Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »
Le gouvernement sénégalais, par la voix de son Premier ministre Ousmane Sonko, vient d’annoncer une série de nouvelles taxes sur les transferts d’argent, les jeux de hasard, le tabac et les paiements marchands. Présentées comme des mesures de redressement économique et social, ces dispositions risquent en réalité d’aggraver la précarité des plus modestes et d’étouffer une économie déjà fragile. À défaut de savoir comment créer de la richesse, on taxe. Mais dans un pays pauvre, cette stratégie a des conséquences bien différentes de celles observées dans les économies développées.
Le Sénégal, comme beaucoup de pays africains, fait face à des défis structurels majeurs : chômage des jeunes, informel omniprésent, dépendance aux transferts d’argent des diasporas, et faible diversification économique. Dans ce contexte, taxer davantage les transactions financières, les jeux de hasard ou le tabac revient à ponctionner des populations déjà exsangues. Les transferts d’argent, par exemple, représentent une bouffée d’oxygène pour des millions de ménages. Les taxer, même à hauteur de 0,5 %, c’est réduire le pouvoir d’achat des familles et freiner la consommation locale, moteur essentiel de la croissance dans les pays en développement. Les retraits au-delà de 20 000 FCFA seront désormais taxés, une mesure qui touchera directement les plus précaires, souvent obligés de retirer de petites sommes plusieurs fois par mois pour subvenir à leurs besoins quotidiens.
Le gouvernement justifie ces taxes par la nécessité de structurer l’économie et de lutter contre l’informel. Pourtant, les exemples internationaux montrent que ce type de fiscalité, lorsqu’elle est mal calibrée, peut avoir l’effet inverse. En France, l’augmentation récente des prélèvements sur les jeux d’argent et de hasard a conduit à une baisse mécanique du chiffre d’affaires des opérateurs, sans garantie de recettes supplémentaires pour l’État à moyen terme. La Française des Jeux a ainsi annoncé un impact de près de 90 millions d’euros sur son EBITDA en année pleine, et la mise en place de plans d’action pour compenser ces pertes. Au Sénégal, où le secteur informel domine, ces taxes risquent surtout de pousser les citoyens vers des circuits parallèles, moins traçables et donc moins imposables.
Quant à la taxation accrue du tabac et de l’alcool, si elle peut sembler vertueuse sur le plan sanitaire, elle ignore une réalité cruciale : dans un pays où ces produits sont encore sous-taxés par rapport aux standards internationaux, une hausse brutale des prix peut alimenter le marché noir et appauvrir davantage les foyers modestes, sans pour autant garantir une baisse de la consommation. Les études montrent que pour être efficace, une politique de taxation du tabac doit être progressive, accompagnée de mesures d’accompagnement social et sanitaire. Or, ici, il s’agit surtout de remplir les caisses de l’État, sans vision globale.
Le plus préoccupant, c’est l’absence de stratégie claire pour créer de la richesse. Taxer, c’est facile. Créer les conditions d’une croissance inclusive, d’un environnement favorable aux entreprises et à l’innovation, c’est bien plus complexe. Pourtant, c’est bien là que réside la solution. La Banque mondiale le rappelle : sans changement de cap, de nombreux pays pauvres resteront piégés dans la précarité, malgré les recettes fiscales supplémentaires. Les exemples de politiques fiscales inefficaces ne manquent pas en Afrique, où l’on voit trop souvent des États recourir à la facilité de la taxation plutôt qu’à la difficile mais nécessaire réforme structurelle.
En Côte d’Ivoire ou au Kenya, des augmentations ciblées des taxes sur le tabac ont été présentées comme des « solutions gagnantes » pour la santé publique et les finances de l’État. Mais ces mesures s’inscrivaient dans des plans globaux de lutte contre le tabagisme, avec des campagnes de sensibilisation et des alternatives économiques pour les populations touchées. Rien de tel au Sénégal, où l’on taxe d’abord, et où l’on réfléchira peut-être après. Résultat : une fiscalité punitive, sans contrepartie en termes de services publics ou d’investissements productifs.
Un pays a besoin de richesses avant de pouvoir les redistribuer. Taxer à outrance dans un contexte de pauvreté, c’est comme vouloir presser un citron déjà sec. Plutôt que de s’acharner sur les transferts d’argent, les petits parieurs ou les fumeurs, l’État ferait mieux de se concentrer sur la création d’emplois, l’amélioration du climat des affaires et la lutte contre la corruption. Sinon, ces nouvelles taxes ne feront qu’alourdir le fardeau des Sénégalais, sans résoudre les problèmes de fond. La médiocrité, c’est de croire que la fiscalité peut remplacer une vraie politique économique. Le Sénégal mérite mieux.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Frère sam.
Mis en ligne : 18/09/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.





