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L’annonce du lancement prochain des « diaspora bonds » par l’État du Sénégal a suscité une vague de critiques, notamment de la part de l’économiste et opposant Papa Malick Ndour. Pour lui, cette initiative ne fait que transférer le risque de change sur les épaules des Sénégalais de l’étranger, qu’il présente comme des victimes désignées d’avance.
Pourtant, cette vision systématiquement négative occulte les réels bénéfices que ces obligations pourraient apporter, tant pour le pays que pour sa diaspora. Plutôt que de voir dans ce mécanisme une menace, il est temps de reconnaître son potentiel comme levier de développement et d’investissement responsable.
Le Sénégal, comme beaucoup de pays africains, fait face à un défi majeur : financer son développement tout en limitant sa dépendance à la dette extérieure, dont le coût ne cesse d’augmenter. Avec une dette publique frôlant les 80 % du PIB et des taux d’intérêt internationaux élevés, les marges de manœuvre se rétrécissent.
Dans ce contexte, les diaspora bonds apparaissent comme une alternative pertinente, permettant de diversifier les sources de financement et de mobiliser l’épargne considérable de la diaspora sénégalaise, estimée à plusieurs milliards de dollars par an. Plutôt que de recourir systématiquement à des emprunts onéreux sur les marchés internationaux, pourquoi ne pas s’appuyer sur une ressource locale, patriotique et souvent sous-exploitée ?
Les transferts de fonds des Sénégalais de l’étranger représentent déjà plus de 10 % du PIB national, soit bien plus que l’aide publique au développement. Ces fonds, aujourd’hui largement utilisés pour la consommation ou l’épargne individuelle, pourraient être canalisés vers des projets structurants : infrastructures, écoles, hôpitaux, ou encore création d’emplois.
Des pays comme l’Éthiopie, le Nigeria ou l’Inde ont montré la voie, en utilisant avec succès ces instruments pour financer des projets d’envergure, comme la centrale hydroélectrique de Grand Renaissance en Éthiopie ou des infrastructures routières au Nigeria. Le Sénégal, qui a déjà expérimenté les diaspora bonds pour des projets comme la ville nouvelle de Diamniadio, sait que ces outils peuvent fonctionner.
Papa Malick Ndour se focalise sur le risque de change, mais passe sous silence les avantages tangibles de ces obligations. D’abord, elles offrent à la diaspora la possibilité d’investir dans des projets concrets qui améliorent les conditions de vie de leurs proches et de leurs communautés d’origine. Contrairement aux Eurobonds, les diaspora bonds s’appuient sur un lien émotionnel et une confiance mutuelle, souvent récompensés par des rendements attractifs et une transparence accrue sur l’utilisation des fonds. Ensuite, elles permettent à l’État de réduire sa dépendance aux créanciers internationaux, tout en bénéficiant de taux d’intérêt généralement plus bas que ceux du marché, les membres de la diaspora acceptant souvent une rémunération moindre par patriotisme.
Par ailleurs, ces obligations peuvent être conçues pour limiter les risques : libellées en monnaie locale ou en devises stables, assorties de garanties, ou encore adossées à des projets générateurs de revenus. Le Nigeria, par exemple, a réussi à lever 300 millions de dollars en une seule journée grâce à une émission bien structurée. Pourquoi le Sénégal ne pourrait-il pas s’inspirer de ces succès, plutôt que de rejeter en bloc une solution qui a fait ses preuves ailleurs ?
Les critiques oublient aussi que la diaspora n’est pas un groupe passif, mais un acteur économique avisé. Beaucoup de Sénégalais de l’étranger sont des entrepreneurs, des professionnels qualifiés, capables d’évaluer les opportunités et les risques. Les traiter comme des victimes potentielles, c’est sous-estimer leur capacité à prendre des décisions éclairées.
L’Inde et Israël, souvent cités en exemple, ont levé des dizaines de milliards de dollars grâce à leurs diaspora bonds, financant des infrastructures critiques et renforçant leur souveraineté économique. En Afrique, si les résultats sont plus mitigés, c’est souvent en raison d’un manque de confiance dans les institutions ou d’une communication insuffisante, des écueils que le Sénégal peut éviter en s’appuyant sur des mécanismes transparents et des projets clairement identifiés. Le Nigeria, malgré des défis initiaux, a réussi à surmonter ces obstacles en enregistrant ses obligations auprès des autorités financières et en offrant des garanties solides. Le Sénégal, avec une diaspora aussi dynamique et engagée, a toutes les cartes en main pour reproduire ce succès.
Plutôt que de brandir la menace du risque de change, ne vaudrait-il pas mieux travailler à le minimiser, par exemple en proposant des obligations libellées dans plusieurs devises, ou en associant la diaspora à la sélection des projets financés ? Cela renforcerait la confiance et l’adhésion, transformant ces bonds en un véritable partenariat gagnant-gagnant.
Il est facile de critiquer, surtout quand on adopte une posture d’opposition systématique. Mais refuser par principe une innovation financière qui a fait ses preuves ailleurs, c’est condamner le Sénégal à rester prisonnier de solutions coûteuses et peu souveraines. Les diaspora bonds ne sont pas une panacée, mais elles représentent une opportunité réelle de financer le développement sans alourdir la dette, tout en renforçant les liens entre le pays et sa diaspora.
Plutôt que de voir le mal partout, comme le fait Papa Malick Ndour, il est temps d’adopter une approche constructive : améliorer le dispositif, sécuriser les investissements, et surtout, faire confiance à la diaspora sénégalaise. Elle a déjà prouvé son engagement envers son pays. Donnons-lui les moyens de contribuer encore davantage, dans la transparence et la confiance mutuelle. Le Sénégal mérite mieux qu’un débat stérile. Il mérite des solutions audacieuses, responsables et inclusives. Les diaspora bonds en sont une. À nous de les saisir.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Fatoumata K.
Mis en ligne : 19/09/2025
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