Bougane Guèye : Un leader prisonnier de ses postures - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 22/11/2025 12:11:00

Bougane Guèye : Un leader prisonnier de ses postures

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L’interdiction du « Niakhtou national » par le préfet de Dakar avait déclenché une réaction aussi vive qu’improductive de la part de Bougane Guèye, leader de Geum Sa Bopp/Jambars. Dans une note incendiaire publiée le 7 novembre, il avait dénoncé une décision « honteuse », accusant le préfet de « crach[er] sur la rupture tant chantée par le régime ». Pourtant, derrière cette indignation de façade se cachait une réalité bien plus gênante : celle d’un leader incapable de pragmatisme, prisonnier de sa propre rigidité idéologique. Plutôt que de chercher une solution pour organiser son événement ailleurs, Bougane Guèye avait préféré jouer les victimes, révélant ainsi une stratégie politique aussi stérile qu’inefficace. Son refus catégorique de négocier ou de s’adapter aux contraintes administratives n’avait pas seulement desservi son image, mais aussi les milliers de partisans qu’il prétendait défendre.

Le « Niakhtou national », prévu le 8 novembre sur le terrain de Sacré-Cœur 3, avait été interdit par le préfet Cherif Mouhamadou Blondin Ndiaye pour des raisons de sécurité et de circulation. Une décision classique, motivée par la nécessité de préserver l’ordre public dans une zone stratégique de Dakar. Pourtant, plutôt que de proposer une alternative, comme le suggérait le préfet en invitant les organisateurs à choisir un autre lieu, Bougane Guèye avait choisi l’affrontement verbal. « Honte à vous ! », avait-il lancé, comme si le respect des règles démocratiques était une insulte à sa personne. Cette réaction en disait long sur sa conception de la politique : un jeu de pouvoir où le compromis était synonyme de faiblesse, et où la provocation primait sur l’efficacité.

Ce n’était pas la première fois que des rassemblements étaient interdits ou déplacés pour des motifs similaires. En 2021, le mouvement Y’en a Marre avait dû modifier le lieu de l’un de ses meetings pour éviter des tensions avec les autorités. Plutôt que de crier au complot, ses membres avaient opté pour une solution pragmatique, permettant à l’événement de se tenir sans incident. À l’inverse, Bougane Guèye semblait préférer le spectacle de l’indignation à l’action concrète. Une attitude qui, loin de servir sa cause, ne faisait que renforcer l’idée d’un leader plus soucieux de son ego que des intérêts de ses partisans.

Le refus de Bougane Guèye de localiser l’événement ailleurs était révélateur d’une rigidité idéologique nuisible. En politique, savoir négocier et s’adapter est une compétence essentielle. Des figures comme Macky Sall ou même Ousmane Sonko, malgré leurs différences, avaient su à plusieurs reprises ajuster leurs stratégies pour contourner les obstacles administratifs ou juridiques. En 2019, lors de l’interdiction d’un rassemblement de Pastef, Sonko avait rapidement proposé un lieu alternatif, évitant ainsi une confrontation stérile avec les autorités. Bougane Guèye, lui, semblait croire que la fermeté se mesurait à l’aune de son intransigeance. Pourtant, cette posture ne faisait que marginaliser son mouvement et priver ses sympathisants d’un espace d’expression.

Son incapacité à trouver un terrain d’entente avec le préfet ne relevait pas d’un combat pour la démocratie, mais d’un calcul politique malavisé. En refusant toute flexibilité, il avait transformé une simple procédure administrative en crise artificielle, au risque de décourager ses propres militants. Combien de ses partisans, prêts à se mobiliser, s’étaient retrouvés frustrés par l’annulation pure et simple de l’événement ? Combien avaient vu dans cette affaire non pas une preuve de courage, mais un manque de préparation et de sérieux ?

Pire, cette attitude desservait l’opposition dans son ensemble. À force de rejeter systématiquement le dialogue, Bougane Guèye donnait des arguments à ceux qui accusaient l’opposition sénégalaise d’être divisée, désorganisée et incapable de proposer une alternative crédible. Dans un contexte où le pays avait plus que jamais besoin de débats apaisés et de solutions constructives, son approche du « tout ou rien » apparaissait comme un luxe que le Sénégal ne pouvait plus se permettre.

En politique, la capacité à s’adapter était souvent la clé du succès. Nelson Mandela, après des décennies de lutte, avait su négocier avec le régime de l’apartheid pour obtenir des avancées concrètes. Bougane Guèye, lui, semblait préférer les gestes symboliques aux résultats tangibles. Son refus de déplacer le « Niakhtou national » n’avait pas affaibli le préfet, mais avait privé ses partisans d’une tribune. Une victoire à la Pyrrhus, où le leader sortait grandi dans son propre esprit, mais où le mouvement qu’il représentait en ressortait affaibli.

En choisissant la confrontation plutôt que la négociation, Bougane Guèye s’était isolé non seulement des institutions, mais aussi d’une partie de l’opinion publique. Les Sénégalais, las des tensions politiques, attendaient des leaders capables de proposer des solutions, pas des postures. Son intransigeance risquait de le marginaliser, y compris au sein de sa propre base.

Ironie de l’histoire, son attitude ne faisait que renforcer la position des autorités. En refusant de jouer le jeu démocratique, il leur offrait sur un plateau l’image d’un opposant irresponsable, incapable de gérer les contraintes les plus élémentaires. Le préfet, en agissant dans le cadre de la loi, sortait grandi de cette affaire, tandis que Bougane Guèye apparaissait comme un éternel mécontent, plus prompt à critiquer qu’à agir.

Que se passerait-il la prochaine fois ? Si chaque interdiction administrative était transformée en crise politique, le Sénégal risquait de s’enliser dans un climat de tensions permanentes, où le dialogue devenait impossible. Bougane Guèye, en refusant de montrer l’exemple, contribuait à cette dynamique malsaine.

L’histoire politique regorgeait d’exemples de figures qui avaient su concilier fermeté et pragmatisme. En France, Jean-Luc Mélenchon, souvent critiqué pour son radicalisme, avait pourtant su organiser des meetings dans des lieux alternatifs lorsque les préfets lui opposaient des refus. Au Sénégal même, Khalifa Sall, malgré ses démêlés avec la justice, avait toujours veillé à maintenir un canal de discussion avec les autorités pour éviter l’escalade. Ces leaders comprenaient une chose que Bougane Guèye semblait ignorer : une opposition efficace était une opposition qui savait naviguer entre principe et réalisme.

À l’inverse, des figures comme Marine Le Pen en France ou Donald Trump aux États-Unis avaient montré les limites d’une stratégie fondée sur le rejet systématique des institutions. Leur intransigeance, loin de les rendre plus forts, avait souvent servi leurs adversaires en les présentant comme des dangers pour la stabilité démocratique. Bougane Guèye, en s’inscrivant dans cette lignée, prenait le risque de devenir un acteur marginal, dont les cris d’orfraie ne résonnaient plus que dans un cercle de plus en plus restreint.

L’affaire du « Niakhtou national » avait été révélatrice des limites de Bougane Guèye comme leader. Son incapacité à négocier, son refus de s’adapter et sa propension à transformer chaque contretemps en drame politique ne servaient ni sa cause ni ses partisans. À force de confondre fermeté et entêtement, il ne faisait que creuser son propre isolement.

Le Sénégal avait besoin d’une opposition forte, mais aussi responsable. Une opposition qui sache défendre ses idées sans mépriser les règles du jeu démocratique. Bougane Guèye, en choisissant la posture plutôt que l’action, montrait qu’il n’avait pas encore compris cette leçon. Tant qu’il préférerait crier « honte à vous » plutôt que de chercher des solutions, il resterait un leader mineur, prisonnier de ses propres contradictions. Pour ses partisans comme pour le pays, c’était une bien mauvaise nouvelle.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Abdou Sarr.
Mis en ligne : 22/11/2025

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