Almadies 2 se dresse contre les autorités : Un quartier sous tension - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Société | Par Eva | Publié le 19/09/2025 08:09:30

Almadies 2 se dresse contre les autorités : Un quartier sous tension

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Le dimanche 14 septembre 2025, les habitants de la Cité Almadies 2 à Rufisque ont exprimé leur colère face à la presse : leur terrain de football, espace vital du quartier, est menacé par un projet immobilier porté par l’homme d’affaires Diop Sy. Ce terrain, unique lieu de respiration pour près de 15 000 familles, sert à la fois d’espace sportif, de lieu de prière et de cadre pour les activités culturelles. Les riverains dénoncent une spoliation, une urbanisation sauvage, et l’absence de concertation.

Cet épisode n’est pas isolé. Il illustre une logique d’urbanisation à tout prix, où le profit immobilier prime sur la cohésion sociale et l’équilibre écologique. Cette situation est le symptôme d’une politique urbaine déshumanisée, qui sacrifie les espaces collectifs au nom d’un développement exclusif et insoutenable.

Le Sénégal, comme beaucoup de pays africains, connaît une urbanisation accélérée. À Dakar et dans sa banlieue, la pression foncière est telle que les espaces publics, terrains de sport, places, zones vertes, disparaissent au profit du béton. Le département de Rufisque, autrefois dédié à l’horticulture, voit ses terres agricoles et ses espaces collectifs grignotés par des lotissements, au mépris des plans d’aménagement initiaux. La corniche de Dakar, les forêts classées de Thiès, ou encore les zones littorales protégées subissent le même sort : des constructions illégales ou controversées, malgré les mobilisations citoyennes.

Cette dynamique n’est pas neutre. Elle répond à une vision du développement où la rentabilité immédiate l’emporte sur le bien-être des populations. Les conséquences sont lourdes : perte de lieux de sociabilité, aggravation des îlots de chaleur, et exacerbation des tensions sociales. À Almadies 2, comme ailleurs, les habitants se retrouvent dos au mur, contraints de défendre leurs derniers bastions contre une machine urbaine qui les ignore.

Le terrain d’Almadies 2 était classé comme espace public dans les plans initiaux. Pourtant, des procédures opaques ont permis son attribution à un promoteur privé. Ce mécanisme repose souvent sur des « mutations domaniales » douteuses, où des terres passées du domaine public au domaine privé puis à des particuliers alimentent spéculations et conflits. À Rufisque, comme dans d’autres communes, les autorités ferment trop souvent les yeux, voire facilitent ces accaparements, malgré les lois censées protéger les espaces collectifs.

Remplacer un terrain de football par des logements, c’est bien plus que perdre un espace de jeu. C’est priver un quartier de son ciment social, de son lieu de rencontre et d’identité. C’est aussi aggraver les problèmes environnementaux : le béton absorbe la chaleur, réduit la perméabilité des sols, et accentue les risques d’inondations. Les alternatives existent, mais elles peinent à s’imposer face à la logique du « tout-béton », moins coûteuse à court terme mais désastreuse à long terme.

Le Sénégal a adopté des politiques urbaines ambitieuses, comme le Plan Sénégal Émergent ou la Vision 2050, qui promettent des villes « modernes » et « durables ». Pourtant, dans les faits, l’urbanisme reste marqué par l’anarchie, la spéculation, et le mépris des besoins des plus vulnérables. Les promesses d’espaces verts et de logements sociaux se heurtent à une réalité : moins de 20 % des communes disposent d’un plan d’urbanisme à jour, et les normes d’accessibilité ou d’inclusion sont rarement respectées. Résultat : des quartiers surpeuplés, des infrastructures saturées, et une qualité de vie en chute libre.

Un développement pour qui ? Les projets immobiliers visent une classe aisée ou moyenne, laissant de côté les populations locales, souvent expulsées ou marginalisées. À Almadies 2, les habitants ne demandent pas des logements de luxe, mais le maintien d’un espace qui leur appartient.

L’industrie du ciment, responsable d’une part importante de la pollution mondiale, aggrave la crise climatique. Au Sénégal, elle menace même des réserves naturelles.

Quand l’État et les promoteurs ignorent les revendications citoyennes, ils alimentent la défiance et le risque de violences. Les jeunes d’Almadies 2, prêts à « verser leur sang » pour défendre leur terrain, en sont l’illustration tragique.

À Göteborg, la mobilisation citoyenne a permis de bloquer un projet immobilier menaçant une forêt urbaine, montrant qu’urbanisation et préservation peuvent coexister. En France, des lois récentes tentent de limiter l’artificialisation des sols, avec des objectifs de réduction d’ici 2030. Ces exemples prouvent qu’une autre approche est possible, à condition que les pouvoirs publics jouent leur rôle de régulateur et non de complice.

La résistance d’Almadies 2 n’est pas un cas isolé, mais le symbole d’un modèle à bout de souffle. Il est temps de repenser l’urbanisme sénégalais :

Stopper les spoliations : gel des projets controversés, audit des attributions foncières, et sanction des abus.

Intégrer les citoyens : aucun aménagement ne devrait se faire sans concertation réelle avec les populations concernées.

Prioriser les espaces collectifs : terrains de sport, parcs, zones agricoles – ces lieux ne sont pas des variables d’ajustement, mais des piliers du vivre-ensemble.

Le président Bassirou Diomaye Faye et son gouvernement ont l’occasion de marquer une rupture. S’ils veulent éviter que le Sénégal ne devienne une jungle de béton, ils doivent agir maintenant. Sinon, les Almadies 2 se multiplieront, et avec eux, la colère et le désespoir. Notre position est claire : l’urbanisation ne peut plus se faire contre les gens. Elle doit se faire avec eux, et pour eux.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Fallou Fall.
Mis en ligne : 19/09/2025

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