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Le tribunal de Pikine-Guédiawaye a enfin rendu son verdict dans l’affaire Omart City, cette vaste escroquerie immobilière qui a spolié des centaines de familles sénégalaises, séduites par la promesse mensongère de logements sociaux à bas prix. Abdoulaye Mamadou Guissé, cerveau de l’arnaque, écope de deux ans de prison ferme une peine bien légère au regard des vies ruinées, des économies englouties et des rêves anéantis. Le parquet avait requis trois ans, mais la justice a choisi la clémence. Son complice, Pape Boubacar Camara, n’aura qu’un an de prison, dont six mois ferme, tandis que Khady Faye, accusée d’usurpation d’identité pour crédibiliser l’escroquerie, est purement et simplement relaxée.
Près de 200 nouvelles victimes se sont portées parties civiles, s’ajoutant à une liste déjà longue de plaignants. On se réjouit qu’il y ait eu condamnation, mais franchement, pour ce que cela a coûté à des centaines de familles, la peine paraît dérisoire, presque insultante. Comment accepter que des escrocs en col blanc, auteurs d’une tromperie organisée et massive, s’en tirent à si bon compte ?
Au Sénégal, comme dans toute l’Afrique de l’Ouest, les escroqueries immobilières prospèrent, exploitant la misère et le désespoir de populations en quête d’un toit. Selon le droit sénégalais, l’escroquerie est passible de peines allant jusqu’à 10 ans de prison et des amendes pouvant atteindre 2 millions de francs CFA, surtout lorsqu’elle est commise par des dirigeants de société ayant abusé de la confiance publique. Pourtant, dans les faits, les peines prononcées sont souvent bien en deçà des maxima légaux, et les réparations pour les victimes, symboliques. En France, dans des affaires similaires comme celle d’Apollonia, près d’un milliard d’euros ont été détournés et 762 victimes ont obtenu gain de cause après des années de combat judiciaire. En Côte d’Ivoire, des escrocs ont été arrêtés pour des arnaques ciblant des centaines de personnes, mais les peines restent rarement à la hauteur des préjudices.
Au Sénégal, le secteur immobilier souffre d’un manque criant de régulation. Malgré l’existence d’un code de la construction et de critères d’agrément pour les promoteurs, les contrôles sont laxistes, les sanctions rares, et les victimes souvent laissées pour compte. L’État, censé protéger les acquéreurs, peine à encadrer un marché où la spéculation et la malhonnêteté règnent en maîtres.
Le verdict de l’affaire Omart City est révélateur d’un système judiciaire qui semble plus soucieux de clore les dossiers que de rendre une justice équitable. Deux ans de prison pour avoir ruiné des centaines de familles, c’est une insulte à la souffrance des victimes. Le remboursement des sommes versées, limité à 5 500 ou 6 000 francs CFA par personne, est une moquerie. Comment reconstruire sa vie avec une telle indemnisation ? Comment croire en la justice quand les principaux responsables bénéficient de peines légères, et que les complices s’en sortent sans condamnation ?
La relaxe de Khady Faye, accusée d’avoir usurpé l’identité d’une proche du président Bassirou Diomaye Faye pour crédibiliser l’arnaque, pose question. Comment une telle imposture, au cœur du dispositif frauduleux, peut-elle rester impunie ? La réponse est simple : au Sénégal, comme ailleurs, certains sont plus égaux que d’autres. Les escrocs en col blanc, ceux qui savent jouer des réseaux et des apparences, bénéficient souvent d’une indulgence que l’on n’accorderait jamais à un simple voleur.
Les victimes, elles, paient le prix fort. Des économies de toute une vie envolées, des projets de vie réduits à néant, des familles plongées dans la précarité. Et pour couronner le tout, une justice qui leur offre des miettes en guise de réparation.
Des centaines de familles ont été spoliées, certaines ayant tout perdu. Le montant des remboursements ordonné par le tribunal est dérisoire et ne couvre même pas les frais engagés par les victimes.
La relaxe de Khady Faye envoie un message dangereux : usurper une identité, mentir, tromper, peu importe, tant qu’on a les bonnes connexions.
Des peines aussi légères n’ont aucun effet dissuasif. Elles encouragent même la récidive, en montrant que le crime paie.
Où étaient les contrôles ? Pourquoi des promoteurs sans scrupules ont-ils pu opérer aussi longtemps sans être inquiétés ? L’État sénégalais doit assumer sa part de responsabilité dans ce scandale.
En France, dans l’affaire Apollonia, les escrocs risquent jusqu’à 10 ans de prison et des amendes colossales. En Belgique, une escroquerie immobilière similaire a valu à ses auteurs des peines de sept ans de prison et des amendes de 750 000 euros. Au Sénégal, on se contente de deux ans ferme et de remboursements symboliques. La différence de traitement est flagrante et interroge sur la volonté réelle de lutter contre ces pratiques.
On ne peut se contenter de condamnations alibis. La justice sénégalaise doit montrer qu’elle est capable de protéger les plus faibles et de sanctionner sévèrement ceux qui exploitent leur détresse. Deux ans de prison pour des vies brisées, c’est une honte. Les victimes d’Omart City méritent mieux que des miettes. Elles méritent réparation, respect, et la certitude que leurs bourreaux ne recommenceront pas.
Il faut que le Sénégal se dote d’une justice exemplaire, capable de dissuader les fraudeurs et de restaurer la confiance des citoyens. Sinon, qui croira encore en l’État de droit ? Qui osera encore rêver d’un logement décent, sans craindre de se faire escroquer ?
La balle est dans le camp des autorités. À elles de prouver que la justice n’est pas un privilège réservé à quelques-uns, mais un droit pour tous.
Article opinion écrit par le créatrice de contenu : Aly Ndour.
Mis en ligne : 18/10/2025
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