le pays, destination prisée des Européens, a tout intérêt à éviter les scandales judiciaires impliquant des ressortissants étrangers. Une condamnation trop sévère pourrait, selon certains, dissuader les touristes ou les investisseurs. Mais à quel prix ? Celui de la crédibilité de la justice et de la protection des victimes ?
Le Sénégal a longtemps été critiqué pour son incapacité à lutter contre l’impunité, notamment dans les affaires de violences faites aux femmes. En 2024, seulement une minorité des cas de violences conjugales aboutissent à des condamnations, et les peines sont rarement à la hauteur des crimes commis. Dans ce contexte, une peine symbolique pour un étranger envoie un message désastreux : les victimes sénégalaises valent moins que la réputation du pays.
En France, les violences conjugales sont passibles de peines bien plus lourdes, surtout lorsqu’elles visent une femme enceinte. En Côte d’Ivoire, des féminicides ont récemment provoqué un tollé et poussé les autorités à durcir les sanctions. Au Sénégal, en revanche, les condamnations restent timides, et les affaires impliquant des étrangers sont souvent traitées avec une prudence qui ressemble à de la complaisance.
Il faut que le Sénégal montre l’exemple. La justice doit être la même pour tous, qu’on soit Sénégalais ou étranger, riche ou pauvre. Cela passe par des peines proportionnelles à la gravité des actes, sans égard pour la nationalité de l’accusé, un renforcement de l’indépendance des magistrats, pour éviter toute pression politique ou économique, et une transparence totale dans le traitement des affaires, afin de restaurer la confiance des citoyens dans leurs institutions.
Les violences conjugales ne sont pas une « affaire privée », mais un crime qui doit être puni avec fermeté. Sinon, c’est la crédibilité même de l’État de droit qui est en jeu. La condamnation du Français de Mbour est une avancée, mais une peine aussi légère est une insulte à toutes les victimes de violences conjugales au Sénégal. Tant que la justice continuera à distinguer entre nationaux et étrangers, le sentiment d’injustice persistera.
Le Sénégal mérite mieux : une justice impartiale, exigeante, et protectrice pour toutes ses citoyennes. Il est temps d’agir, avant que la confiance dans les institutions ne s’effondre définitivement. La balle est dans le camp des autorités. À elles de prouver que, devant la loi, tous sont vraiment égaux.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Daouda Diouf.
Mis en ligne : 31/08/2025
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