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Le 1er août 2025, le Premier ministre Ousmane Sonko a annoncé un plan de redressement économique visant à mobiliser 220 milliards de FCFA d’ici 2028, incluant une nouvelle taxe sur le mobile money : 0,5 % sur les transferts et 1,5 % sur les paiements marchands. Présentée comme une solution pour renflouer les caisses de l’État, cette mesure risque en réalité de peser lourdement sur les Sénégalais les plus vulnérables. Alors que le mobile money est devenu un pilier de l’inclusion financière pour 90 % des adultes, souvent exclus du système bancaire classique, cette taxe menace de fragiliser un outil essentiel pour les petits commerçants, les étudiants et les femmes.
Une analyse des expériences similaires en Afrique montre que de telles taxes ont systématiquement nui aux populations les plus précaires, sans toujours atteindre les objectifs fiscaux escomptés. Le Sénégal ferait bien de s’en inspirer pour éviter une erreur coûteuse.
Au Sénégal, le mobile money est bien plus qu’un simple service de paiement : c’est un levier d’émancipation économique. En 2025, plus de 15 000 milliards de FCFA ont transité par ce canal, permettant à des millions de personnes d’épargner, de transférer de l’argent et de payer des biens et services à moindre coût. Pour les populations non bancarisées, qui représentent 74 % des adultes, c’est souvent la seule porte d’entrée vers les services financiers. Les petits commerçants, les travailleurs informels et les femmes en milieu rural en dépendent quotidiennement pour des transactions parfois infimes, mais vitales.
L’argument du gouvernement est simple : taxer le mobile money pour augmenter les recettes fiscales. Pourtant, l’expérience d’autres pays africains montre que cette approche est à double tranchant. En Ouganda, l’introduction d’une taxe a provoqué une chute de 20 % des transactions en six mois. Au Ghana et en Tanzanie, des mesures similaires ont suscité des grèves, des protestations et un retour massif vers l’argent liquide, moins traçable et plus risqué. Pire, ces taxes ont souvent été perçues comme une double peine pour les usagers, déjà confrontés à un coût de la vie élevé.
Au Cameroun, une taxe introduite en 2022 a généré un tollé, les consommateurs dénonçant une imposition déguisée sur des transactions déjà soumises à des frais. Résultat : une méfiance accrue envers les services numériques et un recul de l’inclusion financière, alors même que le mobile money était censé réduire la dépendance au cash. Le FMI a d’ailleurs alerté que taxer les transactions électroniques risque de freiner l’inclusion financière et de modifier les comportements des consommateurs, les poussant à revenir à des méthodes moins sûres et moins efficaces.
Les taxes sur le mobile money touchent disproportionnellement les ménages à faible revenu, pour qui chaque franc compte. Or, la mesure sénégalaise ne prévoit aucune exemption pour les micro-transactions, pourtant majoritaires.
Le mobile money a permis aux Sénégalais d’économiser 125 milliards de FCFA par an. Alourdir son coût pourrait réduire la consommation, freiner l’activité des petits commerces et, in fine, peser sur la croissance. Dans un contexte où le secteur est un moteur d’innovation, une telle taxe pourrait étouffer une dynamique porteuse.
À l’heure où le Sénégal se positionne comme un hub numérique en Afrique, taxer un secteur aussi stratégique envoie un mauvais message. Les opérateurs pourraient revoir leurs investissements, et les partenaires internationaux questionner la cohérence des politiques publiques.
Si les usagers se détournent du mobile money, les recettes fiscales espérées pourraient ne jamais être atteintes. Dans d’autres contextes, malgré la taxe, les recettes ont été inférieures aux prévisions, tandis que le coût social, avec contestations et perte de confiance, a été réel.
Taxer le mobile money, c’est taxer l’inclusion financière. Plutôt que de fragiliser un écosystème qui fonctionne, le gouvernement ferait mieux de chercher des sources de revenus moins pénalisantes pour les plus pauvres : lutte contre la fraude fiscale, élargissement de l’assiette fiscale aux secteurs informels les plus rentables, ou encore incitations à la formalisation des entreprises. L’enjeu n’est pas seulement économique, mais aussi social : le mobile money est un acquis majeur pour les Sénégalais les plus vulnérables. Le sacrifier sur l’autel de l’urgence budgétaire serait une erreur aux conséquences durables.
Il faut revenir sur cette mesure et d’engager une concertation large avec les acteurs du secteur et la société civile. L’objectif de redressement économique est légitime, mais il ne doit pas se faire au détriment de ceux qui ont le moins de marges de manœuvre. Le Sénégal mérite mieux qu’une taxe injuste et contre-productive.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Marie Sagna.
Mis en ligne : 17/09/2025
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