Le sort de Sonko rattrape Farba Ngom : Leçon cruelle de l’histoire - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Société | Par Eva | Publié le 25/09/2025 08:09:30

Le sort de Sonko rattrape Farba Ngom : Leçon cruelle de l’histoire

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L’actualité nous rappelle, une fois de plus, que la roue tourne. Farba Ngom, maire des Agnam et figure de l’Alliance pour la République (APR), a été évacué en urgence à l’hôpital Principal de Dakar après un violent malaise survenu au Pavillon spécial, où il est détenu dans le cadre d’une instruction financière. Son état de santé, jugé critique, a relancé le débat sur les conditions de détention des prisonniers politiques et sur l’usage sélectif de la justice au Sénégal.

Pourtant, il y a peu, quand Ousmane Sonko, alors opposant au régime de Macky Sall, se trouvait dans la même situation, les réactions des partisans du pouvoir étaient sans appel : manipulation, comédie, tentative de pression sur la justice. Aujourd’hui, les rôles sont inversés, et la leçon est cruelle.

Sous le mandat de Macky Sall, la détention d’opposants politiques comme Ousmane Sonko avait suscité une vague d’indignation internationale. Les mêmes qui minimisaient alors les alertes médicales, affirmant que Sonko « n’avait rien » et qu’il « mangeait très bien », se retrouvent aujourd’hui confrontés à une réalité qu’ils avaient eux-mêmes contribué à normaliser. Anita Diop, Major Fall et d’autres responsables de l’APR n’avaient pas hésité à railler la souffrance de Sonko, allant jusqu’à suggérer qu’il simulait pour obtenir sa libération. Pourtant, les rapports médicaux étaient formels : son état de santé était incompatible avec la détention. Aujourd’hui, ce sont les avocats de Farba Ngom qui brandissent les mêmes arguments, les mêmes expertises, les mêmes craintes de « mort subite nocturne ». La différence ? Hier, ces avertissements étaient moqués ; aujourd’hui, ils sont pris au sérieux.

L’affaire Farba Ngom révèle une justice sénégalaise à géométrie variable. Malgré des expertises médicales alarmantes, le juge d’instruction a refusé sa libération provisoire, arguant que le Pavillon spécial pouvait assurer sa prise en charge. Pourtant, ce même Pavillon spécial, censé être un établissement hospitalier, est décrit comme un milieu carcéral incompatible avec des pathologies graves, faute de plateau technique adéquat et de médecins spécialisés. Les conditions y sont si précaires que plusieurs expertises, dont celles de trois professeurs de médecine, ont conclu à l’incompatibilité de son état avec la détention. Comment expliquer qu’un homme dont la vie est en danger soit maintenu en détention, sinon par une volonté de punition politique ?

La réponse se trouve dans l’histoire récente. Sous Macky Sall, la détention d’opposants était justifiée par la « fermeté de l’État » et la lutte contre l’insurrection. Des dizaines de morts, des milliers de blessés, des prisonniers politiques : le bilan est lourd. Aujourd’hui, les mêmes méthodes sont appliquées à d’anciens alliés du pouvoir, et les mêmes justifications sont avancées. La justice, plutôt que de protéger les droits fondamentaux, semble servir de bras armé à ceux qui détiennent le pouvoir.

Le cas de Farba Ngom est emblématique d’une logique de vengeance. Hier, les partisans de Macky Sall se réjouissaient de voir Sonko souffrir en prison, le traitant de manipulateur. Aujourd’hui, ils s’indignent que Ngom subisse le même sort. Pourtant, c’est bien le système qu’ils ont soutenu qui produit ces situations. La détention préventive prolongée, les refus de libération pour raisons médicales, les conditions de détention indignes : tout cela a été validé, encouragé, célébré quand cela touchait l’opposition. Maintenant que la roue tourne, ils découvrent l’amertume de l’arbitraire.

La justice ne devrait jamais être un instrument de règlement de comptes. Pourtant, au Sénégal, elle l’est devenue. Les poursuites contre d’anciens ministres de Macky Sall, les audits financiers ciblés, les arrestations spectaculaires : tout cela sent la revanche, pas la recherche de la vérité. Le risque est grand de voir la justice perdre toute crédibilité, réduite à un simple outil au service du pouvoir en place.

Cette situation n’est pas nouvelle. Dans d’autres pays africains, comme en Côte d’Ivoire ou en RDC, les alternances politiques ont souvent donné lieu à des chasses aux sorcières, où les anciens dirigeants sont traqués par leurs successeurs. Au Sénégal, le risque est le même : que la justice devienne un champ de bataille politique, où chaque camp utilise les institutions pour écraser l’autre. Cela ne mène qu’à un cercle vicieux de violences et d’injustices, où les victimes d’hier deviennent les bourreaux de demain.

Le Sénégal mérite mieux qu’une justice sélective et vindicative. Le pays a besoin d’institutions fortes, indépendantes, capables de garantir les droits de tous, quels que soient leur bord politique ou leur statut. La santé de Farba Ngom, comme celle de Sonko avant lui, ne devrait pas être un sujet de débat politique, mais une question de dignité humaine.

Le mal retourne toujours à celui qui le fait. Ceux qui ont applaudi la souffrance de Sonko découvrent aujourd’hui que la justice, quand elle est instrumentalisée, finit par se retourner contre eux. Plutôt que de perpétuer ce cycle, il faut construire une justice équitable, où personne ne soit au-dessus ou en dessous des lois. Sinon, le Sénégal risque de s’enfoncer dans une spirale dont personne ne sortira gagnant.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Adrien Gomes.
Mis en ligne : 25/09/2025

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