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La Banque mondiale vient d’annoncer, avec force tambours et trompettes, un nouveau financement de 35,58 milliards de FCFA pour le Sénégal, censé booster l’emploi et la compétitivité. Un programme phare, nous dit-on, aligné sur la Vision 2050, pour dynamiser le secteur privé et créer des emplois inclusifs. Mais derrière les chiffres rutilants et les déclarations lénifiantes, se cache une réalité bien moins reluisante : celle d’un pays qui s’enfonce dans la dépendance, la dette et l’illusion du développement par l’endettement.
Alors que Diomaye Faye et Ousmane Sonko avaient promis une rupture avec les institutions de Bretton Woods, voilà le Sénégal qui tend à nouveau la main. Où est passée la souveraineté économique tant clamée ? Où sont les alternatives promises ?
Le Sénégal est déjà étranglé par une dette publique qui a explosé, passant de 61 % du PIB en 2020 à plus de 80 % en 2023, selon les propres chiffres de la Banque mondiale et du Trésor français. Les « financements concessionnels » ne sont que des prêts déguisés, avec des taux préférentiels aujourd’hui, mais des remboursements douloureux demain. Pendant ce temps, les services publics essentiels (santé, éducation) suffoquent, faute de budgets suffisants, et les Sénégalais continuent de subir le chômage de masse et la précarité.
Ousmane Sonko, avant d’arriver au pouvoir, avait pourtant dénoncé avec virulence la mainmise du FMI et de la Banque mondiale sur l’économie sénégalaise, promettant de s’en affranchir. Il avait même accusé l’ancien régime d’avoir falsifié les chiffres de la dette pour cacher l’ampleur du désastre. Mais une fois aux affaires, le discours change : les missions du FMI et de la Banque mondiale sont désormais les bienvenues, et les prêts s’enchaînent. La rupture annoncée n’était donc qu’un leurre électoral ?
Ce nouveau financement de 35,58 milliards de FCFA s’inscrit dans le Programme d’accélération de la compétitivité et de l’emploi (PACE), un énième plan censé « professionnaliser les MPME », « élargir l’accès au financement » et « promouvoir les technologies climato-intelligentes ». Des mots creux, des promesses déjà entendues mille fois.
L’emploi, toujours l’emploi… mais où sont les résultats ? Depuis des décennies, les programmes de la Banque mondiale promettent des emplois. Pourtant, le chômage des jeunes reste endémique, et les MPME peinent à survivre, étouffées par la concurrence déloyale et le manque d’accès réel au crédit. Les « garanties de prêts » et les « fonds propres » annoncés profitent surtout aux entreprises déjà bien installées, pas aux petits entrepreneurs.
La compétitivité, un leurre pour justifier l’austérité. Renforcer la compétitivité, c’est souvent un euphémisme pour dire : réduire les salaires, flexibiliser le travail, et ouvrir grand les portes aux investisseurs étrangers. Résultat ? Les richesses produites quittent le pays, et les Sénégalais restent les dindons de la farce.
Les femmes entrepreneures, un alibi commode. Le programme met en avant les entreprises dirigées par des femmes. Mais dans les faits, ces dernières restent marginalisées, avec un accès limité aux financements et aux marchés. C’est du marketing social, pas une vraie politique d’égalité.
Et pendant ce temps, la dette gonfle. Depuis juin 2025, la Banque mondiale a déjà débloqué plus de 173 milliards de FCFA en « financements concessionnels ». Des milliards qui s’ajoutent à une dette déjà insoutenable, et qui hypothèquent l’avenir des générations futures.
Chaque nouveau prêt renforce la tutelle des institutions financières internationales. Le Sénégal perd un peu plus sa capacité à décider seul de sa politique économique. Où est la souveraineté promise par Diomaye et Sonko ?
Les programmes similaires dans d’autres pays africains ont rarement tenu leurs promesses. Les emplois créés sont souvent précaires, temporaires, ou concentrés dans des secteurs peu accessibles aux plus pauvres.
Plus la dette augmente, plus le budget de l’État est accaparé par son remboursement, au détriment des services publics. Les hôpitaux, les écoles, les infrastructures de base en paient le prix.
Sonko et Diomaye avaient parlé de renégocier les contrats pétroliers et gaziers pour que l’État touche enfin sa juste part. Ils avaient évoqué la lutte contre l’évasion fiscale, la récupération des avoirs détournés, et une fiscalité plus juste. Où en est-on ? Pourquoi continuer à mendier auprès de la Banque mondiale, plutôt que de mobiliser les ressources internes ?
Ce nouveau prêt de 35,58 milliards de FCFA n’est qu’un pansement sur une jambe de bois. C’est l’aveu d’un échec : celui de ne pas avoir su, ou voulu, trouver d’autres voies pour financer le développement. Diomaye et Sonko avaient soulevé l’espoir d’une rupture avec les recettes éculées de l’endettement et de la soumission aux institutions financières. Mais force est de constater que, une fois au pouvoir, les promesses s’effritent, et les vieilles habitudes reprennent le dessus.
Le Sénégal n’a pas besoin de nouveaux prêts. Il a besoin de transparence, de justice fiscale, et d’une vraie politique industrielle qui crée des emplois durables, ici et maintenant. Assez de l’illusion des milliards de la Banque mondiale. Le moment est venu d’agir, pas de s’endetter. Sinon, dans dix ans, on recommandera… et nos enfants paieront la note.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Moussa Sarr.
Mis en ligne : 17/09/2025
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