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Un récent rapport de la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee) révèle une situation financière alarmante au Sénégal : en sept mois seulement, l’État a dépensé 2 986,6 milliards de francs CFA, soit une hausse de 4,6 % par rapport à 2024, principalement due à l’explosion des charges d’intérêt de la dette (+21 %) et à l’augmentation des transferts et subventions (+18 %). Le ministre des Finances, Cheikh Diba, a lui-même reconnu que le service de la dette a absorbé 83 % des recettes collectées à la mi-septembre 2025.
Ces chiffres, aussi glaçants qu’édifiants, soulèvent une question cruciale : comment en est-on arrivé là ? La réponse est simple, mais douloureuse : par une gestion budgétaire irresponsable, un endettement massif et non productif, et une absence de vision à long terme.
Le Sénégal, autrefois cité en exemple pour sa stabilité économique, est désormais le pays le plus endetté d’Afrique, avec une dette publique estimée à 119 % du PIB en 2024, selon la banque Barclays et le FMI. Cette situation n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat d’années de gabegie et de choix politiques discutables.
Depuis 2019, la dette publique du Sénégal a connu une croissance vertigineuse, passant de 74 % à près de 120 % du PIB en quelques années. Cette envolée s’explique en grande partie par des emprunts massifs, souvent contractés sans transparence ni évaluation rigoureuse de leur impact économique. Les audits récents de la Cour des comptes et du FMI ont révélé des « déclarations erronées » des déficits budgétaires et une dette cachée de plusieurs milliards de dollars, accumulée sous l’administration précédente. Pire, ces fonds n’ont pas servi à financer des investissements productifs, mais à combler des déficits récurrents, à maintenir une masse salariale pléthorique, et à alimenter des subventions coûteuses et mal ciblées.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au premier trimestre 2025, le coût du service de la dette a atteint 822,32 milliards de francs CFA, en hausse de près de 24 % par rapport à 2024. À ce rythme, le remboursement de la dette étouffe toute capacité d’investissement. Les institutions financières, qu’elles soient nationales ou internationales, ne financent pas des projets sans retour sur investissement. Or, force est de constater que les milliards dépensés ces dernières années n’ont pas généré la croissance promise. Au contraire, ils ont alourdi le fardeau des générations futures et réduit à néant les marges de manœuvre de l’État.
Les réformes annoncées, comme celle du code général des impôts, arrivent trop tard. Elles ne suffiront pas à inverser la tendance, car le mal est profond : la confiance des investisseurs est ébranlée, les marchés financiers sanctionnent le Sénégal, et les obligations sénégalaises libellées en dollars ont perdu plus de 9 % de leur valeur depuis le début de l’année. Dans un tel contexte, comment convaincre les bailleurs de fonds de la crédibilité des réformes engagées ?
Premièrement, l’absence de rigueur dans la gestion des finances publiques a conduit à une situation intenable. Les dépenses publiques ont crû de manière disproportionnée par rapport aux recettes, créant un déséquilibre structurel. Deuxièmement, la dette a été utilisée pour financer des dépenses courantes plutôt que des projets créateurs de richesse. Résultat : le Sénégal se retrouve avec une dette colossale, mais sans les infrastructures ou les secteurs productifs capables de la rembourser. Enfin, la révélation d’une dette cachée a aggravé la méfiance des partenaires internationaux, rendant tout nouveau financement plus coûteux et plus difficile à obtenir.
Le Sénégal n’est pas le seul pays africain à faire face à des défis budgétaires, mais il est désormais le plus endetté du continent, devant la Zambie et le Cap-Vert. Contrairement à d’autres nations qui ont su diversifier leur économie ou négocier des allègements de dette, le Sénégal a accumulé des emprunts sans stratégie claire de remboursement. Les exemples du Rwanda ou de la Côte d’Ivoire montrent qu’une gestion prudente de la dette, couplée à des réformes structurelles, peut permettre de concilier croissance et stabilité financière. Le Sénégal, lui, semble piégé dans un cercle vicieux : plus il s’endette, plus il doit emprunter pour rembourser, et moins il a les moyens de financer son développement.
La situation actuelle est le résultat d’années de mauvaise gestion, de manque de transparence et d’absence de vision à long terme. Pour sortir de cette impasse, il ne suffit pas d’annoncer des réformes ou de blâmer les gouvernements précédents. Il faut une rupture franche avec les pratiques du passé : audits indépendants, rationalisation des dépenses, suppression des subventions non ciblées, et surtout, une orientation des investissements vers des secteurs productifs. Sans cela, le Sénégal risque de rester prisonnier de sa dette, au détriment de son peuple et de son avenir.
La balle est désormais dans le camp des autorités. Sauront-elles prendre les mesures courageuses nécessaires pour redresser la barre, ou laisseront-elles le pays s’enfoncer dans la crise ? Une chose est sûre : sans un changement radical de cap, les générations futures paieront le prix fort pour les erreurs d’aujourd’hui.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Jule Thiam.
Mis en ligne : 23/09/2025
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