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L’article d’Adama Ndiaye, « Immigration : Tahirou Sarr trouve des alliés inattendus », met en lumière une tendance inquiétante : la banalisation d’un discours nationaliste et xénophobe au Sénégal, porté par des figures politiques et des avocats influents. Si le débat sur l’immigration est légitime, la manière dont il est mené par Tahirou Sarr et ses soutiens relève davantage du populisme que de la recherche de solutions. En ciblant une communauté entière plutôt que les vrais problèmes corruption, laxisme des autorités et absence de politique migratoire claire, ces acteurs attisent les tensions sociales au lieu de proposer des réformes structurelles.
Le Sénégal, comme beaucoup de pays africains, fait face à des défis migratoires réels. Cependant, les chiffres officiels contredisent les affirmations alarmistes de Tahirou Sarr : selon le dernier recensement, les étrangers ne représentent que 1,1 % de la population sénégalaise, loin des 50 % évoqués par certains discours politiques. Plutôt que de s’appuyer sur des données, Sarr et ses alliés préfèrent brandir des slogans chocs, comme celui d’une « forme d’envahissement » ou d’une « porosité des frontières », sans jamais proposer de solutions concrètes pour renforcer les contrôles ou lutter contre la criminalité transfrontalière.
L’argumentaire de Me Demba Ciré Bathily et Me Massokhna Kane, qui lient immigration et criminalité, repose sur des généralisations abusives. Les études empiriques montrent que le lien entre immigration et insécurité est bien plus complexe qu’il n’y paraît. En France, par exemple, des statistiques récentes confirment une surreprésentation des étrangers dans certains types de délinquance, mais cela s’explique souvent par des facteurs socio-économiques et non par une prétendue « nature criminelle » des migrants. Au Sénégal, les données disponibles ne permettent pas d’établir un tel lien. En revanche, ce qui est avéré, c’est l’absence de politique migratoire cohérente : les accords signés avec la Mauritanie, critiqués par Sarr lui-même, sont des réponses émotionnelles et non des solutions de fond.
La loi doit s’appliquer à tous, sans distinction. Si des étrangers commettent des infractions, ils doivent être sanctionnés et, le cas échéant, expulsés. Mais cibler une communauté entière, comme le font Sarr et ses soutiens, revient à pratiquer une politique de bouc émissaire. Le vrai problème n’est pas la présence d’étrangers, mais l’incapacité de l’État à faire respecter les règles existantes. La loi 71-10 de 1971, qui régit le séjour des étrangers, n’est tout simplement pas appliquée. Plutôt que de stigmatiser, il faudrait renforcer les contrôles aux frontières, moderniser les systèmes d’identification et lutter contre la corruption qui permet à des réseaux criminels de prospérer.
En Afrique du Sud, des politiques migratoires strictes ont conduit à une augmentation de la xénophobie et à des violences contre les migrants, sans résoudre les problèmes de sécurité ou de chômage. En Europe, des pays comme la France ont montré que les discours anti-immigration, s’ils séduisent une partie de l’opinion, ne font qu’aggraver les divisions sociales. Le Sénégal, qui se targue d’être un pays de tolérance et de stabilité, ne peut se permettre de tomber dans ce piège.
Le débat sur l’immigration ne doit pas être confisqué par des discours haineux. Il est urgent que les autorités sénégalaises proposent une politique migratoire transparente, fondée sur des données fiables et respectueuse des droits humains. La solution ne réside pas dans l’expulsion massive des étrangers, mais dans l’application rigoureuse de la loi et la lutte contre la corruption. Tahirou Sarr et ses alliés feraient mieux de s’attaquer à ces vrais problèmes, plutôt que de semer la division.
Le Sénégal a toujours été un pays d’accueil et de coexistence pacifique. Il serait dommage que des discours populistes mettent en péril cette réputation. La question n’est pas de savoir si le pays doit contrôler son immigration, mais comment le faire de manière juste et efficace, sans tomber dans la xénophobie.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Falilou Sakho.
Mis en ligne : 30/10/2025
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