Encore un plan sans garanties : La Poste au bord du gouffre - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Société | Par Eva | Publié le 07/09/2025 08:09:00

Encore un plan sans garanties : La Poste au bord du gouffre

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Le 1er septembre 2025, le Premier ministre Ousmane Sonko a présenté un nouveau « plan de sauvetage et de transformation » pour La Poste, entreprise publique sénégalaise en pleine déroute. Endettement abyssal, capitaux propres négatifs, infrastructures vétustes, gouvernance défaillante : les constats sont accablants, tout comme les promesses de redressement qui les accompagnent. Pourtant, la multiplication des programmes économiques ces derniers mois laisse planer un doute légitime sur la capacité du gouvernement à passer des mots aux actes. Entre les discours solennels et la réalité du terrain, le décalage est frappant. Ce plan, aussi ambitieux soit-il sur le papier, s’inscrit dans une logique d’annonces répétées, où les solutions promises peinent à se concrétiser. La Poste, aujourd’hui au bord du gouffre, en est l’illustration criante : un État qui multiplie les stratégies sans jamais les mener à leur terme.

La Poste n’est pas tombée en ruine du jour au lendemain. Son déclin est le fruit de décennies de mauvaise gestion, de clientélisme, et d’un désintérêt chronique des pouvoirs publics. Les filiales, comme Postefinances (capitaux propres négatifs de plus de 17 milliards de FCFA) ou EMS Sénégal (perte de marchés stratégiques), illustrent une dégradation lente mais continue, aggravée par une concurrence privée mal régulée et une modernisation jamais vraiment engagée. Pourtant, malgré ces signaux d’alerte répétés, les gouvernements successifs ont attendu que la situation devienne critique pour agir. Pourquoi cette précipitation soudaine ? Parce que La Poste est devenue un symbole trop encombrant de l’échec de l’État à gérer ses propres outils.

Le plan annoncé par Ousmane Sonko suit une recette bien connue : une phase de redressement (2025), puis une phase de transformation (2025-2029), avec en ligne de mire des objectifs ambitieux – inclusion financière, commerce électronique, messagerie nationale. Mais où sont les garanties que ces mesures seront mises en œuvre ? Les exemples ne manquent pas, au Sénégal comme ailleurs en Afrique, de plans gouvernementaux restés lettre morte. Le Plan Sénégal Émergent (PSE), lancé en 2014, a été révisé à plusieurs reprises, sans jamais atteindre ses objectifs initiaux. De même, au Cameroun, des milliards de francs CFA ont été injectés dans des entreprises publiques sans parvenir à les sauver. La Poste risque fort de devenir un nouveau cas d’école : un sauvetage annoncé à grand renfort de communication, mais sans feuille de route crédible ni responsabilité claire.

L’improvisation semble être la méthode privilégiée. Quatre programmes économiques en seize mois, des priorités changeantes, des annonces contradictoires : comment un pays peut-il se développer dans ces conditions ? Les Sénégalais ont le droit de douter. D’autant que le gouvernement mise sur des mesures déjà vues recapitalisation, maîtrise des effectifs, valorisation du patrimoine sans expliquer comment elles diffèrent des échecs passés. Pire, le plan repose en partie sur l’ARTP (Autorité de régulation) et l’administration publique, deux institutions dont l’efficacité est régulièrement remise en question.

Depuis 2024, le Sénégal a connu plusieurs « plans de redressement » économiques, chacun présenté comme la solution miracle. Pourtant, la dette publique ne cesse d’augmenter, les services publics se dégradent, et les inégalités persistent. La Poste n’est qu’un maillon de cette chaîne de promesses non tenues. Pourquoi ce nouveau plan serait-il différent ?

Le gouvernement excelle dans l’art de médiatiser ses intentions, mais peine à les concrétiser. La recapitalisation de La Poste, par exemple, dépendra de ressources nationales déjà sollicitées par d’autres urgences. Où sont les budgets détaillés, les calendriers précis, les indicateurs de suivi ? Sans transparence, ce plan ressemble furieusement à une opération de communication, destinée à rassurer l’opinion sans engager de vraies réformes structurelles.

Vouloir faire de La Poste un acteur moderne de l’inclusion financière et numérique est louable, mais irréaliste dans l’état actuel des choses. Comment une entreprise exsangue, mal gérée et en concurrence avec le privé, peut-elle soudainement incarner la modernité ? Les exemples africains montrent que les réformes des entreprises publiques échouent souvent faute de cohérence, de moyens, et de volonté politique.

La situation de La Poste rappelle celle d’autres entreprises publiques africaines, comme Eskom en Afrique du Sud ou certaines sociétés camerounaises, où les injections de fonds publics n’ont pas suffi à éviter la faillite. Partout, le même schéma se répète : des annonces tonitruantes, des plans de sauvetage coûteux, et au final, peu de résultats. La différence ? Au Sénégal, l’État semble croire que la répétition des mêmes recettes produira un jour un miracle.

Le sauvetage de La Poste est nécessaire, mais il ne suffira pas à redonner confiance aux Sénégalais. Ce qu’il faut, c’est une rupture avec la culture de l’improvisation et des annonces creuses. Un gouvernement qui change de cap tous les quatre mois, qui gouverne par communiqués plutôt que par actes, condamne le pays à l’immobilisme. La Poste mérite mieux qu’un plan de plus ; elle mérite une refonte profonde, une gouvernance transparente, et des responsables tenus pour compte de leurs engagements.

Jusqu’à preuve du contraire, ce nouveau « plan de sauvetage » ressemble à un aveu d’impuissance déguisé en espoir. Les Sénégalais, eux, attendent des actes. Quand les verront-ils ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Abdourahmane Gueye.
Mis en ligne : 07/09/2025

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