Le journaliste qui a trahi sa mission : Madiambal Diagne et le camp des élites - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Société | Par Eva | Publié le 04/09/2025 08:09:00

Le journaliste qui a trahi sa mission : Madiambal Diagne et le camp des élites

Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »

Le récent échange musclé entre Madiambal Diagne, président du groupe Avenir Communication, et Waly Diouf Bodiang, directeur général du Port autonome de Dakar, a une fois de plus mis en lumière les ambiguïtés d’un journaliste dont le parcours illustre la dérive d’une partie de la presse sénégalaise. À travers ses déclarations nostalgiques et ses attaques voilées, Diagne incarne aujourd’hui moins le contre-pouvoir médiatique que la complaisance envers les élites politiques.

Son intervention lors de l’émission Faram Facce, où il évoque une amitié passée avec Bodiang tout en le critiquant avec une émotion calculée, révèle une stratégie bien rodée : utiliser la morale et l’affect pour masquer un soutien inconditionnel à un système qu’il a longtemps servi.

Madiambal Diagne a longtemps été perçu comme une figure majeure du journalisme sénégalais, fondateur du Quotidien, un média d’opposition sous le régime d’Abdoulaye Wade. Pourtant, depuis l’arrivée de Macky Sall au pouvoir en 2012, son positionnement a radicalement changé. Comme le souligne Jeune Afrique, Diagne est devenu « l’homme qui murmure à l’oreille de Macky Sall », assumant une proximité avec le palais présidentiel qui interroge sur son indépendance éditoriale. Son groupe, Avenir Communication, a été accusé à plusieurs reprises de partialité, notamment en faveur du régime de Macky Sall, et a même fait l’objet de redressements fiscaux après l’alternance politique de 2024, ce qui a alimenté les soupçons d’instrumentalisation politique.

Diagne a lui-même reconnu entretenir des relations privilégiées avec le pouvoir, justifiant cette proximité par la nécessité d’un « accès unique aux coulisses du palais ». Pourtant, cette posture soulève une question fondamentale : un journaliste peut-il être à la fois observateur critique et conseiller officieux du pouvoir sans compromettre son éthique ?

Dans ses déclarations sur TFM, Diagne utilise un registre émotionnel (« les larmes aux yeux », « Dieu t’assiste ») pour discréditer Bodiang, tout en évitant soigneusement de répondre sur le fond des accusations portées contre lui. Il évoque un Bodiang « généreux » et « simple », en opposition avec l’homme politique radical qu’il incarne aujourd’hui. Pourtant, comme le rappelle Bodiang lui-même, leurs relations ont toujours été superficielles, et Diagne a été un soutien actif du régime Macky Sall, accusé de répression et de dérives autoritaires.

Cette tactique n’est pas nouvelle. Diagne a souvent recouru à l’affect et à la morale pour détourner l’attention des véritables enjeux. En 2021, il a été condamné pour diffamation après avoir accusé un magistrat de malversations, révélant une tendance à privilégier l’attaque personnelle à l’analyse factuelle. Ses chroniques, souvent virulentes contre les opposants comme Ousmane Sonko, ont été qualifiées de « pyromanie » par certains observateurs, tant elles contribuent à envenimer le débat public plutôt qu’à l’éclairer.

Son silence sur les dérives du régime Macky Sall est également frappant. Alors qu’il dénonce aujourd’hui la « rupture » promise par le régime Diomaye-Sonko, il a fermé les yeux sur les violations des droits humains, les arrestations arbitraires et la dette cachée accumulée sous Macky Sall. Pire, il a récemment critiqué le retrait des troupes françaises, une décision saluée par une majorité de Sénégalais comme un acte de souveraineté, montrant ainsi son alignement sur les positions de l’ancien pouvoir.

Un soutien inconditionnel au pouvoir en place : Diagne a multiplié les chroniques élogieuses envers Macky Sall, tout en attaquant systématiquement ses opposants. Son groupe médiatique, Avenir Communication, a été perçu comme un relais du palais, au point d’être qualifié de « mercenaire de la plume » par ses détracteurs.

En jouant la carte de la nostalgie et de la morale, Diagne évite de s’engager sur les questions de fond, comme la gestion du Port autonome de Dakar ou les promesses non tenues du régime précédent. Sa réponse à Bodiang, où il invoque Dieu et exprime sa « tristesse », est révélatrice d’une stratégie de diversion.

Diagne n’a jamais reconnu son rôle dans la polarisation du débat public. Pourtant, ses prises de position ont souvent alimenté les tensions, notamment en ciblant des figures comme Ousmane Sonko ou Khalifa Sall, sans jamais remettre en cause les abus du régime qu’il soutenait.

La partialité d’Avenir Communication et de Diagne illustre un problème plus large : la politisation des médias sénégalais, où les journalistes deviennent des acteurs partisans plutôt que des garants de l’information. Comme le note Reporters sans frontières, la polarisation et les ingérences politiques ont gravement nui à la crédibilité de la presse au Sénégal.

Dans d’autres pays africains, des journalistes ont également été accusés de servir les intérêts du pouvoir, au détriment de leur mission d’information. Au Cameroun, par exemple, plusieurs médias sont contrôlés par des proches du régime, limitant ainsi le pluralisme. Au Sénégal, la confusion entre journalisme et engagement politique a conduit à une défiance croissante des citoyens envers les médias traditionnels, au profit des réseaux sociaux.

Madiambal Diagne incarne les dérives d’une presse sénégalaise trop souvent inféodée au pouvoir. Son cas pose une question essentielle : comment reconstruire la confiance dans les médias, alors que des figures comme lui privilégient la complaisance à l’investigation, l’émotion à l’analyse, et la partialité à l’indépendance ? Le Sénégal, souvent cité en exemple pour sa démocratie, mérite mieux que des journalistes qui, sous couvert de morale, servent les intérêts des élites.

Pour que la presse joue pleinement son rôle de contre-pouvoir, il est urgent de revenir à des principes fondamentaux : rigueur, indépendance, et responsabilité. Les citoyens, las des règlements de comptes et des postures calculées, attendent des médias qu’ils éclairent le débat, plutôt qu’ils ne l’obscurcissent. Madiambal Diagne, en choisissant le camp du pouvoir, a trahi cette mission. Il faut que le journalisme sénégalais retrouve sa vocation première : servir l’intérêt général, et non les intérêts particuliers.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Amadou Ndiaye.
Mis en ligne : 04/09/2025

La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.


Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 commentaires

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 commentaires

Copyright © 2023 www.notrecontinent.com

To Top