Diomaye, Sonko et la comédie politique : qui trompe qui ? - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 13/09/2025 03:09:30

Diomaye, Sonko et la comédie politique : qui trompe qui ?

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L’annonce du remaniement ministériel au Sénégal a suscité une vague de réactions, parmi lesquelles celle de Thierno Alassane Sall, ancien ministre et leader de la République des valeurs, se distingue par sa sévérité. Selon lui, ce processus, traîné en longueur depuis juillet pour aboutir début septembre, révèle une capitulation du président Bassirou Diomaye Faye face aux pressions des Pastefiens, une instrumentalisation des ministères de souveraineté, et un immobilisme économique préoccupant. Si ces constats sont factuels, ils invitent à une lecture plus acerbe : celle d’une comédie politique où chacun joue un rôle, masquant une absence criante de vision pour le pays. Derrière les déclarations solennelles et les nominations stratégiques, se cache une mise en scène dont les Sénégalais sont les spectateurs impuissants.

Depuis l’élection de Bassirou Diomaye Faye en mars 2024, le Sénégal vit au rythme d’une cohabitation inédite entre un président « légal » et un Premier ministre « légitime », Ousmane Sonko, dont l’influence sur le mouvement Pastef ne cesse de grandir. Ce remaniement, annoncé le 28 juillet mais finalisé deux mois plus tard, illustre les tensions persistantes au sommet de l’État. Les ministères clés, comme la Justice et l’Intérieur, sont désormais aux mains des proches de Sonko, tandis que des ministres controversés restent en poste, faute de consensus. Dans ce contexte, les promesses de rupture et de réformes économiques semblent s’éloigner, remplacées par des calculs politiques et des alliances de circonstance.

Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko multiplient les déclarations ambiguës, tantôt unis dans la communication, tantôt en désaccord public. Le premier, président de la République, incarne une légalité institutionnelle, tandis que le second, Premier ministre, s’appuie sur une légitimité militante. Leurs prises de parole, souvent décalées, trahissent une absence de ligne claire. Par exemple, Faye évoque la nécessité de « stabilité », tandis que Sonko, dans ses meetings, continue de fustiger l’ancien régime et promet des « changements radicaux ». Cette dualité crée une confusion permanente : qui gouverne vraiment ? Qui porte la responsabilité des décisions ? Les Sénégalais assistent, perplexes, à un spectacle où les rôles sont mal distribués, et où chaque acteur semble improviser son texte.

Le choix des ministres relève moins de la mérite que de l’équilibre des forces. Les Pastefiens, forts de leur base militante, ont obtenu les portefeuilles stratégiques, comme la Justice et l’Intérieur, des ministères souvent utilisés pour assoir un pouvoir ou régler des comptes. À l’inverse, certains ministres, jugés « notoirement incompétents » par Thierno Alassane Sall, sont maintenus par défaut, faute d’alternative consensuelle. Ces nominations ne répondent pas à une logique de gouvernance, mais à une stratégie de survie politique. Le gouvernement ressemble ainsi à un patchwork d’intérêts, où la cohérence cède la place à l’opportunisme. Les compétences passeraient-elles après les loyautés ?

Pendant que l’exécutif s’enlise dans ses querelles, les Sénégalais attendent. Les urgences économiques (chômage, inflation) et sociales (santé, éducation) sont reléguées au second plan. Les promesses de campagne – rupture, transparence, développement s’effritent face à la réalité d’un pouvoir divisé. Le remaniement, au lieu d’apaiser les tensions, les cristallise. Les institutions, minées par les rivalités, peinent à fonctionner. Le peuple, lui, reste spectateur, condamné à subir les conséquences d’un jeu politique qui le dépasse. Comme dans une pièce de théâtre mal écrite, les acteurs s’agitent, mais l’intrigue n’avance pas.

Cette situation rappelle d’autres contextes africains où des duos exécutifs ont conduit à l’immobilisme, voire au chaos. En Côte d’Ivoire, la cohabitation entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara dans les années 2000 a plongé le pays dans une crise institutionnelle. Au Zimbabwe, les tensions entre Robert Mugabe et son vice-président, Emmerson Mnangagwa, ont paralysé le gouvernement avant de dégénérer en coup d’État larvé. Au Sénégal, le risque n’est pas une guerre ouverte, mais une lente érosion de la confiance dans les institutions. Quand les dirigeants jouent la comédie, c’est la démocratie qui trinque.

Les réformes économiques, pourtant urgentes, sont reportées sine die. Les investisseurs, méfiants, observent ce ballet politique avec circonspection. Le FMI a d’ailleurs souligné, dans son dernier rapport, la nécessité d’une « stabilité politique » pour relancer la croissance. Or, comment croire en cette stabilité quand le gouvernement lui-même semble tiraillé entre deux centres de pouvoir ? Les marchés, comme les citoyens, ont besoin de clarté. À défaut, c’est le développement du pays qui est hypothéqué.

Quand la Justice et l’Intérieur deviennent des enjeux de pouvoir, le risque de dérive autoritaire grandit. Thierno Alassane Sall évoque une « accentuation de la répression et de la vengeance politiques ». Les arrestations arbitraires et les poursuites ciblées, déjà observées ces derniers mois, pourraient se multiplier. La démocratie sénégalaise, souvent citée en exemple, est aujourd’hui menacée par les appétits de pouvoir de ses propres dirigeants.

Le remaniement ministériel de septembre 2025 restera comme un symbole : celui d’un pouvoir qui préfère les calculs mesquins à l’intérêt général. Diomaye et Sonko, pris dans leur propre pièce, semblent avoir oublié que gouverner, c’est d’abord servir. Les Sénégalais, las de ce spectacle, attendent des actes. Il est temps de lever le rideau sur cette comédie politique et de retrouver le chemin d’une gouvernance responsable. Sinon, le pays risque de payer cher les errements de ses dirigeants. Car dans cette pièce, les vrais perdants ne sont pas sur scène, mais dans les gradins.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Mouhamed Ba.
Mis en ligne : 13/09/2025

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