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L’affaire impliquant Cheikh Bara Ndiaye, député du parti Pastef, et une Toyota Land Cruiser au cœur d’un litige commercial entre Bonkoungou Distribution et le Comptoir commercial du Sénégal Baili-SARL aurait pu rester un simple différend juridique. Mais les circonstances troublantes de ce dossier, un véhicule de 82 millions de FCFA transféré en urgence au nom du député, une vente annulée pour défaut de paiement, et des documents qui peinent à convaincre, en font bien plus qu’un fait divers. Elles soulèvent de sérieuses interrogations sur la crédibilité d’un parti qui a bâti son identité sur la rupture avec les pratiques opaques de la classe politique traditionnelle.
À l’heure où le Pastef se présente comme l’alternative éthique et révolutionnaire, cette affaire révèle un décalage entre discours et réalité. Comment un mouvement porteur d’espoir peut-il tolérer que ses représentants s’embourbent dans des histoires de voitures de luxe et de transactions ambiguës ? La question est cruciale pour savoir si le Pastef incarne réellement le changement qu’il promet ou s’il reproduit les mêmes travers qu’il dénonce.
Le Parti africain pour la démocratie et le socialisme (Pastef) s’est imposé sur la scène politique sénégalaise en misant sur la moralisation de la vie publique. Porté par une jeunesse en quête de justice et de transparence, il a capitalisé sur la lassitude des citoyens face à une élite perçue comme corrompue. Ses dirigeants, notamment Ousmane Sonko, ont fait de la lutte contre la corruption et de l’exemplarité un étendard. Dans un pays où détournements et passe-droits ont érodé la confiance dans les institutions, le Pastef a offert l’espoir d’une politique vertueuse, où les élus seraient redevables devant le peuple.
Pourtant, l’affaire Cheikh Bara Ndiaye rappelle que les promesses ne valent que par les actes. Comment un député « révolutionnaire » peut-il se retrouver au centre d’un imbroglio impliquant un véhicule de luxe, une facture contestée et une mutation de carte grise expéditive ? Le symbole est lourd : alors que des milliers de Sénégalais peinent à joindre les deux bouts, un élu du Pastef est accusé d’avoir bénéficié d’un traitement de faveur. Les documents produits pour justifier l’acquisition ne suffisent pas à lever les doutes, surtout lorsque la Division des investigations criminelles (DIC) est saisie.
Les faits sont préoccupants. Le véhicule, facturé 82 millions de FCFA, est immatriculé au nom du Comptoir commercial Baili-SARL avant d’être transféré le jour même au député. Bonkoungou Distribution annule ensuite la vente pour défaut de paiement et réclame la restitution du véhicule. Malgré cela, Cheikh Bara Ndiaye conserve son Land Cruiser, affirmant une acquisition « légale ». Mais où sont les preuves d’un paiement effectif ? Pourquoi une mutation aussi rapide alors que les citoyens ordinaires font face à une administration lente ? Comment un élu censé incarner la rigueur peut-il être mêlé à une transaction où les documents apparaissent contestables ?
Ce qui est en jeu dépasse la légalité. C’est la cohérence d’un parti qui fait de la probité son cheval de bataille. Le Pastef ne peut se contenter de slogans si ses représentants semblent bénéficier de passe-droits. Cette affaire s’inscrit dans une série de scandales qui ont ébranlé la confiance des Sénégalais dans leurs dirigeants. Chaque fois, les mêmes schémas se répètent : élites enrichies dans l’opacité, institutions qui tergiversent, justice lente à faire la lumière. Le Pastef se voulait différent, mais il est aujourd’hui confronté à une épreuve qui entache son image.
Un parti se revendiquant comme alternative ne peut tolérer la moindre ambiguïté sur la probité. Le Pastef a mobilisé des jeunes, des travailleurs précaires, des citoyens fatigués des combines. Ces électeurs n’accepteront pas que leurs représentants violent les règles. Dans un pays où le salaire minimum ne dépasse pas 60 000 FCFA, comment justifier qu’un député s’offre ou se voie offrir un véhicule de plus de 80 millions dans des conditions troubles ?
Le risque est clair : le discrédit. Si le Pastef tolère de telles affaires, il perd sa crédibilité, pilier de sa force. Les électeurs, surtout les jeunes, ne pardonneront pas. Ils ont placé leur espoir dans un mouvement censé briser l’impunité et la corruption. Ne pas traiter cette affaire avec la gravité requise trahirait cette confiance, difficile à reconquérir.
Être « révolutionnaire » implique aussi de montrer l’exemple à chaque décision. Or, rien dans cette histoire n’est irréprochable : la rapidité de la mutation, l’absence de clarté sur le paiement et le maintien du véhicule par le député jettent le doute sur son intégrité.
Cette situation n’est pas inédite. Au Nigeria, en Afrique du Sud ou en Tunisie, des partis nés de la contestation ont vu leur crédibilité s’effondrer quand leurs dirigeants ont été impliqués dans des malversations. Le Pastef doit éviter le même piège et agir avec transparence et fermeté. En France, La République en Marche a aussi été secouée par des scandales touchant ses élus, affaiblissant durablement la crédibilité du président Macron sur la moralisation de la vie publique. Le Pastef ne peut se permettre un tel gâchis. Il doit montrer qu’il peut sanctionner ses propres membres quand ils dérapent, sinon il se fondra dans le paysage politique ordinaire.
« Le Pastef peut-il encore incarner l’alternative quand ses élus s’embourbent dans des affaires de voitures de luxe et de documents douteux ? » La réponse dépendra de la gestion de cette crise. Minimiser l’affaire ou protéger le député sans transparence ferait perdre au parti une partie de son âme. Agir avec fermeté, enquête indépendante, suspension de Cheikh Bara Ndiaye et réaffirmation des principes, pourrait transformer cette épreuve en preuve de sa détermination à rompre avec les vieilles habitudes.
Les Sénégalais attendent des actes, pas des justifications. L’affaire Ndiaye est un test : le réussir prouvera que le Pastef est vraiment différent ; le rater le rendra semblable aux autres partis. L’heure n’est plus aux tergiversations : le Pastef doit choisir entre transparence et justice, ou rejoindre le rang des formations qui ont trahi leur promesse. Il n’y a pas de troisième voie.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Arona B.
Mis en ligne : 03/10/2025
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