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La Cour d’appel de Paris a une nouvelle fois reporté l’examen de la demande d’extradition de Doro Gaye, accusé d’avoir détourné 1,2 milliard de francs CFA dans une affaire foncière trouble. Officiellement, la justice française attend des « compléments d’information » sur la garantie d’un procès équitable et l’état de santé de l’homme d’affaires, présenté comme fragile. Officieusement, cette décision ressemble à une comédie judiciaire de plus, où les escrocs, une fois pris, deviennent soudainement des invalides, tandis que les victimes attendent en vain justice.
Si les juges français font simplement leur travail en vérifiant les conditions d’extradition, force est de constater que ce délai supplémentaire ne fait que prolonger l’impunité d’un homme qui, libre sous caution, se moque des systèmes judiciaires des deux pays.
Doro Gaye est accusé par Zakiroulah Sow de l’avoir floué dans une transaction immobilière portant sur 1,2 milliard de francs CFA. Après une liberté provisoire au Sénégal, il a fui en France, violant ainsi les conditions de son contrôle judiciaire. Arrêté à Paris, il a été libéré contre une caution de 160 000 euros, une somme dérisoire au regard des montants détournés. La justice française, prudente, exige désormais des garanties sur un procès équitable et sur la santé de l’accusé. Pourtant, cette prudence a quelque chose de surréaliste : comment croire à la fragilité d’un homme qui, jusqu’à son arrestation, menait grand train et profitait de l’argent volé sans le moindre problème de santé ?
L’histoire se répète : dès qu’un escroc est arrêté, il devient malade. Doro Gaye n’échappe pas à la règle. Pourtant, aucun certificat médical ne l’a empêché de quitter le Sénégal en violation de son contrôle judiciaire, ni de jouir de sa liberté en Europe. Les avocats et les magistrats le savent bien : l’argument de la santé est souvent un prétexte pour retarder, voire éviter, une extradition. Dans des affaires similaires, comme celle de l’ancien ministre Ismaïla Madior Fall ou de Lat Diop, placés sous bracelet électronique pour des faits de corruption, personne n’a invoqué leur état de santé pour les soustraire à la justice. Pourquoi Doro Gaye bénéficierait-il d’un traitement de faveur ?
La justice française demande des assurances sur l’équité du procès que recevrait Doro Gaye au Sénégal. Une exigence légitime en théorie, mais qui sonne faux dans ce contexte. Le Sénégal, malgré ses imperfections, a déjà jugé et condamné des personnalités pour des faits de corruption ou de détournement. Si la justice sénégalaise était vraiment incapable de garantir un procès juste, pourquoi la France coopère-t-elle avec elle dans d’autres dossiers ? La réponse est simple : ces vérifications, bien que nécessaires, sont souvent brandies comme un paravent pour gagner du temps, surtout quand l’accusé a les moyens de payer des avocats influents et de mobiliser des réseaux.
Libéré contre 160 000 euros, Doro Gaye peut continuer à vivre confortablement en Europe, tandis que ses victimes, elles, n’ont toujours pas récupéré le moindre franc. Cette caution, ridiculement basse au regard des sommes en jeu, en dit long sur le deux poids, deux mesures de la justice. Combien de Sénégalais ordinaires pourraient payer une telle somme pour éviter la prison ? Très peu. Pourtant, les voleurs de milliards semblent toujours trouver des portes de sortie, tandis que les petits délinquants croupissent en détention préventive.
En France même, des affaires comme celle de l’inceste « heureux » ou des fraudes fiscales massives montrent que les puissants bénéficient souvent de mansuétude, tandis que les plus modestes subissent toute la rigueur de la loi. Au Sénégal, des personnalités comme Lat Diop ou Sophie Gladima, inculpées pour des faits de corruption, ont été placées sous bracelet électronique, preuve que les outils existent pour éviter les fuites. Pourquoi Doro Gaye, lui, a-t-il pu quitter le pays sans surveillance ?
Les juges français finissent généralement par extrader, après avoir épuisé toutes les procédures. Doro Gaye sera probablement renvoyé au Sénégal, mais après des mois, voire des années de reports. Pendant ce temps, l’argent détourné reste introuvable, et la confiance dans la justice s’effrite un peu plus. Ce délai supplémentaire ne profite qu’à l’accusé, qui peut organiser sa défense, faire pression sur les témoins, ou même négocier en coulisses.
L’affaire Doro Gaye est un nouveau symbole de l’impunité des élites. Les vérifications de la justice française, aussi nécessaires soient-elles, ne doivent pas servir de prétexte pour protéger ceux qui ont les moyens de les instrumentaliser. Si Doro Gaye est vraiment malade, qu’il soit soigné… en prison. Et si la justice sénégalaise doit garantir un procès équitable, qu’elle le fasse sans attendre, comme elle l’a fait pour d’autres. Sinon, le message envoyé aux fraudeurs sera clair : au Sénégal comme en France, quand on vole des milliards, on a toujours une chance de s’en sortir. Et cela, aucun citoyen ne devrait l’accepter.
Comment éviter que les procédures judiciaires ne deviennent un outil au service des plus riches, tandis que les victimes restent sans recours ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Mamadou Diop.
Mis en ligne : 08/09/2025
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