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Lors de l’installation du Secrétariat exécutif national de l’Alliance pour la République (APR) le 6 novembre 2025, Macky Sall, depuis son exil au Maroc, a violemment critiqué le pouvoir actuel, l’accusant d’« addiction à la violence destructrice » et de « déni des valeurs de l’État de droit ». Un discours tonitruant, qui sonne comme une tentative désespérée de réhabiliter une image profondément écornée.
Pourtant, l’ancien président sénégalais, dont le mandat (2012-2024) a été marqué par des dérives autoritaires, une répression sanglante des manifestations et des manipulations électorales, semble oublier que son propre bilan est loin d’être irréprochable. Son indignation sélective et ses leçons de démocratie, données depuis l’étranger, soulèvent une question : qui est-il pour juger ?
Macky Sall a dirigé le Sénégal pendant douze ans, une période marquée par des avancées infrastructurelles indéniables, mais aussi par un durcissement politique sans précédent. Dès 2021, son refus de renoncer à un troisième mandat a plongé le pays dans une crise profonde. Les rues de Dakar et d’autres villes ont été le théâtre de manifestations violemment réprimées, faisant des dizaines de morts et des centaines d’arrestations arbitraires. Les forces de sécurité ont utilisé une force excessive contre des manifestants pacifiques, tandis que des opposants comme Ousmane Sonko ou Karim Wade étaient écartés de la course présidentielle par des procédures judiciaires contestées.
En février 2024, le report brutal de l’élection présidentielle, décidé dans la confusion et sans concertation, a achevé de discréditer son engagement démocratique. Pire, une loi d’amnistie, votée en mars 2024 pour « décrisper » la situation, a permis de libérer des prisonniers politiques tout en enterrant les responsabilités des violences commises sous son autorité.
Macky Sall dénonce aujourd’hui la violence et le mépris de l’État de droit, alors que son propre mandat a été émaillé de pratiques similaires. L’instrumentalisation de la justice pour neutraliser ses adversaires, la répression systématique des contestations et le flou entretenu sur un troisième mandat ont profondément entamé la crédibilité démocratique du Sénégal. Son exil au Maroc, loin des réalités sénégalaises, renforce le sentiment d’une fuite en avant.
Plutôt que d’assumer ses responsabilités devant la justice de son pays, il préfère donner des leçons depuis l’étranger, comme si la distance pouvait effacer les souvenirs des Sénégalais. Son discours récent n’est donc pas celui d’un homme soucieux de l’intérêt national, mais celui d’un stratège politique cherchant à mobiliser ses troupes pour une reconquête du pouvoir, quitte à attiser les divisions.
Entre 2021 et 2024, des dizaines de jeunes ont été tués lors de manifestations. Des enquêtes sont en cours pour déterminer les responsabilités de ces crimes, et le gouvernement actuel a promis de faire « toute la lumière » sur ces événements. Le report de la présidentielle de 2024, décidé dans des conditions opaques, a été perçu comme un coup de force. Le Parlement, sous son contrôle, a voté une loi inconstitutionnelle pour prolonger son mandat, provoquant un tollé général.
L’utilisation systématique du système judiciaire pour écarter des opposants a été largement documentée, et la loi d’amnistie adoptée en mars 2024, présentée comme un geste d’apaisement, a en réalité permis d’éviter des poursuites contre les responsables des violences, y compris, potentiellement, Macky Sall lui-même.
L’histoire africaine regorge d’exemples d’anciens dirigeants qui, après avoir quitté le pouvoir, tentent de se réinventer en démocrates exemplaires. En Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo a longtemps dénoncé les abus de ses successeurs, oubliant les milliers de morts de la crise post-électorale de 2010-2011. Au Burkina Faso, Blaise Compaoré, exilé après son éviction en 2014, continue de critiquer la gouvernance de son pays, malgré un bilan désastreux. Macky Sall s’inscrit dans cette lignée : celle des dirigeants qui, une fois éloignés du pouvoir, redécouvrent les vertus de la démocratie.
Macky Sall aurait pu choisir la dignité du silence, ou mieux, répondre devant la justice sénégalaise des actes commis sous sa présidence. À la place, il préfère jouer les tribuns depuis l’étranger, alimentant les tensions et retardant la nécessaire réconciliation nationale. Son discours n’est pas celui d’un homme d’État, mais d’un politicien en quête de revanche.
Le Sénégal mérite mieux que ces règlements de comptes. Plutôt que de s’enfermer dans une logique de confrontation, l’APR et ses dirigeants devraient contribuer à apaiser le climat politique, en acceptant de rendre des comptes et en participant à la refondation démocratique promise par le nouveau pouvoir. La légitimité ne se décrète pas depuis un palace marocain : elle se gagne par l’exemplarité et le respect des institutions. Macky Sall, aujourd’hui, en est bien loin. Il est temps de tourner la page.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Soukeyna T.
Mis en ligne : 21/10/2025
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