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Un audit interne commandé par la direction d’Air Sénégal a récemment révélé des fraudes à la vente de billets d’avion, impliquant 18 employés et un préjudice estimé à plus de 50 millions de francs CFA. Cinq agents, dont trois licenciés pour « faute grave », ont été sanctionnés pour leur refus de rembourser les sommes détournées. Pourtant, aucune plainte n’a été déposée, aucune enquête judiciaire ouverte. À la place, la direction semble privilégier des arrangements internes, comme si l’argent public volé pouvait se régler entre quatre murs.
Cette gestion opaque de l’affaire pose une question grave : la direction d’Air Sénégal, et son directeur général en tête, bafouent-ils délibérément la confiance des Sénégalais en étouffant un scandale qui mérite la lumière de la justice ?
Air Sénégal est une entreprise publique, financée par les deniers de l’État et, in fine, par les contribuables. Chaque franc détourné est donc un franc soustrait aux services publics, aux infrastructures, ou aux investissements dont le pays a besoin. Dans un contexte où la transparence et la redevabilité sont souvent mises à mal, cette affaire prend une dimension symbolique. Les Sénégalais, déjà méfiants envers la gestion des entreprises étatiques, ont le droit d’exiger que les responsables de tels agissements répondent de leurs actes devant la justice, et non dans le secret des bureaux de la direction. Pourtant, force est de constater que les mécanismes de contrôle et de sanction semblent défaillants, voire complaisants.
Les fraudes en question ne sont pas des erreurs administratives, mais des actes délibérés de détournement. Pourtant, au lieu de saisir la justice, la direction a choisi de négocier des remboursements avec les employés impliqués. Une décision qui, au mieux, relève de l’incompétence, et au pire, de la complicité. Comment expliquer autrement qu’une entreprise publique, dont la mission est de servir l’intérêt général, traite un vol de 50 millions de francs CFA comme une affaire interne ?
L’attitude de la direction d’Air Sénégal dans cette affaire est problématique à plus d’un titre. D’abord, en refusant de porter plainte, elle envoie un message dangereux : la fraude, si elle est « gérée » en interne, peut rester impunie. Les cinq employés sanctionnés, dont trois licenciés et deux suspendus, ne sont que la partie visible de l’iceberg. Que dire des 13 autres impliqués, dont on ignore tout ? Pourquoi leurs noms ne sont-ils pas rendus publics ? Pourquoi aucune procédure judiciaire n’est-elle engagée contre eux ?
Ensuite, les arguments avancés par les syndicalistes, selon lesquels des défaillances du logiciel de vente auraient facilité ces fraudes, ne doivent pas servir de paravent. Même si le système informatique présentait des lacunes, cela n’explique pas les détournements. Les responsables de ces fraudes ont profité de failles, certes, mais ils ont aussi agi en toute connaissance de cause. La direction, quant à elle, a failli à son devoir de vigilance. Elle a laissé perdurer des dysfonctionnements connus, sans jamais les corriger, et se retrouve aujourd’hui dans l’incapacité d’assumer ses responsabilités devant la justice.
Enfin, la discrétion qui entoure cette affaire est révélatrice d’une culture de l’opacité. Les Sénégalais ignorent tout des montants exacts détournés par chaque employé, des mécanismes utilisés, et des éventuelles complicités au sein de la hiérarchie. Cette absence de transparence alimente les soupçons : la direction a-t-elle quelque chose à cacher ? Pourquoi tant de précautions pour éviter un scandale public ?
La direction d’Air Sénégal a choisi de régler cette affaire en interne, comme s’il s’agissait d’un simple différend commercial. Pourtant, 50 millions de francs CFA, c’est l’équivalent du budget annuel de plusieurs petites communes sénégalaises. Cet argent aurait pu financer des projets sociaux, des infrastructures, ou des emplois. En le laissant disparaître sans réaction judiciaire, la direction se rend complice d’un vol commis contre le peuple. Les remboursements négociés, s’ils ont lieu, ne suffiront pas à restaurer la confiance. Ils donnent même l’impression d’une justice à deux vitesses : une pour les citoyens ordinaires, une autre pour les employés d’une entreprise publique.
En maintenant certains fraudeurs en poste ou en les sanctionnant discrètement, la direction d’Air Sénégal organise l’impunité. Où est l’exemplarité ? Où est la dissuasion pour ceux qui seraient tentés de reproduire de tels agissements ? Les licenciements et suspensions prononcés ne sont que des mesures cosmétiques, destinées à calmer les critiques sans remettre en cause un système où la fraude semble tolérée. Pire, cette gestion discrète du scandale laisse planer le doute sur d’éventuelles protections accordées à certains employés, peut-être en raison de leur position ou de leurs relations au sein de l’entreprise.
Le rôle d’un directeur général, surtout dans une entreprise publique, est de défendre les intérêts de l’État et des citoyens. Or, en refusant de porter plainte, Tidiane Ndiaye, le DG d’Air Sénégal, faillit à cette mission. Son silence est assourdissant. S’il n’a pas le courage d’agir en justice, c’est qu’il n’est pas à la hauteur de ses responsabilités. Dans ce cas, sa démission s’impose. Sinon, c’est au pouvoir politique de le révoquer, pour envoyer un signal clair : au Sénégal, la fraude et le détournement de fonds publics ne seront plus tolérés.
Cette affaire rappelle d’autres scandales similaires, comme ceux qui ont ébranlé la Sonatel ou la Senelec par le passé. À chaque fois, les mêmes schémas se répètent : des fraudes sont découvertes, des sanctions internes sont prises, mais rarement la justice n’est saisie. Résultat, l’impunité persiste, et les fraudeurs savent qu’ils peuvent agir sans craindre de véritables conséquences.
Il faut que cela change. Les autorités sénégalaises, à commencer par le ministère des Transports et le gouvernement, doivent exiger des comptes. Une enquête judiciaire indépendante doit être ouverte sans délai. Les noms des 18 employés impliqués doivent être rendus publics, et des poursuites doivent être engagées contre tous ceux qui ont détourné des fonds. Le directeur général, s’il ne prend pas lui-même cette initiative, doit être relevé de ses fonctions. Les Sénégalais ne peuvent plus accepter que des millions disparaissent dans l’opacité, sans que personne ne réponde de ses actes.
La confiance dans les institutions publiques se construit par la transparence et l’exemplarité. Air Sénégal a aujourd’hui l’occasion de montrer qu’elle prend ces valeurs au sérieux. Si elle ne le fait pas, ce ne sont pas seulement 50 millions de francs CFA qui seront perdus, mais aussi la crédibilité de toute une entreprise, et avec elle, celle de l’État.
L’affaire des fraudes à Air Sénégal est bien plus qu’un simple incident de gestion. Elle révèle un système où l’impunité et l’opacité règnent en maîtres. La direction, en refusant de saisir la justice, se discrédite et trahit la confiance des Sénégalais.
On doit agir : soit le directeur général porte plainte et assume ses responsabilités, soit il démissionne. Les Sénégalais méritent mieux que des arrangements opaques et des demi-mesures. Ils méritent une justice égale pour tous, et des dirigeants à la hauteur de leurs fonctions. À défaut, c’est la crédibilité même de l’État qui sera en jeu.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Salimata D.
Mis en ligne : 11/10/2025
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