Le prétexte sécuritaire de Trump : Conflit armé contre les cartels - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - International | Par Eva | Publié le 07/10/2025 07:10:15

Le prétexte sécuritaire de Trump : Conflit armé contre les cartels

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Donald Trump vient de déclarer les États-Unis en « conflit armé » contre les cartels de la drogue, justifiant ainsi les frappes militaires américaines au large du Venezuela, qui ont causé la mort d’au moins dix-sept personnes. Officiellement, il s’agit de protéger les citoyens américains de la menace des narcotrafiquants. Pourtant, cette déclaration soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Les juristes doutent de sa légalité, les parlementaires réclament des explications, et Caracas dénonce une « guerre non déclarée ».

Derrière le discours sécuritaire, se cache-t-il une stratégie géopolitique bien plus cynique : s’approprier les ressources pétrolières du Venezuela, l’un des pays aux réserves les plus importantes au monde ?

Depuis des décennies, les États-Unis interviennent militairement en Amérique latine sous prétexte de lutter contre le trafic de drogue. Pourtant, les principaux pays producteurs et transitaires de cocaïne vers les États-Unis sont la Colombie et l’Équateur, responsables de plus de 90 % des flux, selon l’ONU. Le Venezuela, lui, ne représente qu’à peine 5 % du trafic vers l’Amérique du Nord. Alors pourquoi cibler spécifiquement Caracas ?

La réponse tient en deux mots : le pétrole. Le Venezuela possède les premières réserves mondiales de brut, et Washington a historiquement cherché à contrôler cette ressource. Dès 2025, l’administration Trump a autorisé des frappes militaires dans les Caraïbes, officiellement pour « combattre le narcoterrorisme », mais aussi pour « assurer la domination totale des États-Unis sur leur hémisphère ». En mars 2025, un incident entre un navire vénézuélien et une plate-forme d’ExxonMobil en Guyane a révélé l’enjeu énergétique : le Guyana, allié des États-Unis, produit désormais 900 000 barils par jour, en grande partie pour les raffineries américaines. Le Venezuela, lui, est sous embargo et voit ses exportations pétrolières bloquées, asphyxiant son économie.

Nicolas Maduro, président vénézuélien, a dénoncé une « guerre non déclarée » visant à « voler le pétrole » et à imposer un « gouvernement fantoche ». Une accusation qui trouve écho dans l’histoire : les États-Unis ont souvent utilisé la lutte antidrogue comme prétexte pour déstabiliser des régimes indésirables, comme en Colombie ou au Panama.

La Constitution américaine est claire : seul le Congrès peut déclarer la guerre. Pourtant, Donald Trump a contourné cette règle en envoyant une simple « notice » au Congrès, sans vote ni débat. Une manœuvre qui s’inscrit dans une tendance inquiétante : depuis des années, les présidents américains étendent leurs pouvoirs militaires, au mépris de l’équilibre des institutions. En juin 2025, le Congrès a tenté de limiter ces dérives en adoptant une résolution exigeant une autorisation préalable pour toute opération offensive. Mais Trump, comme ses prédécesseurs, préfère agir seul, invoquant des « menaces imminentes » pour justifier des frappes unilatérales.

Les juristes sont unanimes : cette déclaration de « conflit armé » est juridiquement fragile. Aucun cartel précis n’est désigné, aucune preuve d’attaques coordonnées contre les États-Unis n’est apportée. Pire, les frappes ont tué des civils, sans enquête indépendante. Pour beaucoup, il s’agit d’une tentative de légitimer a posteriori des actions militaires déjà engagées, dans une zone stratégique pour le pétrole.

Les réserves vénézuéliennes sont un enjeu majeur. En 2025, Washington a même rouvert des licences pétrolières pour Chevron au Venezuela, avant de les suspendre sous pression des lobbies anti-Maduro. Une politique contradictoire, qui révèle l’obsession américaine pour le contrôle des ressources. Comme le souligne un analyste, « la lutte contre la drogue est devenue la justification affichée, mais l’objectif reste la domination énergétique ».

Si les États-Unis étaient sincères, ils cibleraient d’abord la Colombie et l’Équateur, d’où partent 87 % de la cocaïne vers l’Amérique du Nord. Or, Bogota et Quito bénéficient d’une tolérance coupable : la Colombie, premier producteur mondial, a même suspendu sa coopération antidrogue avec Washington, sans représailles. En Équateur, où transitent désormais 70 % des cargaisons vers les États-Unis et l’Europe, les trafiquants sont extradés, mais le pays ne subit pas de blocus naval.

En réponse aux frappes américaines, le Venezuela a mobilisé 25 000 soldats et lancé des exercices militaires. Une situation explosive, qui rappelle les pires heures de la guerre froide en Amérique latine. Les risques ? Une déstabilisation régionale, une crise humanitaire aggravée, et une nouvelle guerre par procuration.

À quelques mois d’une élection présidentielle, Trump mise sur l’image du « président fort », protecteur de la sécurité nationale. Une rhétorique qui séduit son électorat, mais qui cache une réalité plus sombre : l’échec des politiques antidrogue menées depuis des décennies. Les cartels, loin d’être affaiblis, se reconfigurent et utilisent des civils comme boucliers humains.

La déclaration de Donald Trump n’est pas une réponse au trafic de drogue, mais une manœuvre géopolitique pour affaiblir Maduro et s’emparer des ressources vénézuéliennes. En instrumentalisant la lutte antidrogue, en contournant le Congrès, et en ciblant sélectivement le Venezuela, les États-Unis risquent d’enflammer toute la région. Pire, ils discréditent leur propre démocratie, en sacrifiant les principes constitutionnels sur l’autel de l’impérialisme énergétique.

La question n’est plus de savoir si les cartels sont une menace, mais pourquoi Washington choisit de les combattre au Venezuela plutôt qu’en Colombie ou en Équateur. La réponse est simple : parce que le vrai but n’est pas la drogue, mais le pétrole. Une fois de plus, les vies humaines servent de monnaie d’échange dans une partie d’échecs géopolitique.

Et si, derrière le masque de la « guerre contre la drogue », se cachait simplement la vieille doctrine Monroe, remastérisée pour le XXIe siècle ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Abou Keita.
Mis en ligne : 07/10/2025

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