L’abandon paternel : Ces cicatrices que nos mères portent en silence - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Confidence | Par Eva | Publié le 05/11/2025 10:11:30

L’abandon paternel : Ces cicatrices que nos mères portent en silence

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Je m’appelle Aminata, j’ai 28 ans. Mon histoire n’est pas unique, et c’est bien là le problème. Ce que j’ai vécu, des milliers d’enfants sénégalais le vivent encore aujourd’hui : l’abandon d’un père, la solitude d’une mère, et une société qui détourne le regard.

Mon père est parti un matin de fête, le jour de mes cinq ans. Pas un mot, pas une explication. Il a simplement disparu, laissant derrière lui une maison vide et une mère brisée. Ce jour-là, le soleil brillait dehors, mais chez nous, tout s’est éteint. Ma mère, Fatou, a pleuré en silence, puis elle s’est levée pour continuer à vivre pour moi, pour nous. C’est ainsi que commence le destin de beaucoup de femmes dans ce pays : abandonnées mais debout, meurtries mais combatives.

Pendant des années, j’ai vu ma mère se battre pour tout. Travailler au marché le matin, coudre tard dans la nuit, tout en cachant sa douleur derrière un sourire. Elle n’avait pas le luxe de s’effondrer. Dans une société où l’on glorifie les pères absents et où l’on juge les mères seules, elle devait prouver qu’elle pouvait “tenir bon”. Et c’est là que réside l’injustice : l’abandon masculin est banalisé, la résilience féminine est exigée.

À l’école, je voyais mes camarades courir vers leurs pères. Moi, je faisais semblant de ne pas regarder. La honte, la colère, la tristesse tout cela se mélangeait. À sept ans, j’ai demandé à ma mère :

“Pourquoi papa est parti ?”
Elle m’a simplement répondu : “Parce que certains hommes fuient leurs responsabilités, ma fille. Mais nous, on avance.”

Cette phrase m’a suivie toute ma vie. Car au-delà de mon histoire personnelle, c’est un drame collectif. Dans nos quartiers, dans nos campagnes, combien d’enfants grandissent sans père ? Combien de mères sont condamnées à élever seules leurs enfants pendant que l’auteur de leurs souffrances refait sa vie sans remords ?

Et surtout, pourquoi le silence social qui entoure ces abandons est-il si assourdissant ?

Nous aimons nous dire que la famille est sacrée au Sénégal. Mais quand un père abandonne les siens, où est la sanction morale ? Où est le regard réprobateur de la communauté ? Trop souvent, on accuse la femme d’avoir “mal choisi”, comme si elle était responsable de sa propre humiliation. Pendant ce temps, les enfants paient le prix : manque d’affection, insécurité émotionnelle, perte de repères.

Aujourd’hui, à 28 ans, je mesure le vide que cet abandon a creusé. Il ne s’agit pas seulement de l’absence d’un homme, mais d’un modèle, d’un repère, d’un équilibre volé. Et pourtant, si je tiens debout, c’est grâce à ma mère. Fatou m’a appris la dignité dans la douleur, la force dans la pauvreté, et surtout, l’amour inconditionnel celui qui ne fuit pas.

Alors oui, je pardonne difficilement à mon père. Mais je refuse que son départ définisse ma vie. Ce que je réclame, c’est une prise de conscience collective : un enfant abandonné, c’est un avenir brisé ; une mère épuisée, c’est une société qui s’affaiblit.

Il faut arrêter d’excuser les absences masculines. Il faut dire haut et fort : l’amour, le vrai, ne s’en va pas au premier obstacle. Il reste. Il assume. Il construit.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 05/11/2025

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