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L’actualité judiciaire sénégalaise vient de nous offrir un nouveau spectacle : la libération sous contrôle judiciaire de l’ancien ministre Mansour Faye, inculpé pour des faits graves de corruption, détournement de deniers publics et blanchiment de capitaux dans le cadre d’une commande de riz surévaluée à 2,749 milliards de francs CFA. Si la justice a jugé bon de le libérer pour des « contestations sérieuses », cette décision interroge plus qu’elle ne rassure. En effet, derrière les arguments juridiques et les manœuvres de défense se cache une réalité bien plus sombre : celle d’un système où l’impunité semble réservée à une élite politique et économique, tandis que le peuple paie le prix fort.
Mansour Faye, comme tant d’autres avant lui, risque fort de disparaître dans les méandres d’une justice sélective, laissant derrière lui des milliards détournés et une fortune familiale opulente dont l’origine mérite d’être questionnée.
Mansour Faye, ancien ministre du Développement communautaire et beau-frère de l’ex-président Macky Sall, a été écroué en mai 2025 pour son rôle dans la surfacturation présumée d’une commande de riz destinée aux populations vulnérables pendant la pandémie de Covid-19. Les faits sont accablants : selon la Cour des comptes, le prix de la tonne de riz aurait été gonflé pendant six ans, permettant à certains de s’enrichir grassement sur le dos des Sénégalais, alors que des familles entières luttaient pour survivre. Pendant que des enfants risquaient leur vie sur des embarcations de fortune pour fuir la misère, la fille de Mansour Faye exhibait fièrement une ferme estimée à plusieurs milliards, symbole criant d’un enrichissement aussi rapide qu’inexplicable.
L’affaire n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans une longue série de scandales financiers qui ont émaillé le mandat de Macky Sall, où des milliards de francs CFA ont été détournés, souvent avec la complicité tacite des plus hauts responsables. La libération de Mansour Faye, après seulement quatre mois de détention, soulève des questions légitimes sur l’égalité de tous devant la loi et sur la volonté réelle de lutter contre la corruption.
Les avocats de Mansour Faye ont su jouer sur les failles procédurales et les ambiguïtés juridiques pour obtenir sa libération. Ils ont notamment invoqué un arrêté de 2013, jugé obsolète, pour contester le calcul de la surfacturation. Pourtant, les faits restent têtus : en 2020, alors que le pays traversait une crise sanitaire sans précédent, le prix du riz a été fixé à 275 000 francs CFA la tonne, bien au-dessus des tarifs habituels. Pire, des témoignages et des documents accablants révèlent que des milliards ont été détournés, permettant à certains de construire des immeubles, d’importer des bœufs de race, ou encore de financer des fermes luxueuses pour leurs enfants.
La défense argue que l’appel d’offres a retenu l’offre la moins chère, mais comment expliquer que des économies prétendument réalisées pour l’État n’aient jamais profité aux populations ? Comment justifier qu’un ministre, dont le salaire ne peut expliquer une telle fortune, puisse voir sa fille posséder des biens immobiliers valant des centaines de millions, voire des milliards, sans que personne ne s’interroge sur l’origine de ces fonds ?
Premièrement, la libération de Mansour Faye envoie un message désastreux : au Sénégal, quand on a des protections politiques et une fortune bien placée, on peut échapper à la justice. Alors que des milliers de Sénégalais croupissent en prison pour des délits mineurs, les grands corrompus, eux, bénéficient de libertés provisoires et de non-lieux arrangés. La comparaison avec d’autres contextes africains est édifiante. En Égypte, des militants comme Alaa Abdel-Fattah ont passé des années en prison pour avoir dénoncé des violences policières, tandis qu’au Sénégal, les responsables de détournements massifs de fonds publics sont libérés après quelques mois, sous prétexte de « contestations sérieuses ».
Deuxièmement, la fortune de Mansour Faye et de sa famille pose question. Comment un homme issu d’un milieu modeste a-t-il pu accumuler un patrimoine immobilier et financier aussi colossal en quelques années de pouvoir ? Les révélations sur les prête-noms et les biens enregistrés sous des noms d’emprunt confirment ce que tout le monde sait : au Sénégal, le pouvoir se transforme trop souvent en machine à enrichissement personnel.
Enfin, cette affaire rappelle douloureusement que la lutte contre la corruption reste un leurre. Les promesses de reddition des comptes ne sont que des mots, tant que les véritables bénéficiaires du système continuent de circuler librement, protégés par leur réseau et leur argent.
Mansour Faye sera-t-il le prochain à disparaître dans les limbes de l’impunité ? Tout porte à le croire. Sa libération, comme celle d’autres avant lui, montre que la justice sénégalaise peine à sanctionner ceux qui pillent les ressources du pays. Pendant ce temps, le peuple attend toujours des réponses sur l’origine des milliards détournés et sur la fortune mystérieuse de sa fille.
Une chose est sûre : tant que les puissants pourront compter sur des avocats habiles et des complicités politiques, la corruption continuera de prospérer. Espérons seulement que, cette fois, la lumière sera faite sur l’ensemble de son patrimoine et que sa fille, symbole d’un enrichissement indécent, sera elle aussi entendue. Sinon, le Sénégal restera un pays où l’on vole impunément, tandis que les plus pauvres paient le prix de l’injustice.
La vraie question n’est pas de savoir si Mansour Faye retournera en prison, mais quand le Sénégal se dotera enfin d’une justice indépendante, capable de sanctionner sans distinction les auteurs de détournements, quels que soient leur nom ou leur réseau. En attendant, le peuple sénégalais a le droit de savoir : d’où vient vraiment l’argent des Faye ? Et pourquoi certains semblent-ils au-dessus des lois ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Aziz Camara.
Mis en ligne : 29/09/2025
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